EditoNouvelle GénérationDossierEconomiePolitiqueSociétéTendances & CulturePortraitBdVDiaporamaArchives
 
Follow actuel_maroc on Twitter
Follow actuel_maroc on Twitter
La prière du vendredi gagne du terrain 
actuel n°53, samedi 26 juin 2010
| More

Le prêche du vendredi attire de plus en plus de monde. Ces rassemblements de foule « autorisés » sont l’objet d’une guerre de position sans merci entre l’État et les islamistes.


***

Casablanca. Rond-point Albert 1er, plusieurs policiers en sueur s’évertuent à aider les automobilistes à faire demi-tour. Curieux s’abstenir ! Pour ceux qui ne comprennent pas l’objet de ce ramdam, il suffit de s’aventurer un peu sur les artères menant au rond-point : tout le pourtour et même les rues attenantes sont bondés de fidèles assis à même le sol à l’extérieur de la mosquée du quartier. Traverser la métropole à midi relève du parcours du combattant parce que, chaque semaine, c’est le même rituel : des rues, voire des quartiers entiers sont interdits à la circulation pour la prière du vendredi. Prière obligatoire, le jour saint des musulmans est devenu le rendez-vous hebdomadaire incontournable pour des milliers de Marocains. Et pas forcément des citoyens en djellaba, des jeunes BCBG, des cadres, des rappeurs qui abandonnent leur tee-shirt bariolé pour un accoutrement plus sobre, le temps d’une prière. « Le phénomène est général, dans tous les pays arabo-musulmans, de plus en plus de citoyens sont happés par un regain de religiosité. Ce n’est pas forcément un signe de piété mais l’activisme des islamistes et la prolifération des chaînes qui présentent les télévangélistes du Golfe qui ont fait leur effet », explique l’islamologue Saïd Lakhel. La théorie du jour sacré est profondément ancrée dans l’imaginaire traditionnel marocain.

Distinguer le sacré et le profane

Le croyant réalise ce jour-là des actions qu’il ne fait pas durant le reste de la semaine. En ce jour particulier, on distingue le sacré et le profane (si dans les autres pays musulmans, on ne fait pas de commerce en ce jour férié, chez nous, on s’est contenté d’aménager un horaire de travail spécial pour les candidats à la prière).

La canonisation du vendredi et ce qu’elle entraîne comme avis compliqués, lois légales et perceptions de l’univers et de la société n’ont pas empêché cette pratique de perdurer et de traverser les âges avec une vigueur remarquable. Toutes ces composantes interfèrent pour faire du vendredi un rite religieux maîtrisé et une institution aux enjeux sociaux et politiques considérables. Comme le sujet du discours rituel en islam, à travers le modèle du vendredi, est considéré comme l’expression d’une vision donnée du monde, ce rendez-vous hebdomadaire est l’objet d’une guerre de positions entre les islamistes et le département d'Ahmed Toufiq. Les théoriciens du ministère des Habous, pour faire face à la propagande radicale des islamistes, ont mis au point, au lendemain des attentats du 16 mai, une vaste offensive pour reprendre le contrôle des mosquées et plus spécialement de celles où se bousculent des milliers de fidèles pour écouter, chaque semaine, le prêche.

Chargés de couper l’herbe sous le pied des prédicateurs salafistes dont la plupart ont été jetés en prison (Fizazi et Abou Hafs pour ne citer que ces deux-là), ou récupérés par les islamistes modérés (Zemzemi qui a abandonné le prêche au sein de la fameuse mosquée Al Hamra de Casablanca, pour un confortable strapontin de député), les imams des Habous sont désormais contraints de s’en tenir aux orientations écrites concoctées dans les délégations régionales du ministère des Affaires islamiques.

Est-ce que le musulman a gagné au change ? Rien n’est moins sûr. Si on observe le contenu du prêche du vendredi, on remarque que le discours servi par les prédicateurs salafistes, marqué par la philosophie islamique – c’est-à-dire le culte des idées avancées par les « salafs », les anciens –, a été remplacé par un discours qui a tous les aspects de la modernité sans vraiment l’être. « Beaucoup de gens nous reprochent de tenir des pro¬pos inintéressants, d’autres nous tiennent rigueur de faire de la propagande officielle au lieu de répondre à des questions d’actualité. Or, nous sommes tenus à l’obligation de rester fidèles aux orientations de notre hiérarchie », se désole ce jeune imam de Rabat dont la tâche est d’autant plus rude qu’il officie dans un quartier chic de la capitale. « Contrairement à ce que l’on croit, la prière du vendredi n’est pas complètement verrouillée par les Habous. Malgré tous les efforts des fonctionnaires d'Ahmed Toufiq, il y a encore trop d’imams qui font de la propagande ouverte pour les salafistes. Certains caressent l’idéologie radicale des jihadistes dans le sens du poil, en mettant l’accent sur la dépravation des mœurs, et les plus modérés dont Radouane Ben Chekroun, pourtant président du Conseil des ouléma de Casablanca, tirent à boulets rouges sur des festivals comme celui de Mawazine », précise Saïd Lakhel.

La prière «officieuse»

Quant aux salafistes les plus extrémistes, ils préfèrent se retrouver dans le domicile de l’un d’eux pour une prière du vendredi « officieuse », histoire d’éviter d’avoir à subir le prêche concocté par le ministère des Habous. Plus encore que le prêche, ce sont ces grands rassemblements de foule qui suscitent la convoitise des islamistes. Il n’est pas anodin de constater que dans de nombreux lieux de culte, le prêche est servi en dehors de l’enceinte de la mosquée à travers de puissants haut-parleurs.

Pour leur part, les disciples de cheikh Yassine profitent souvent de l’occasion pour distribuer des tracts ou des dépliants comme celui où l’on voit Yassine transformé en Noé, trônant sur l’Arche et appelant « les brebis égarées » à monter avec lui. « La fin des temps approche, l’Apocalypse est imminente, seuls ceux qui auront foi en cheikh Yassine seront sauvés », explique la brochure en papier glacé !

Si on s’attarde quelque peu sur le fond des prêches, on s’aperçoit qu’ils répondent à une même logique : les musulmans sont considérés comme incapables de penser en dehors du cercle de la foi et de la vérité absolue. Tout ce qui n’entre pas dans le politiquement correct est considéré comme impensable car il représente un risque de glissement de la croyance vers l’irréligion.

Même ce que l’on appelle pompeusement « explication scientifique du Coran » n’a rien de scientifique. Il n’y a aucun interdit dans une démarche scientifique, or les prédicateurs se contentent d’interpréter les paroles du Coran afin d’y chercher une morale quelconque, mais pas plus.

Mohamed Abed El Jabri qui s’est intéressé à la question, considère que même les mouvements interprétatifs qui se disent modernes ne se basent en fait que sur la démonstration de la foi et focalisent sur les sciences naturelles expérimentales (astronomie, géologie, physique), excluant de facto les sciences humaines. « Pour réfléchir sainement à ces questions, il faudrait qu’on ose une lecture autre qui délimite les frontières entre le scientifique et l’idéologique, entre l’historique et le mythique, entre le réel et l’imaginaire… », explique Saïd Lakhel. Or dans tous les prêches du vendredi comme dans la littérature salafiste, les interprétations traditionnelles de l’islam sont sacralisées au lieu d’être soumises à la pensée critique, à l’aide d’outils épistémologiques élaborés par les sciences profanes, afin d’intégrer pleinement la modernité dans toute approche de l’islam, comme le proposent de nouveaux penseurs tels que Rachid Benzine.

Adellatif El Azizi

Que fait la direction des mosquées ?

La puissante direction des mosquées est composée de cinq divisions et de dix-huit services qui gèrent un total général de 34 118 lieux de culte musulmans répartis sur tout le Royaume, dont 10 530 à peine relèvent directement du ministère des Habous alors que 23 588 mosquées ont été construites par des bienfaiteurs. Et la prière du vendredi s’effectue régulièrement au sein de 11 612 mosquées à travers le Maroc. La direction des mosquées est née au lendemain des attentats du 16 mai, plus exactement en décembre 2003. Elle a pour objectif principal d’organiser, d'orienter et d'assurer le suivi des opérations de prédication et de sensibilisation au sein des mosquées, en coordination avec les instances et les conseils des oulémas concernés. En 2007, pour mieux contrôler la construction des mosquées et bloquer les pétrodollars qui présidaient à l'érection de celles affiliées à la mouvance wahhabite, un dahir particulièrement sévère a été promulgué.

| More
Archives Politique
N°173 : Cheikh Yassine : Disparition du prophète de l’apocalypse  
N°172 : USFP : Quatre candidats pour un seul projet 
N°171 : Istiqlal Chabat : s'en va-t-en guerre  
N°170 : Al Jazeera / Rabat : Fin du divorce cathodique  
actuel N°169 : Tanger : Le PAM en mode reconquĂŞte  
N°168 : Interview : Tarek SbaĂŻ  
N°167 : Congrès de l’USFP : Un parfum de transparence  
N°166 : Seconde Chambre : DĂ©gage  
N°164/165 : Mouvement populaire : Petites victoires, grandes attentes  
N°163 : RentrĂ©e parlementaire : Il est urgent de lĂ©gifĂ©rer  
N°162 : LĂ©gislatives partielles : Retour du classico PAM-PJD  
N°161 : Istiqlal La chute du Fassisme   
N°160 : Cacophonie gouvernementale : Y a-t-il un pilote dans l’avion 
N°159 : Maroc / Syrie : La guerre est dĂ©clarĂ©e  
N°158 : Interview Abdelouahed El Fassi 
N°157 : Mohamed Maradji : le photographe des trois rois 
N°155 : L’inquiĂ©tant populisme du PJD 
N°154 : La com’ de Benkirane en 5 questions 
N°153 : La mĂ©thode Chabat  
N°152 : Politique fiction : Les jours d’après  
N°151 : Deux Benkirane pour le prix d’un 
N°150 : Istiqlal : Guerre totale au sommet, acte II  
N°149 : Parti de l’Istiqlal : Pour qui penchera la balance  
N°147 : Hauts fonctionnaires : Le couperet des nominations  
N°146 : Qui veut la peau de Chabat 
N°145 : CommĂ©morations : Abdelkrim n’est pas mort  
N°144 : Marche de Casa : L’USFP tacle Benkirane  
N°143 : Patrons et politique :  l'improbable duo
N°142 : IntĂ©rieur : Les dessous d'un choix
N°141 : Communales :  Le casse-tĂŞte du calendrier
N°140 : RNI : un congrès plus aroubi qu’amĂ©ricain !
N°139 : Conseil de la ville de Casablanca : Les « pieds nickelĂ©s» Ă  la mairie
N°138 : PPS Dans l'ombre de Benkirane ? 
N°137 : Le SGG:  envers et contre tous
N°136 : Saison des congrès : Un dinosaure en chasse un autre
N°135 : Maroc-UE :  DĂ©claration d’amour
N°134 : Senoussi    L’homme qui en sait trop
N°133 : Martine au Maroc 
N°132 : USFP  Le congrès de toutes les rivalitĂ©s
N°131 : Al Adl,  bĂŞte noire de Benkirane
N°130 : Congrès du PAM  Le tracteur passe Ă  l'offensive
N°129 : SĂ©curitĂ© nationale  Les services ont le spleen
N°128 : Fouad El Omari  "Le PAM dĂ©range"
N°127 : Gouvernement  Les dossiers sensibles de l'Istiqlal
N°126 : Investiture :  Vote sous haute tension
N°125 : Programme,   plus de lettres que de chiffres
N°124 : Rabat/Ankara,   Il y a PJD et PJD
N°123 : Gouvernement.   On a le casting, on attend le film !
N° 122 : Le PSU   se positionne
N°121 : Formation du gouvernement :   Dernière ligne droite
N° 120 : Gouvernement :  Les signaux qu'on attend
N°119 : Entretien : Salaheddine Mezouar   Projet contre projet, idĂ©e contre idĂ©e
N°118 : Selwa,   de la rose Ă  la lampe
N°117 : Campagne Ă©lectorale :  A vos marques, prĂŞts...
N°116 : Programmes Ă©conomiques :  les enchères sont ouvertes
N°115 : Koutla/G8 :  les hostilitĂ©s peuvent commencer
N°114 : Alliances  La gauche se rĂ©veille
N°114 : Interview  express
N°114 : Les pirates Ă  l’assaut   de la politique
N°114 : El Jadida  Attention candidat sulfureux
N°113 : Parlement : Session   La grande  évasion des dĂ©putĂ©s
N°113 : Alliance   Au G8, la nuit ne porte pas conseil
N°113 : Interview  express
N°112 : Faut-il abolir   la peine de mort
N°112 : Walou pour Oualalou  
N°112 : DĂ©coupage Les ciseaux de la discorde
N°112 : Circonscriptions clĂ©s Fatiha Layadi, victime d’un putsch au PAM
N°112 : Interview express  Mohand Laenser
N°112 : Brèves Le PJD fait la danse du ventre Ă  Nador
N°111 : Alliances Le grand bazar 
N°110 : Justice  Peut mieux faire
N° 109 : Printemps arabe  Demain la charia
N° 109 : Abdelkrim MoutiĂ®  Un exilĂ© bien encombrant
N°108 : Mouvement du 20 fĂ©vrier Qui veut la peau de L7a9ed  
N°107 : Parlement Y a-t-il un avenir pour les jeunes  
N°107 : Quotas Les femmes se rebiffent  
N°107 : Elections Faites vos jeux, rien ne va plus  
N° 106 : Elections anticipĂ©es Le compte Ă  rebours a commencĂ©  
N° 104/105 : Champ religieux Les chiites avancent leurs pions  
N°103 : Istiqlal Cherche leader dĂ©sespĂ©rĂ©ment  
actuel 102 : Sahara Les tribus Ă  couteaux tirĂ©s  
actuel 101 : RĂ©fĂ©rendum Une campagne Ă  double dĂ©tente  
N°100 : Constitution Le dĂ©bat en cinq questions  
N°99 : Chabiba  Mini 20-FĂ©vrier Ă  l’USFP
N° 98 : Constitution Le nouveau règne  
N° 97 : Le printemps marocain sous surveillance 
N° 96 : RNI : Les Ă©lections d'abord  
N° 95 : CCG : Le oui, mais... du Maroc  
N° 95 : Partis : Le PAM dans la tourmente  
Actuel n°94 : RĂ©formes politiques : L'IMRI pose sa pierre  
Actuel n°94 : 2012, c'est dĂ©jĂ  demain  
N°93 : La monarchie, un système moderne 
Actuel n°92 : 20 FĂ©vrier : Ou en est-on ? 
Actuel n°91 : Barbouzeries Les islamistes veillent au grain  
Actuel n°90 : Le maire enfonce Abdelmoula 
Actuel n°89 : Manifester global et revendiquer local 
Actuel n°88 : Des partis plus royalistes que le roi 
Actuel n°87 : Benkirane dans la tourmente 
Actuel n°86 : Salaheddine Mezouar: « J’assumerai mes responsabilitĂ©s ! » 
Actuel n°84 : Du 20 fĂ©vrier au 20 mars... 
Actuel n°83 : Conflits d’intĂ©rĂŞts El Ferrae dĂ©croche la palme d’or
Actuel n°82 : Axe Rabat-Riyad  Destins croisĂ©s
Actuel n°81 : AĂŻcha Mokhtari  
Actuel N°72 : Le message de la Marche blanche 
Actuel n°69-70 : Comment Laâyoune a basculĂ© dans le chaos 
Actuel n°68 : Mieux partager pour vivre mieux 
Actuel n°67 : TĂ©lĂ©, Al Jazeera montre les crocs
Actuel n°66 : La guerre des zaouĂŻas 
Actuel n°65 : RentrĂ©e parlementaire : le roi recadre les dĂ©putĂ©s
Actuel n°64 : Sahara, des militants bien tendancieux
Actuel n°63 : Mustapha Salma Ould Sidi Mouloud, tĂ©mĂ©raire ou courageux ?
Actuel n°62 : La gauche est morte, vive les altermondialistes ! 
Actuel n°61 : Presse-Magistrature : liaisons dangereuses ? 
Actuel n°60 : Les Marocains d’Al-Qaida 
N°59 : La guerre secrète des lobbys 
N°58 : Scandales : cols blancs Ă  la barre 
N°57 : Congrès des islamistes : le MUR bĂ©tonne sa stratĂ©gie 
N°56 : Madrid-Rabat : bisbilles entre voisins 
N°55 : MĂ©dias et sociĂ©tĂ©, un dialogue national en cul-de-sac
N°54 : Les blogs s'activent politiquement 
N°53 : La prière du vendredi gagne du terrain 
N°52 : USFP Alerte rouge pour le parti de la rose
N°51 : MP : Jurassic Park Power 
N°50 : Partis Pour quelques jeunes de plus
N°49 : AMDH  Le 9e congrès officialise la mainmise d’Annahj
N°48 : El Fassi devant les dĂ©putĂ©s,  un bilan mitigĂ©
N°47 : Radi : « Les institutions Ă©lues doivent ĂŞtre irrĂ©prochables  
N°46 : La face cachĂ©e du Cheikh Yassine 
N°45 : Chabat :  retenez-moi ou je fais un malheur !
N°44 : El Himma Cible Abbas El Fassi 
N°43 : Election au perchoir:  Radi sous tension
N°42 : Affaire Belliraj  RĂ©vĂ©lations sur les chiites marocains en Belgique
N°41 : Lobbying : les think tanks au secours des partis politiques ?
N°40 : TĂ©lĂ©vision et politique:  Je t’aime, moi non plus
N°39 : Expulsions d’évangĂ©listes, L’oncle Sam indignĂ© !
N°38 : Cheikh Yassine qui va lui succĂ©der ?
N°37 : Le Makhzen reprend les choses en main
N°36 : Le PAM bouscule le champ politique
N°35 : A quoi sert le Parlement ? 
N°34 : Services secrets Le dur chemin de la bonne gouvernance
N°33 : Sahara La guerre des chefs
N°32 : RNI  Le triomphe de Mezouar
N°31 : Insultes, racisme, violence verbale Quand les politiques dĂ©rapent
 
 
actuel 2010 Réalisation - xclic
A propos Nous contacter