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Programme,  plus de lettres que de chiffres
actuel n°125, vendredi 20 janvier 2012
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Des promesses plus réalistes, un discours plus lisse, le gouvernement Benkirane présente sa feuille de route pour les cinq prochaines années. En voici l'essentiel.

Le programme gouvernemental ne ressemble pas au programme du PJD. Moins ambitieux – ou plus réaliste –, le plan d’action de l’équipe Benkirane est un mix des programmes des partis de sa coalition.


 

 Les islamistes ont quand mĂŞme pu imprimer leur empreinte, notamment sur le volet identitaire.  Dans le « livre blanc », remis Ă  la presse Ă  l’issue du discours de Benkirane, l'islam et l’identitĂ© nationale unificatrice figurent Ă  la une.

 C'est le premier pilier du programme du nouveau gouvernement. Dans son allocution, le chef du gouvernement a tenu Ă  souligner que les langues arabe et amazighe seraient « renforcĂ©es, dans un cadre garantissant l'unitĂ© et la diversité » du Royaume, en prĂ©cisant que « l'identitĂ© marocaine se distingue par la place prĂ©Ă©minente accordĂ©e Ă  l'islam ».

 Le Printemps arabe traverse Ă©galement en lame de fond la dĂ©claration de politique gĂ©nĂ©rale. Le triptyque « dignitĂ©-libertĂ©-justice sociale » est clairement mentionnĂ© dans le programme et le chef du gouvernement ne manquera pas non plus de dire que sa  dĂ©claration s’inscrit dans le cadre « de la dynamique dĂ©mocratique que connaĂ®t le monde arabe ».

 Il n'oublie pas cependant de souligner l'attachement du Royaume « à la religion de l'islam tolĂ©rant, la monarchie constitutionnelle, la dĂ©mocratie et la dĂ©fense de l'intĂ©gritĂ© territoriale », laquelle constitue la prioritĂ© des prioritĂ©s.

 

Forte connotation sociale

Côté économique, le nouveau gouvernement table sur un taux de croissance de 5,5% pour les quatre prochaines années.

L’objectif, c’est aussi de « maîtriser l'inflation autour de 2%, réduire le taux de chômage à 8% et le déficit budgétaire à 3% (6% du PIB attendus en 2011) durant les quatre années à venir », a déclaré Benkirane, seize jours après la formation du gouvernement, sachant que le Maroc a enregistré une croissance de 4,5% en 2010 et s'attend à un taux de 4% à 5% en 2011.

 Officiellement Ă©tabli Ă  9,6%, le taux de chĂ´mage devrait Ă©galement ĂŞtre ramenĂ© Ă  8% Ă  l’horizon 2016. Pour ce faire, le gouvernement entend bien poursuivre les programmes dĂ©jĂ  enclenchĂ©s (Taahil, Moukawalati, Idmaj) et propose d’en ajouter trois nouveaux autres.

 Il s’agit de Moubadara (Initiative) qui « vise Ă  encourager le recrutement au sein des associations actives dans les services sociaux et pĂ©dagogiques », de Taatir (Encadrement) qui consiste Ă  « octroyer des bourses aux diplĂ´mĂ©s-chĂ´meurs pendant une longue durĂ©e, durant leur stage de reconversion » et, enfin, du plan Istiaab (rĂ©sorption) qui aura pour mission « de crĂ©er un système incitatif pour le basculement de l’informel Ă  l’économie structurĂ©e ».

 Ce sont ces trois nouvelles mesures que propose donc Benkirane pour « diminuer l’impact du chĂ´mage des jeunes, et rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s sociales » qui constituent les grands dĂ©fis du gouvernement. Et surtout calmer les ardeurs de la contestation sociale.

 Par ailleurs, tout en considĂ©rant la lutte contre la corruption comme un « axe de première importance » de l'action de son Ă©quipe, Benkirane a souhaitĂ© l'Ă©radication de l'illettrisme en ramenant son taux Ă  20% (contre 30% actuellement, selon les chiffres officiels).

Son programme promet aussi la création d'un « fonds public d'assurance sociale pour les démunis ».

 Figure Ă©galement au programme la construction de logements sociaux, notamment un produit nouveau ciblant les classes moyennes, pour rĂ©duire le dĂ©ficit de 840 000 Ă  400 000 unitĂ©s, et « accĂ©lĂ©rer la mise en Ĺ“uvre des projets de villes sans bidonvilles ».

 Le salaire minimum Ă  3 000 dirhams a disparu des promesses du PJD. Dans son programme, le gouvernement promet « d'Ĺ“uvrer pour une hausse graduelle du SMIG ». Pour rappel, c’est la mesure attendue par 71% des Marocains, d’après le sondage rĂ©alisĂ© pour actuel (N°120).

Ali Hassan Eddehbi

… Et pendant ce temps à l’extérieur du Parlement

Dès 10 heures, des femmes du Mouvement pour la démocratie paritaire se sont rassemblées devant le Parlement, brandissant des pancartes dénonçant l’insuffisance de la représentativité des femmes dans le gouvernement. « 1 contre 30, c’est incroyable ! », pouvait-on lire sur les pancartes.

 Vers 11 heures, elles Ă©taient dĂ©jĂ  plusieurs dizaines auxquelles se joindront les chĂ´meuses du « groupe des 40 », qui se dit exclu de l’arrĂŞtĂ© d’Abbas  El Fassi concernant l’embauche directe de plus de 4 000 diplĂ´mĂ©s-chĂ´meurs.

 Petit Ă  petit, les hommes rejoindront les femmes. On ne verra plus les militantes fĂ©ministes, mais plutĂ´t une armĂ©e de diplĂ´mĂ©s-chĂ´meurs de presque toutes les tansiquiyat (coordinations). Essentiellement des licenciĂ©s et des titulaires de masters. Les docteurs, eux, sont de moins en moins visibles. InterrogĂ©s sur le motif de leur sit-in, les protestataires n'Ă©taient pas très volubiles.

 C’est que leurs revendications sont les mĂŞmes depuis des lustres. « Ce que nous voulons, c’est l’emploi. Nos revendications ne changeront pas. Nous sommes lĂ  parce que c’est le jour de la dĂ©claration gouvernementale », se contente de rĂ©pondre l’un des « organisateurs » du sit-in.

 D’autres chĂ´meurs, plus malins, se faufileront pour passer devant la porte arrière du Parlement afin d’interpeller directement les ministres. A la sortie de l’hĂ©micycle, Benkirane, dans sa voiture, s'est trouvĂ© face Ă  un petit groupe de jeunes qui lui a remis des demandes d’emploi.

 Par courtoisie, il en a pris deux ou trois, mais dès que les autres ont tentĂ© d’assaillir sa voiture « de fonction », il a froncĂ© les sourcils et Ă  demandĂ© Ă  son chauffeur d’accĂ©lĂ©rer. Eh oui, un chef de gouvernement ne va quand mĂŞme pas fonctionner au cas par cas !


Ambiance au Parlement

Inchallah, dans cinq ans…

Le discours était solennel et consensuel. On s'est un peu ennuyé au Parlement. Heureusement que les femmes ont assuré l'ambiance !

 

Les strapontins du Parlement se remplissent à vue d’œil ce jeudi matin. Les membres des deux Chambres sont venus en force écouter la déclaration gouvernementale. Abdelilah Benkirane arrive décontracté et tout sourire à l’hémicycle.

 Les photographes l’assaillent tandis que les ministres discutent et posent eux aussi devant les objectifs. A contrario, Hamid Chabat, membre de la majoritĂ© et patron du syndicat de l’Istiqlal, n’a pas l’air en grande forme.

 Il arrive en retard et ne prĂŞte que peu d’attention Ă  la dĂ©claration du chef de gouvernement. Benkirane, vĂŞtu du mĂŞme costume Ă©lĂ©gant qu’il portait pour la visite officielle de Mariano Rajoy, prend la parole après l’ouverture de la sĂ©ance par le prĂ©sident de la première Chambre, Karim Ghellab.

 SitĂ´t les classiques salutations terminĂ©es, le chef du gouvernement est interrompu par les femmes, surtout les pamistes de l’opposition. Elles brandissent des pancartes dĂ©nonçant la faible reprĂ©sentativitĂ© fĂ©minine. La salle les acclame Ă  l’unisson et on voit mĂŞme la ministre pjdiste  Bassima Hakkoui applaudir !

 

Côté femme, côté opposition

Benkirane détaille alors son programme et l’on remarque tout de suite le ton solennel et le caractère consensuel d’un discours dans lequel figurent les orientations générales du pays, dont la marocanité du Sahara, les directives royales, etc.

 L’assistance Ă©coute religieusement Benkirane. Dans les rangs de l’opposition USFP, on remarque un Hassan Tarik distrait qui consulte son tĂ©lĂ©phone, et un Kabbaj qui pianote sur son iPad.

 Tout au long du discours de Abdelilah Benkirane, qui a durĂ© près de deux heures, un mot revient en particulier : « Hakama », (bonne gouvernance), un concept qui lui tient Ă  cĹ“ur. Le chef du gouvernement est applaudi par les parlementaires de sa majoritĂ©, mais pas par ses dĂ©tracteurs qui ne peuvent s’empĂŞcher de rire quand il Ă©voque « l’égalité ».

 Â«â€‰Je suis sincère. Je ne suis pas de ceux qui vendent uniquement les paroles », rĂ©torque-t-il. A la fin de l’exposĂ©, les parlementaires quittent la salle et se donnent rendez-vous pour le vote de confiance, qui doit se tenir dans trois ou quatre jours.

 Â«â€‰La dĂ©claration gouvernementale ressemble Ă  une dĂ©claration d'intention car elle n’est pas suffisamment chiffrĂ©e », commente Salaheddine Mezouar, patron de l’opposition rniste. Hassan Tarik trouve Ă©galement le texte vague, mais la majoritĂ© dĂ©fend son projet qui dresse les lignes directrices pour les cinq prochaines annĂ©es.

 Benkirane sort de l’hĂ©micycle, tout sourire, après un petit dĂ©bat avec une parlementaire qui lui reproche la faible reprĂ©sentativitĂ© des femmes. Les ministres et les parlementaires quittent petit Ă  petit le bâtiment et on remarque Ă  la sortie Aziz Rebbah, ministre de l’Equipement et du Transport, attablĂ© dans le cafĂ© populaire Italia. Mezouar est, lui, parti dĂ©jeuner dans une ambiance plus cosy, au Grand comptoir...

Zakaria Choukrallah

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