Le Parti socialiste unifiĂ© (PSU) ne se radicalise pas. Il se cherche. Aujourdâhui, son alliance avec le M20 marque la naissance dâune nouvelle opposition, celle de la rue.
Le troisiĂšme congrĂšs du Parti socialiste unifiĂ© (PSU) a eu des airs de campus universitaire, faisant oublier qu'il s'agissait dâun Ă©vĂšnement partisan. Trois jours durant, les camarades et leurs hĂŽtes du 20-FĂ©vrier ont brandi Ă volontĂ© les slogans anti-Benkirane et anti-Makhzen.
Entre deux sĂ©ances de travaux, les congressistes, en majoritĂ© des Ă©tudiants et des enseignants, se sont rassemblĂ©s dans la cour du complexe Moulay Rachid pour les jeunes Ă Bouznika, dans les traditionnels cercles (Halaqiyate), pour dĂ©noncer tout et rien, Ă lâaide de mĂ©gaphones usĂ©s. Ces travaux, qui se sont dĂ©roulĂ©s dans la transparence et dans une ambiance bon enfant, cachent pourtant un malaise profond. Celui de la gauche tout entiĂšre.
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Crise identitaire
Du dĂ©but Ă la fin des travaux, la question des enjeux de ce 3e congrĂšs se posait avec acuitĂ©. Car si lâon a repoussĂ© la date de presque deux ans, ce nâest pas pour de simple soucis «âorganisationnelsâ», comme lâon prĂ©fĂšre avancer du cĂŽtĂ© de la direction du parti.
En effet, jusquâau 20 fĂ©vrier dernier, le parti a eu beaucoup de mal Ă trouver un leitmotiv sur lequel surfer. Le printemps arabe et le 20-FĂ©vrier apporteront la piĂšce manquante. Une promesse de nouvelle vie.
DâoĂč le choix de placer ce congrĂšs sur le thĂšmeâ: «âLa monarchie parlementaire ici, maintenant.â» Dans ce sillage, lâĂ©lection du nouveau secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral passe pour un enjeu mineur. Dâailleurs, lâĂ©lection des nouvelles structures nâa pas Ă©tĂ© Ă lâordre du jour du congrĂšs. Seule a Ă©tĂ© approuvĂ©e une nouvelle plateforme du parti prĂ©sentĂ©e par Mohamed Sassi.
M20, mon amour
Vendredi 17 dĂ©cembre, Ă lâouverture des travaux, Bensaid Ait Idder a pris la parole haranguant, comme Ă son habitude, les foules prĂ©sentes. Son intervention a tournĂ© autour d'un seul axe.
Le soutien corps et Ăąme Ă la rue marocaine et au 20-FĂ©vrier. Une position, aprĂšs tout, naturelle. Car aprĂšs sa dĂ©cision de boycott des Ă©lections, le parti nâa dâautre choix que de se positionner dans la rue.
«âAprĂšs ce qui sâest passĂ© en Tunisie puis en Egypte, nous avons compris qu'une Ă©poque Ă©tait rĂ©volue. La rue marocaine a son mot Ă dire et nous nous sommes rangĂ©s de son cĂŽtĂ©â», explique Mohamed Sassi.
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Selon lui, les revendications du PSU consistent Ă dĂ©crocher une monarchie parlementaire dans lâimmĂ©diat. Or cela est-il rĂ©ellement faisableâ? Et si oui, commentâ? Sassi nâa pas de rĂ©ponse Ă ces deux questions. «âCe nâest pas notre problĂšme. Câest celui de ceux qui ont Ă©laborĂ© cette Constitutionâ», se contente-t-il de rĂ©torquer.
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Grand parti de gauche
Lâautre objectif de ce congrĂšs aura Ă©tĂ© dâessayer dâesquisser la construction dâun grand pĂŽle de gauche. Comme lâa soulignĂ© Najib Chaouki, membre de la section de Rabat du 20-FĂ©vrier et invitĂ© Ă la cĂ©rĂ©monie d'ouverture, «âle but est de constituer le parti de gauche dĂ©mocratique et progressisteâ».
Un grand rassemblement qui se fera Ă gauche de lâUSFP plutĂŽt quâĂ sa droite. «âLa gauche gouvernementale est devenue un terreau de rentiers et de corrompusâ», ajoute-t-il, sous les applaudissements nourris des camarades prĂ©sents. Habib Malki et Abdelhamid Jmahri, qui Ă©taient dans la salle, nâont pas rĂ©agiâŠ
Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, les revers cuisants essuyĂ©s par lâUSFP ont nourri lâambition du PSU de devenir le nouveau noyau dur de la gauche marocaine. Dans le mĂȘme temps, le PSU fait lâeffort de soigner son image pour balayer le clichĂ© dâune formation dâextrĂȘme gauche.
«âAnnahj fait dans la science-fiction, par contre le PSU est un parti rĂ©alisteâ», explique Najib Chaouki. «âLe parti est attachĂ© Ă la monarchie parlementaire parce que câest la clĂ© de la transition dĂ©mocratique. Aujourdâhui, on ne peut pas parler de transition dĂ©mocratique sans mĂ©canismes dĂ©mocratiques (la Constitution, ndlr)â», ajoute-t-il.
On retrouve le mĂȘme son de cloche chez lâĂ©conomiste Najib Akesbi, figure emblĂ©matique du parti, pour qui «âlâambition nâest pas de sauter sur le vide laissĂ© par lâUSFP, car ce vide a Ă©tĂ© depuis longtemps exploitĂ© par les islamistesâ». «âDepuis le 20 fĂ©vrier dernier, poursuit-il, un nouveau cycle politique a commencĂ© au Maroc.â»
DâoĂč lâintĂ©rĂȘt de privilĂ©gier la «âlutte Ă partir de la rueâ». Un avis corroborĂ© par Mohamed Sassiâ: «âNous avons eu cette donne nouvelle qui est la rue marocaine. Nous parions dessus pour arracher le changement. Les institutions restent une arĂšne pour militer. Mais elles ne sont plus les seulesâ», nuance-t-il.
Un pari dont les chances dâaboutir se voient renforcĂ©es aprĂšs la dĂ©cision dâAl Adl Wal Ihsane de ne plus sortir avec le mouvement. Ceci dâautant plus que lâon estime que contrairement Ă la stratĂ©gie des disciples de cheikh Yassine ou Ă celle dâAnnahj Addimocrati, le PSU ne compte pas faire main basse sur le mouvement du 20-FĂ©vrier.
Si le but est de recruter plusieurs militants du M20 dans ses rangs, le parti tient Ă ce quâil nây ait pas dâamalgame entre les deux casquettes. «âLes vingtfĂ©vriĂ©ristes militeront dans le mouvement en tant quâindividus et pas forcĂ©ment en tant que membres du PSUâ», nous explique-t-on au sein du parti.
Si lâalliance est scellĂ©e entre le PSU et le M20, il nâen reste pas moins que ce parti semble manquer dâune stratĂ©gie claire, du moins pour les mois Ă venir.
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Manque de visibilité
Que propose le PSU de concret aux Marocainsâ? Dispose-t-il dâun agenda fixant ses prioritĂ©sâ? A-t-il un plan B au cas oĂč sa stratĂ©gie actuelle s'avĂ©rerait inefficaceâ? Ces questions ne trouveront pas non plus de rĂ©ponses du cĂŽtĂ© de la direction.
Câest que la situation actuelle du parti ne lui permet pas de voir au-delĂ du prĂ©sent. «âDisposant dâune faible reprĂ©sentation lors de la prĂ©cĂ©dente lĂ©gislature, nous avons passĂ© ces derniĂšres annĂ©es Ă lutter contre lâoubli et Ă essayer de survivre.
Le 20 fĂ©vrier dernier a Ă©tĂ© une force motrice pour le parti qui a pu enfin se muer, mais il ne sait pas encore oĂč il vaâ», croit savoir un congressiste. Et mis Ă part ces spĂ©culations sur lâavenir, une chose reste sĂ»reâ: il y a une nouvelle opposition qui se constitue dans la rue.
Et ce rapprochement entre le 20-FĂ©vrier et le PSU, loin dâĂȘtre reprĂ©sentatif de lâensemble de la sociĂ©tĂ© marocaine, a au moins le mĂ©rite de reprĂ©senter un pan de lâopinion publique. Mais lĂ encore, les hĂ©ritiers de Ait Idder loupent un volet essentielâ: la mobilisation.
Comme lâassure Akesbi, «âsi les Marocains sortent encore trĂšs nombreux comme ce fut le cas le 20 fĂ©vrier dernier, lâon arrachera de nouveaux acquisâ». Car lâon croit au sein du PSU que «âle Makhzen fonctionne selon une logique de concession et non de changement. Et plus la pression sera forte, plus lâon obtiendra de rĂ©formesâ».
Seul hic, le parti nâa rien prĂ©vu pour dĂ©clencher cette mobilisation tant espĂ©rĂ©e. «âIl sâagit du problĂšme de toute la gauche marocaine. Jamais elle nâa pris le soin dâaller Ă©couter les gens. Elle reste renfermĂ©e dans ses idĂ©aux et attend que la sociĂ©tĂ© la rejoigne.
Pour mobiliser les gens, il faut plutĂŽt Ă©couter leurs besoins et non pas essayer de les convaincre de la pertinence des vĂŽtresâ», commente ce professeur en sciences politiques. Au vu de lâaction de terrain menĂ©e au quotidien par les islamistes du PJD et ceux du MUR, lâon est aisĂ©ment persuadĂ© que ce constat colle Ă la rĂ©alitĂ©. Triste rĂ©alitĂ©.
Ali Hassan Eddehbi |