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Al Adl, bĂŞte noire de Benkirane
actuel n°131, vendredi 2 mars 2012
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Au moment où les salafistes repentis s’apprêtent à entrer de plain-pied dans le jeu politique, Al Adl Wal Ihsane n'envisage pas cette éventualité. Au point de s'attirer les foudres du gouvernement Benkirane.


 

Rien ne va plus entre le gouvernement islamiste et la Jamâa du cheikh Abdeslam Yassine. Si celle-ci nous a habituĂ©s ces derniers temps Ă  des sorties virulentes contre le PJD et le gouvernement conduit par ce parti, le fait nouveau est que Abdelilah Benkirane paraĂ®t ne plus tolĂ©rer les « écarts  de conduite » d'Al Adl Wal Ihsane. Contrairement aux salafistes, dont l’un des idĂ©ologues, le cheikh Fizazi, a votĂ© en faveur de la nouvelle Constitution, Al Adl campe sur ses positions de boycott, ce qui en fait la nouvelle force d’opposition islamiste sinon l’unique. 

Dimanche 26 février, lors d’une manifestation de soutien au peuple syrien à Casablanca, Al Adl n’a pas manqué ce rendez-vous hautement politique. Message essentiel: si la Jamâa a quitté le M20, elle n’a pas pour autant rompu avec la contestation. Ainsi, au moment où le gouvernement, par la voix du ministre de la Justice et des Libertés, Mustafa Ramid, promet aux salafistes de les « aider » à créer un parti politique, ce même exécutif prend de plus en plus ses distances avec la Jamâa considérée, désormais, comme groupement subversif.

Dans une interview accordée au quotidien saoudien basé à Londres, Asharq Al-Awsat, Benkirane n’a pas hésité à menacer le mouvement du cheikh Yassine, en déclarant que « celui qui joue avec le feu sera le premier à se brûler ».

 

Des hauts et des bas

Au lendemain de la victoire de son parti aux législatives, Benkirane avait publiquement appelé les « frères » d’Al Adl à revoir leur logique et à participer au jeu politique. Une exhortation qui n’avait pas trouvé d’écho favorable auprès de la Jamâa. Car peu après, Abdeslam Yassine avait publié une lettre dans laquelle il accusait le PJD d’avoir fait échouer une « occasion historique » pour le changement en refusant de soutenir le 20-Février et en se rangeant du côté du régime.

 Certes on a cru, Ă  un moment donnĂ©, que les choses allaient se rĂ©tablir entre les deux « frères ennemis » lorsque la Jamâa avait annoncĂ© son retrait du M20. Certains y avaient mĂŞme vu un cadeau au nouveau  gouvernement. Mais au regard des derniers dĂ©veloppements, on peut s’attendre Ă  tout dans les relations entre Al Adl et le PJD. Tout, sauf des cadeaux mutuels.

En réalité, le PJD et Al Adl n’ont jamais été de véritables amis.

 Si les deux tendances ont pu converger sur certaines questions d’ordre moral ou nationaliste, telles que la cause palestinienne ou encore les droits de la femme, il leur arrivait souvent d’avoir des points de vue diamĂ©tralement opposĂ©s s’agissant des questions de politique intĂ©rieure.

 Pour le politologue Mohamed Darif, cette sortie mĂ©diatique traduit « un changement de position au sein de l’aile du PJD reprĂ©sentant le gouvernement ». Car, poursuit-il, les propos de Benkirane ne sont pas exprimĂ©s au nom du PJD, mais en tant que chef du gouvernement. L’exercice du pouvoir et les concessions qui l’accompagnent imposent au PJD de revoir de fond en comble ses liens avec les autres mouvances de la galaxie islamiste.

 D'ailleurs, lors d'une prĂ©cĂ©dente rĂ©union du conseil national du PJD, des militants ont reprochĂ© Ă  Benkirane ses dĂ©clarations dans Asharq Al-Awsat. Le PJD est-il en train de se diviser pour autant ? Pas vraiment. Comme le souligne Darif, « le PJD est en train de reproduire la mĂŞme expĂ©rience que l’USFP en 1998.

 A l’époque, des militants du parti, membres du gouvernement, prenaient des positions diffĂ©rentes de celles des militants qui ne sont pas au gouvernement… Ce sont les contraintes de la gestion de la chose publique qui imposent pareilles rĂ©actions ».

 

Bouc Ă©missaire ?

Benkirane aurait eu tort de s’en prendre aux adlistes de cette manière. Car quand le chef de gouvernement dit, en substance, que « Al Adl exploite la question des diplĂ´mĂ©s chĂ´meurs, et qu’elle a Ă©tĂ© derrière la tournure qu’ont pris les Ă©vĂ©nements de Taza », cela ressemble Ă  un dĂ©ni de responsabilitĂ©. « Il sait que la situation socio-Ă©conomique est très prĂ©caire Ă  Taza. Pourtant, il a  choisi de se cacher derrière un bouc Ă©missaire Ă  dĂ©faut de pouvoir affronter les vrais problèmes », estime Darif.

 Les mises en garde adressĂ©es par Benkirane Ă  la Jamâa traduiraient davantage un malaise devant une situation sociale insoluble qu’une nouvelle Ă©tape dans la relation entre Al Adl et le PJD. « Durant toutes les annĂ©es qu’il avait passĂ©es dans l’opposition, le PJD se montrait toujours dans le rĂ´le de victime. Aujourd’hui qu’il est au pouvoir, le parti serait tentĂ© par la mĂŞme logique ; d’oĂą ce besoin de se crĂ©er des adversaires. »

 Pourtant, « la Jamâa a eu et continue d’avoir de bonnes relations avec le MUR et le PJD.  Nous n'avons de problèmes avec personne, mais si des personnes ont changĂ© leur position une fois au pouvoir, c’est leur affaire », a affirmĂ© le porte-parole de la jeunesse d’Al Adl, Hassan Bennajah.

 Selon lui, « ce qui se passe est loin d’être un malentendu. Ce sont des parties Ă  l’intĂ©rieur du rĂ©gime qui cherchent Ă  crĂ©er un clash entre la Jamaâ et le PJD ». Avant de conclure : « Quant au gouvernement, nous n’avons rien contre lui car l’on est persuadĂ©s que ce n’est pas lui qui dĂ©tient le pouvoir. »

Reste Ă  savoir si Benkirane partage ce dernier point de vue...

 Ali Hassan Eddehbi

Conseil national du PJD

Benkirane se rebiffe

C’est un Benkirane en colère qui a ouvert les travaux du conseil national du PJD, tenus dimanche dernier à Salé. « Notre parti ne rentrera pas en litige avec le roi comme le souhaitent ardemment ces laïcs qui se sont alliés à Satan. La nouvelle Constitution exige de nous d’aborder les changements dans la concertation et non dans le bras de fer. Nous sommes parfaitement convaincus que la monarchie reste le ciment de ce peuple et le socle de sa stabilité. » Dans la foulée, le chef du gouvernement s’en est pris aux femmes qui ont manifesté devant le Parlement pour protester contre la marginalisation de la gent féminine dans son équipe.

 Benkirane s’est Ă©galement montrĂ© très remontĂ© contre les contestations dans la rue, promettant l’enfer Ă  ceux qui croient encore que les islamistes laisseront le chaos s’installer. « Les citoyens ont le droit d’exprimer leurs opinions comme ils ont le droit et le devoir de revendiquer, mais nous ne permettrons plus que des voitures de police soient allĂ©grement caillassĂ©es », a-t-il prĂ©venu.

 La session ordinaire du conseil national du PJD a clĂ´turĂ© ses travaux par l’élaboration d'un nouveau programme d’actions pour 2012. A l’ordre du jour, figuraient Ă©galement les projets de budget et les critères d’adhĂ©sion au parti. Ainsi, le parlement du parti de la lampe a votĂ© en faveur d’un budget de 24 millions de dirhams pour l’annĂ©e 2012, et a approuvĂ© les critères d’adhĂ©sion au parti ainsi que les rapports des trois commissions permanentes.

En marge de cette session, le comité préparatoire du congrès du PJD, prévu les 14 et 15 juillet prochain, a élu Abdellah Baha, vice-président de ce congrès.

A.E.A.

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