De jeunes Marocains planchent sur une nouvelle formationâ: «âle Parti pirateâ». Lâinitiative pourrait bousculer une scĂšne politique vieillissante.
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Une formation sortie de nulle part pourrait bien donner un coup de fouet Ă la scĂšne politique traditionnelle. Ils sont une dizaine de jeunes Marocains Ă sâactiver depuis quelques mois pour crĂ©er le «âParti pirate marocainâ».
Le nom nâest pas dĂ©finitif car il pourrait faire peur sous nos latitudes, mais le mouvement reprend, en lâadaptant, la philosophie de cette tendance politique qui gagne du terrain en Europe.
En effet, le 18 septembre 2011, quinze membres du Parti pirate allemand ont été élus au Parlement de Berlin (159 siÚges). En 2009, le Parti pirate suédois était crédité de 7% lors des élections européennes et obtenait deux siÚges.
Câest aujourdâhui la principale organisation de jeunes en SuĂšde, et le 3e parti. En France, les pirates de lâHexagone franchissent, dĂšs leur premiĂšre participation en 2009, la barre de 2%.
Changer le « code source »
Tout commence le jour du rĂ©veillon de 2005, quand Rick Falkvinge, un informaticien suĂ©dois, lance une boutade qui remportera lâadhĂ©sion des internautes du mondeâ: «âQuand je pense que nous autres citoyens, qui ne demandons quâĂ partager le savoir et la culture, nous nous faisons traiter de pirates par les puissants et politiciens de tout poilâ! Eh bien, soitâ: crĂ©ons notre propre parti, ce sera le Parti pirateâ!â» Le jeune homme faisait rĂ©fĂ©rence aux ennuis avec la justice du site «âPirate Bayâ», site international de tĂ©lĂ©chargement (illĂ©gal).
LâidĂ©e sĂ©duit trĂšs vite, Ă commencer par les geeks, puis sâĂ©tend Ă une quarantaine de pays dont dĂ©sormais le Maroc et la Tunisie.
Au cĆur du combat des Pirates du monde, la reconnaissance du «âdroit Ă la culture et au savoirâ». Pour cela, ils misent sur les droits dâInternet, remettent en question le systĂšme de brevets et la libre circulation des donnĂ©es.
Les Pirates militent aussi pour la transparence et la protection de la vie privĂ©e des citoyens. Un combat dâavant-garde et une façon dĂ©complexĂ©e de faire de la politique en Ă©tant trĂšs proches des citoyens.
Quâen est-il du Maroc oĂč ce combat peut paraĂźtre en avance sur son tempsâ? Merouan El Moussaoui, fondateur du Parti pirate en Belgique et de la section marocaine en cours de crĂ©ation, livre les arguments qui justifient la mise en place dâune telle formation au Maroc. «âLes Pirates pensent que la dĂ©mocratie et le savoir sont intimement liĂ©s.
Des 22 pays arabes, le Maroc est celui qui a le plus fort taux dâanalphabĂ©tisme et un indicateur de dĂ©veloppement humain catastrophiqueâ», explique-t-il. Le Parti pirate marocain vise aussi «âlâOpen gouvernanceâ», câest-Ă -dire la transparence des institutions. Une revendication au cĆur du combat politique actuel au Maroc.
«âLes Pirates sont lĂ©galistes. Ils savent que la loi est le ââcode sourceââ de la sociĂ©tĂ©, raison pour laquelle ils la mettent au-dessus de toute considĂ©ration et sâengagent Ă la modifierâ», explique encore El Moussaoui.
Geek mais pas trop
Quid de lâaspect geek, qui pourrait dĂ©router lâĂ©lecteur lambdaâ? Les Pirates marocains ne sont pas que des fanatiques de nouvelles technologies, comme le rĂ©sume Nizar Bennamate, sympathisantâ: «âT'as pas besoin d'ĂȘtre un geek pour ĂȘtre dans le Parti pirate, comme t'as pas besoin d'Ă©tudier les sciences politiques pour ĂȘtre dans un parti classique.â»
Cela étant, avant d'émerger du virtuel, les Pirates marocains prennent leur temps pour approfondir leur réflexion et comptent passer dans un premier temps par un cadre associatif, avant de former leur parti.
A terme, le Parti pirate marocain compte veiller Ă conserver les acquis concĂ©dĂ©s par le Makhzen. «âLe mouvement du 20-FĂ©vrier constitue un mouvement de pression, mais chaque soi-disant ââpasââ vers le changement est sujet Ă rĂ©cupĂ©ration par le Makhzenâ», explique Zineb Belmkaddem, militante du futur Parti pirate marocain.
Les «âpiratesâ» veillent. Et dĂ©rangent dâores et dĂ©jĂ les partis somnolentsâ: ils ont un projet de sociĂ©tĂ© portĂ© par de simple citoyens, sans idĂ©ologie pesante, et vĂ©ritablement orientĂ© vers les jeunes puisquâil sâagit de leur propre crĂ©ation.
Zakaria Choukrallah |