Le gouvernement de Benkirane sera moins resserré que prévu. Il comptera vingt-neuf membres, avec un nombre réduit de secrétaires d'Etat. Le PJD devrait hériter d'un super portefeuille avec tous les départements à caractère social et notamment la Santé, l’Education nationale, la Justice, l’Habitat, l’Emploi, la Famille et la Solidarité, la Culture, la Jeunesse et les Sports.
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Semaine particulièrement studieuse pour Abdelilah Benkirane qui n’a pas eu le temps de souffler, passant d’une réunion à l’autre. Maintenant, au moins, il sait où il va. Son plan est simple : agir vite, avec efficacité, et autant que possible, démarrer sa législature avec un consensus sur les fondamentaux de la politique du PJD.
« Le PJD a une volonté de changement profond de la manière de gouverner. L’heure est au rassemblement des énergies, des bonnes volontés de tout le monde, c’est pour cela que les tractations prennent autant de temps », explique l’intéressé.
Le patron des islamistes prône « l'écoute des gens d'en bas, l'ouverture aux autres formations politiques dont celles de l’opposition, et enfin le renouvellement du personnel politique ». La réalité est beaucoup plus prosaïque : croulant sous le poids des multiples demandes de ministrables au sein de sa coalition, le nouveau chef du gouvernement n’a eu d’autre choix que d’élargir la fourchette du nouveau gouvernement.
D’après Benkirane, le nombre de ministres et secrétariats d’État du prochain cabinet devrait se situer entre 25 et 30. « La formation d'un gouvernement restreint avec 20 ministères et secrétariats d’État avait été débattue au sein du parti, dans un souci d'efficacité et de réduction des charges financières. Toutefois, la réalité des choses, l'évaluation des moyens disponibles et le souci de former un cabinet efficient nous ont amenés à opter pour un gouvernement de 25 à 30 portefeuilles », explique Benkirane.
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Dernières retouches
Selon un proche de Abbas El Fassi, « l'objectif principal de ce nouveau gouvernement plus élargi est de montrer que la majorité resserrée autour des islamistes et de l’Istiqlal est unie quand l’opposition menée par la gauche reste désunie ».
Plutôt satisfaits de la tournure des tractations, les patrons des partis participant au prochain gouvernement ont ainsi bouclé la première étape des négociations, avant d'entamer un second round avec le nouveau chef de l'exécutif.
Il s’agit d’apporter les dernières retouches à l'architecture du prochain exécutif qui sera décliné entre ministères dits de souveraineté, départements productifs et secteurs sociaux. Sur le fond, il n’y a pas de changements majeurs si ce n’est que les commissariats au Plan, aux Eaux et Forêts et à l’Administration pénitentiaire, vont être absorbés par leurs ministères de tutelle.
La Culture et la Communication seront regroupées dans un seul ministère. Alors que la Pêche disposera d’un ministère à part entière et que l’Agriculture retrouvera une indépendance qu’elle avait perdue sous le gouvernement El Fassi. Le ministère de l’Energie, des Eaux et des Mines signera l’arrêt de mort d’offices comme l’ONEP.
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L'Intérieur divisé en deux
Autre nouveauté, le chef du gouvernement aura un adjoint ; on parle déjà de Abdellah Baha, un fidèle lieutenant de Benkirane comme vice-président du gouvernement.
Et si le département des Habous devrait rester l’apanage du roi, comme nous l’a confirmé Benkirane lui-même, les ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères peuvent très bien revenir – comme ce fut toujours le cas – à des personnalités sans étiquette politique.
« Je ne peux rien dire pour le moment. Mais je vous donne quand même un avant-goût : ces départements seront conduits par des ministres que je proposerai au roi. Je ne peux pas vous dire s’ils auront ou pas une étiquette politique », a répondu, laconiquement, Benkirane.
En fait, les islamistes verraient bien l’Intérieur divisé en deux départements distincts : l’un consacré à l’Administration territoriale et l’autre aux Collectivités locales. On aurait ainsi un ministère de l’Intérieur proprement dit, et un secrétariat d’État chargé des Collectivités locales. Les états-majors des partis ont été invités à travailler chacun sur « sa liste ».
La rumeur indique que le gouvernement pourrait être rendu public en cours de semaine. Outre celui de Mohand Laenser pressenti pour s’occuper de l’Intérieur, des noms ont commencé à filtrer, comme celui de Nabil Benabdallah qui lorgne sur le département du Tourisme, ou encore « la camarade » Gejmoula, qui pourrait prendre la place de Latifa Akharbach à la tête du secrétariat d’Etat aux Affaire étrangères.
Le nom de Abdelwahed Souhaïl, un autre patron du PPS, circule à propos du Trésor. Le Mouvement populaire, qui est désormais assuré d’obtenir cinq portefeuilles ministériels, dont l'Agriculture, l'Energie et l'Equipement, compte placer son secrétaire général à l'Intérieur.
C’est au niveau du parti de l’Istiqlal que les choses sont moins claires. Si Ghallab a réussi à rebondir en se positionnant comme le candidat idéal à la présidence du Parlement, Yasmina Baddou et Taoufiq Hejira n’ont apparemment aucune chance de revenir au pouvoir.
Nizar Baraka, donné favori pour devenir calife à la place du calife, en remplaçant Abbas El Fassi à la tête du parti, voit ses chances augmenter de rafler un maroquin. Restent les Abdellah Bakkali, Abdelkader Kihel, Abdeljebbar Rachdi, Khadija Zoumi, Rehhal Mekkaoui, Abdessamed Kiouh…
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Pas de coalition en vue avec l'UC
Surprise de dernière minute, dans la soirée du lundi, Abdelilah Benkirane s'est vu contraint de recevoir le secrétaire général de l’Union constitutionnelle qui lui rendait visite au siège de son parti à Rabat.
Mohamed Labied a bien tenté de vendre le soutien de l’UC aux islamistes. Mais non seulement le gouvernement, avec ses 217 députés plus les 9 autres issus de petites formations, détient une majorité confortable, de plus l’Istiqlal et le PPS qui ont trop souffert des piques des députés de l’UC ont opposé un niet catégorique à la coalition avec ce parti.
Les discussions et tractations devaient se poursuivre durant le week-end. Et des changements d'affectation de dernière minute ne sont pas à exclure. De quoi mettre à vif les nerfs des nombreux aspirants ministres qui se pressent au portillon
Abdellatif El Azizi |