L’arrivée de la nouvelle équipe gouvernementale permettra-t-elle de mettre au jour la part d’ombre qui a prévalu dans la gestion de certains ministères ? L’USFP veut le croire…
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Le Makhzen a-t-il soutenu en catimini la participation de l'Istiqlal au gouvernement pour empêcher les islamistes de fouiller dans les dossiers noirs de la période El Fassi, comme le suggèrent plusieurs figures de l'opposition ?
La semaine dernière, Ahmed Zaïdi, le patron des socialistes au Parlement, a ainsi défié le chef du gouvernement de rendre publique la liste des détenteurs d'agréments de transport, des bénéficiaires des carrières de sable ou encore des propriétaires de licences de pêche.
Pourquoi ce ténor de l'USFP, qui a participé à l'alternance où les socialistes régnaient en maîtres, n'a-t-il pas, à l'époque, exigé de ses camarades d'ouvrir la boîte de Pandore ?
Le chef du groupe parlementaire n’ignore pas que le nouveau patron du Parlement, Karim Ghellab, est le seul à pouvoir répondre à la question, pour avoir passé près d'une décennie à la tête du département de l'Equipement.
Ainsi, au niveau de ce ministère clé où les grands projets se sont succédé, les piles de contrats signés en catimini ne manqueraient pas.
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Premier dossier explosif
Autre secteur sensible, hier tenu par Yasmina Baddou : la Santé. « Affairisme », « clientélisme », « gabegie », « trafic d’influence », de graves accusations ont été portées à l’encontre de ce ministère, singulièrement par le PJD lui-même quand il était dans… l'opposition.
Premier dossier explosif entre les mains du nouveau patron de la Santé, celui des marchés-cadres relatifs aux vaccins. Face aux irrégularités qui auraient entaché ces marchés, le ministre de la Santé a été contraint de convoquer, en urgence, une commission scientifique chargée des vaccins, afin d'établir un rapport complet et déterminer l'ampleur des pertes.
Un communiqué du ministère précise ainsi que El Hossein El Ouardi, « a décidé de surseoir provisoirement à l'engagement des marchés-cadres relatifs aux vaccins au titre de l'année 2012, en attendant des clarifications sur le respect des procédures de lancement et d'exécution de ces marchés ainsi que sur la pérennisation du financement ».
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Gros opérateurs mis en cause
Quand à l’Habitat, autre secteur qui était également aux mains des Istiqlaliens, l’explosion des manifestations de bidonvillois à travers tout le pays laisse craindre le pire. Nabil Benabdellah devra certainement abandonner ce fameux rêve de « villes sans bidonvilles », tant les projets de relogement ont été, jusque-là , réalisés en dehors de toute politique de réhabilitation et de régularisation.
Fournir gratuitement, ou à moindre prix, un terrain ou un appartement aux familles démunies, a trouvé ses limites. De plus, la vente au dirham symbolique de domaines publics à des investisseurs privés a engraissé ces derniers, sans permettre à un plus grand nombre de bidonvillois de bénéficier d’un logement décent.
A coups de milliards distribués généreusement aux bureaux d’études étrangers, le département de l’Habitat a tourné le dos à des expériences internationales concluantes comme celle du Brésil qui a réussi à apprivoiser ses favelas par des approches originales. Dans ce secteur, plus que d’autres encore, les soupçons de corruption et de délit d’initié sont considérables, mettant parfois en cause quelques-uns des plus gros opérateurs immobiliers. Le PJD a-t-il les moyens de laver le linge sale des ex-ministres istiqlaliens en public ? Rien n’est moins sûr.
Avant son investiture, afin de faire face aux très nombreux défis, notamment ceux liés à la Santé, à l’Education, à l’Agriculture et à l’Habitat, le PJD avait rappelé sa détermination à traquer l’économie de rente. Que peuvent faire les islamistes ? A la vérité, pas grand-chose. Le pouvoir politique a longtemps engendré autour de lui un usage immodéré de passe-droits, de corruption et d’abus de pouvoir. Si les compagnons de Benkirane appliquent à la lettre leurs engagements de « bonne gouvernance », alors ce sera déjà une victoire.
Abdellatif El Azizi |