Sous l’impulsion du Printemps arabe, les grands partis politiques se trouvent acculés à changer leur hiérarchie. Certains candidats montrent ouvertement leur appétit, tandis que d’autres cadors attendent le moment opportun. Mais ces velléités de changement ne paraissent que de façade tant les profils qui émergent restent consensuels…
et largement consommés.
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Istiqlal
Le changement dans la continuité
Ceux qui ne connaissent pas la maison Istiqlal sauteront au plafond en apprenant qu’un El Fassi remplacera sûrement un autre El Fassi. Les observateurs plus avertis y verront une histoire déjà écrite en 2009.
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Les 29, 30 juin et 1er juillet, dates du congrès de l’Istiqlal, ne s’annoncent pas particulièrement excitantes pour les observateurs de la scène politique marocaine. On connaît déjà les résultats de ce congrès qui verra très probablement l’arrivée de Abdelouahed El Fassi à la tête du parti de l’Istiqlal, en remplacement de Abbas El Fassi qui ne terminera donc pas son troisième mandat.
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Pour l’heure, les préparatifs de la grand-messe istiqlalie vont bon train. Le samedi 7 avril, les quatorze commissions qui chapeautent le congrès seront au grand complet, nous assure une source à la commission préparatoire. Après un débat houleux sur la date du congrès, les istiqlaliens se sont finalement mis d’accord sur la tenue de l’événement cette année au lieu de 2013, après la fin du mandat de quatre ans de Abbas El Fassi, comme prévu dans les statuts du parti. Le vent de renouvellement qui souffle sur les partis a donc précipité l’agenda de l’Istiqlal, mais sans pour autant bousculer un certain conservatisme consensuel qui fait la marque de fabrique de la formation : il n’y aura pas de révolution à la tête du parti de la balance. Résultat, le profil de Abdelouahed El Fassi émerge presque tout naturellement.
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L’homme qui avait raflé la mise en 2009 en arrivant premier dans les votes des membres du comité exécutif, le véritable « gouvernement de l’Istiqlal », est donné favori. Il est discret, respecté et jouit de l’aura de son père, Allal El Fassi. « C’est un homme extraordinaire et crédible. Personne ne pourra se présenter contre lui par respect, à part s’il annonce son retrait, ce qui est très peu probable », explique en off ce membre du comité exécutif. Au sein du parti, tous vouent un respect presque filial à ce cardiologue sexagénaire qui est tombé dans la marmite de la politique par hasard, par filiation.
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En 2009, déjà , lors du 15e congrès, son nom s’imposait comme futur successeur de Abbas El Fassi. Reste qu’il est de la famille El Fassi, ce qui peut être gênant en termes d’image pour le parti, sans oublier son âge et son caractère mou en politique. L’ancien ministre de la Santé, vite retombé dans l’anonymat après son mandat, est inconnu à l’extérieur de l’Istiqlal mais il s’imposera à moins de se retirer de son propre chef. Ce qui serait du jamais vu dans l’histoire, très paisible, des congrès de l’Istiqlal. En une phrase : « El Fassi part, vive El Fassi ! »
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USFP
Le roman de la rose
L’Union socialiste des forces populaires (USFP) est, comme toujours, traversée par l’appétit de ses apparatchiks qui se disputent le poste de premier secrétaire. Les jeux sont loin d’être faits.
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Comme d’habitude, plusieurs noms circulent dont ceux de Habib El Malki, Fathallah Oualalou, Abdelhadi Khairate, Driss Lachgar, et un nouveau challenger, Ahmed Réda Chami. Dans cette course, il y a bien un favori, comme l’explique ce fin connaisseur de la maison ittihadie. « Habib El Malki a l’aval de Abdelhadi Khairate (le directeur du journal Al Ittihad). Autrement, il n’aurait pas annoncé officiellement sa candidature dans le journal du parti. Il a aussi l’assentiment de l’actuel premier secrétaire, Abdelouahed Radi qui lui a réservé un accueil chaleureux lors d’une rencontre du bureau politique à Agadir. » Mohamed Achaâri, qui participe de nouveau aux réunions du bureau politique, avait bondi lors de l’annonce de la candidature d'El Malki, dénonçant un favoritisme et une annonce précipitée. « L’USFP n’avait pas encore tranché les détails du congrès à l’heure de cette annonce », fulmine ce proche de Achaâri.
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Quid des autres concurrents ? Driss Lachgar a peu de chances de passer malgré le fait qu’il sait tirer les ficelles de la maison socialiste. Il est pénalisé par ses prises de position pro-PAM il y a de cela quelques années.
Fathallah Oualalou préférera pour sa part négocier une bonne position plutôt que partir dans une aventure risquée où il n’est pas sûr de trouver le Graal tandis que Abdelhadi Khairate est défavorisé par son côté tonitruant et « grande gueule », comme l’explique ce jeune ittihadi de Settat, le fief de Khairate.
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Le député de Settat serait plus enclin à apporter son soutient à El Malki pour renforcer la présence des siens au sein du bureau politique, d’autant plus que la formation socialiste se dirige vers la réduction du nombre des membres dudit bureau de 23 à 15 seulement. Un candidat pourra néanmoins faire de l’ombre à Habib El Malki et profiter de la fronde des jeunes ittihadis qui veulent faire le ménage en chassant les dinosaures. Il s’agit d'Ahmed Réda Chami. Mais notre source explique que son nom a été dévoilé d’avance pour justement lui couper l’herbe sous le pied. Cependant, les pronostics peuvent changer du tout au tout à mesure que le congrès approche car l’USFP est connue pour la ruse politique de ses ténors.
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Mouvement populaire
Le jeune, le senior et l’apparatchik
Tout semble aller pour le mieux au sein du Mouvement populaire… tant que l’on n’a pas encore évoqué la question de la succession de Mohand Laenser.
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Le parti de l’épi a le vent en poupe. La constitutionnalisation de l’amazigh lui a valu une place confortable au sein de la majorité gouvernementale, en dépit de ses résultats relativement modestes aux élections. Content de sa part du gâteau, le MP préfère retarder le débat autour des problèmes organisationnels. Apparemment, c’est l’hibernation totale à l’heure actuelle. « Depuis que Mohand Laenser a pris ses fonctions à la tête du parti, c’est Saïd Ameskane qui gère les affaires internes par intérim », nous rappelle Aziz Dermoumi, membre du bureau politique. « Nous n’avons aucune actualité particulière… et la question du congrès national ou l’élection d’un nouveau secrétaire général ne sont pas du tout à l’ordre du jour », assure-t-il. Pourtant, des sources internes avancent une date pour le congrès. « Il est prévu pour juillet prochain, sinon juste après les élections communales », nous confie un membre du parti.
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On serait même en train de débattre des candidats à la succession de Laenser , qui prendra probablement sa retraite partisane pour se consacrer à ses fonctions à la tête de la « mère des ministères » (l’Intérieur). Mohamed Ouzzine, jeune ministre de la Jeunesse et des Sports, est, dit-on, pressenti pour le poste de secrétaire général. « Il a le soutien de Laenser. C’est lui le favori », nous confie notre source. Quant à l'ex-ministre des Transports, Saïd Ameskane, personne ne miserait un kopeck sur lui.
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Les deux émules de Ouzzine ne sont autres que Lahcen Haddad, ministre du Tourisme, et un autre Ouzzine, fils de Mahjoubi Ahardane ! « Celui-ci tiendrait mordicus à faire porter son fils à la tête du parti, sous peine de saboter tout le processus », croit savoir notre interlocuteur. Ce récit est difficilement vérifiable, mais il reste vraisemblable. « Mohamed Ouzzine est jeune, il a la légitimité au sein de son parti et possède la bénédiction du palais qui a accepté sa reconduction dans l’actuel gouvernement », explique un observateur... Laissons le temps au temps!
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RNI
Course de lièvres
Le cinquième congrès national du RNI, prévu du 27 au 29 avril, pourrait déboucher sur bien des surprises…
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Salaheddine Mezouar, le président sortant qui remet son titre en jeu, semble plutôt confiant dans l’avenir. Les dernières sorties du personnage témoignent d’un optimisme à toute épreuve puisque le patron du RNI envisage même de remplacer Benkirane au cas où le gouvernement actuel basculerait. Sauf que depuis 2010, le RNI a traversé bien des zones de turbulences. Le « putsch » contre Mustapha Mansouri conduit par Salaheddine Mezouar, et qui l'a porté à la présidence, a changé le cours de vie de la formation de la colombe. Voulant jouer dans la cour des grands, le parti a décroché un score moyen lors des dernières législatives. De l’ambition de conduire un gouvernement, le RNI a dû se contenter d’une place dans l’ombre au sein de l’opposition.
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Ce prochain congrès sera donc l’occasion d’essayer de redresser la barre. Deux courants s’affrontent d’ores et déjà  : l’un, furieux, tient Mezouar pour responsable de la débâcle qu’a connue le RNI et s’oppose à sa reconduction à la tête du parti, tandis qu’un deuxième préfère renouveler sa confiance à l’ex-argentier du Royaume. Pour les premiers, la montée en puissance de Mezouar n’est que le fruit de son rapprochement avec le PAM alors dirigé par Fouad Ali El Himma, et il sera bien difficile de rééditer le même exploit aujourd’hui.
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C’est sur cette vague de contestation qu’aurait choisi de surfer Mohamed Aujjar, en faisant part de sa candidature aux membres du bureau politique du parti, bien que celle-ci ne soit pas encore officielle. Contacté par actuel, l’intéressé n’a pas souhaité répondre à nos questions. En effet, ce membre du bureau exécutif, et ancien ministre des Droits de l’homme sous le gouvernement d’alternance, n’en est pas à sa première tentative. En 2007, il s’était porté candidat à la succession de Ahmed Osman contre Mustapha Mansouri et Mostafa Oukacha. Il se contentera finalement d’un rôle de lièvre, s’étant vite retiré de la course en apportant son soutien à Mansouri. Trois ans plus tard, il rejoindra le « mouvement réformateur » mené par Mezouar contre le même Mansouri ! Plus surprenant encore, il y a à peine quelques semaines, il s’était engagé à soutenir Mezouar... Comment expliquer ses multiples volte-face ? Pour certains, il s’agit de « marchandages », alors que beaucoup d'autres cadres soutiennent que l’homme n’a tout simplement pas l’étoffe pour occuper ce poste. Il ne reste plus que quelques jours pour connaître la réponse.
Ali Hassan Eddehbi et Zakaria Choukrallah |