La diplomatie marocaine
s’extravertit
Initiant une pratique à perpétuer, Saâd-Eddine El Othmani s’est ouvert à la presse nationale... avec tact !
Quelques jours à peine après la passation des pouvoirs, Saâd-Eddine El Othmani, nouveau ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, s’est mis au boulot. Il inaugure son mandat par des rencontres avec les ambassadeurs accrédités au Maroc.
« Il s’agit simplement de réunions de prise de contact. Nous n’avons pas encore discuté des dossiers chauds », explique le nouveau ministre, lundi 9 décembre, lors d’un point de presse. El Othmani se contentera de rappeler les positions précédemment affirmées par le Royaume puisque « le gouvernement n’a pas encore décliné sa politique générale en matière d’affaires étrangères ».
Cela ne l’a cependant pas empêché de passer des messages codés à qui de droit… Souriant et très confiant, El Othmani semblait davantage vouloir donner une image rassurante de lui à la tête de ce ministère sensible et opaque.
Premier signal positif : la diplomatie marocaine affiche, pour la première fois, son intention de s’ouvrir sur l’opinion publique et la presse nationale. Une qualité qui faisait cruellement défaut du temps de Taïeb Fassi Fihri et de ses prédécesseurs qui préféraient ne communiquer qu'en temps de crise, et encore, le plus souvent par l’intermédiaire des communiqués figés de la MAP !
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« I’m the boss »
Dès l’annonce de la composition du nouveau gouvernement, des observateurs estimaient que le ministre délégué aux Affaires étrangères, Youssef Amrani, l’un des piliers de la maison, allait être le vrai patron, ne laissant au ministre qu’un simple rôle de figurant ou, au mieux, un rôle d’interlocuteur privilégié des pays arabes et islamiques.
Interrogé sur ces allégations par actuel, El Othmani s'est montré ferme. « Ces propos sont totalement infondés. Au contraire, poursuit-il, ce département a besoin de plusieurs ministres délégués pour représenter le Maroc et je suis très content de collaborer avec M. Amrani. » Le « psy » n’a pas non plus manqué de marquer son territoire : « Tout le monde sait qu’il y a un ministre des Affaires étrangères et un ministre délégué ! »
Une manière de dire que c’est lui le boss. Commentant la nomination de Taïeb Fassi Fihri au cabinet royal, quelques jours seulement avant la constitution du gouvernement, il n’a pas manqué non plus de tracer la frontière entre le gouvernement et le « Shadow Cabinet » : « M. Fihri n’est pas un responsable direct du ministère et ne peut donc donner aucune instruction. Cela étant, je suis ravi de savoir que le roi est entouré de personnes aussi compétentes ! » Un vrai diplomate.
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Une logique de continuité
Un peu à la manière de Benkirane, le nouveau diplomate en chef a tenu à rassurer les chancelleries étrangères quant à sa politique future, dont il n’a encore dévoilé que quelques grandes lignes.
« L’action diplomatique concerne les intérêts supérieurs de toute la patrie et ne peut donc être abordée sous l’angle étroit de l’appartenance partisane », lance-t-il d’emblée. Préférant s’exprimer dans ses « propres mots » – la langue de bois officielle lui échappant peut-être encore –, il promet que « la diplomatie marocaine, dans sa nouvelle formule, respectera les cercles prévus dans la Constitution en donnant la priorité aux relations maghrébines, arabes, africaines ainsi qu’européennes, américaines et asiatiques ».
Il ne manque que l’Océanie ! Pas de revirement en vue donc, dès lors que le nouveau ministre insiste sur la préservation des relations « traditionnelles », faisant notamment allusion à la France et aux USA. Il faudra maintenant attendre la déclaration de politique générale pour y voir plus clair.
Ali Hassan Eddehbi |