Fouad El Omari, malgré ses airs de jeune premier et sa discrétion légendaire, fait partie des hommes forts du Parti authenticité et modernité (PAM). Frère du véritable patron du parti, Ilyas Omari, il préside également aux destinées de la mairie de Tanger et siège au Parlement.
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actuel : On parle de millions de dirhams qui seront consacrés à la grand-messe du PAM, de nuits blanches pour préparer un congrès où sont invités des milliers de participants... Pourquoi mobiliser autant de moyens pour une rencontre très classique de la vie politique ?
Fouad El Omari. Ce congrès est plus qu’un rendez-vous classique dans la vie de tous les partis. Nous avons fait exprès d'accorder toute l’importance nécessaire pour choisir les intervenants, décider de la liste finale des congressistes et du contenu des débats.
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Dans la plateforme qui va être utilisée comme document de travail par les congressistes, on parle de « socialisme démocratique ». Est-ce que cela veut dire que le PAM renonce à l’équilibre revendiqué entre modernité et tradition ?
Il s’agit pour nous de nous identifier clairement politiquement. Il est temps maintenant d'ouvrir une nouvelle page de l’histoire du PAM. Tout change autour de nous. Il y a aujourd’hui des défis nouveaux, une donne qui a profondément changé le champ politique ; le PAM ne peut pas rester en dehors des appels au changement. La social-démocratie, c’est d’abord avoir le « sens du peuple ». A quoi sert de faire de la politique si les idées sont tellement floues qu'elles ne changent pas la vie des citoyens ? A quoi sert de pérorer sur des orientations générales si elles ne se traduisent pas concrètement dans le quotidien du citoyen lambda ? Il est urgent de réguler d'une manière radicale l'ensemble de nos relations avec les autres acteurs politiques et de redonner du pouvoir aux bases.
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Ce virage à 180 degrés n’est-il pas la preuve que les gauchistes du parti ont eu raison des notables ?
Je peux vous assurer que ce qui s’écrit dans certains organes de presse n’a rien à voir avec la réalité du parti. Nous avons des départs et des arrivées comme toutes les autres formations politiques. Je vois par exemple souvent des commentaires, des articles de presse rédigés juste pour nous taper dessus. Une rage qui se focalise contre le PAM et qui oublie des partis encore au pouvoir, et qui ont pourtant conduit le pays à la faillite. Mais, en même temps, c’est bon signe, cela veut dire que le PAM dérange. Bien entendu, il y a des inquiétudes. Il y a des interrogations. Et nous entendons y répondre. Mais il y a surtout, je crois, une ébullition politique et médiatique qui est liée, naturellement, aux bouleversements qui touchent également notre pays.
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Le PAM est passé à l’opposition dès que ses ennemis irréductibles, à savoir les islamistes, sont montés au pouvoir. Or, on ne vous entend plus depuis la formation du gouvernement. Vous cultivez une opposition de façade ?
Est-ce que vous avez examiné attentivement la déclaration gouvernementale? Il s’agit plus d’intentions que d’un programme détaillé. Quant aux chiffres, il ne faut pas rêver. A ce stade, nous attaquer au gouvernement équivaudrait à lui faire un procès d’intention. Attendons de voir les premières décisions de l’équipe au pouvoir pour décider si oui ou non, il y a lieu de monter au front. Si le gouvernement montre sa capacité à préparer l’avenir par les réformes et les adaptations nécessaires pour lutter contre le chômage, assurer la croissance, etc., nos critiques seront constructives. Car l’opposition parlementaire devrait exprimer, largement, l’opinion publique.
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Beaucoup prédisent toutefois des difficultés pour le PAM après le départ de Fouad Ali El Himma. L’absence du fondateur du parti ne nuira-t-elle pas à son unité ?
A ceux qui pronostiquent un éclatement du PAM après le départ de Fouad Ali El Himma, parti pour d’autres missions, nous leur disons qu’ils doivent considérer cela comme la preuve que le PAM n’est pas le parti d’une personne, mais plutôt une formation qui puise sa légitimité dans une base militante, peu concernée par les guerres d'ego au sommet. Il me faut rappeler brièvement ce qu’est le PAM. Ce parti est une réalité neuve puisqu’il est né d’un constat fait, à l’époque, que les partis en présence, qu’ils soient de gauche ou de droite, étaient devenus sclérosés et incapables de proposer des alternatives.
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Les candidats sont à couteaux tirés pour la présidence du parti. Y a-t-il des favoris à la succession de Biadillah ?
Il n’y a pas de favori. Tout ce que je peux vous dire, c’est que les demandes sont nombreuses. Sur la question des élections au poste de secrétaire général, les avis sont unanimes : quel que soit le nombre de candidats, la partie sera rude. Il n’y a pas pour l’instant de leadership, le parti a misé sur des profils jeunes, carrés, qui ont néanmoins un background politique en béton. Mais le candidat qui sortira vainqueur devra jouer l'apaisement avec les diverses tendances qui sont représentées au sein du PAM.
Propos recueillis par Abdellatif El Azizi |