Face à la coalition de Mezouar, les partis socialistes accusent un retard à l'allumage. A quelques encablures des législatives, ils tentent tant bien que mal de se rattraper en décrétant « l’union » de la gauche.
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Atmosphère de kermesse ce vendredi 21 octobre au siège flambant neuf de l’USFP. Un peu sur le style de « la fête de l’Huma », trois partis de gauche, l’USFP, le PPS et le FFD se sont donné rendez-vous pour expliquer à des militants plutôt moroses, ce que « la gauche compte faire pour prendre part au Maroc de l’avenir ».
L’avenir de la gauche serait-il derrière elle ? A écouter les invités faire l’éloge de son passé, on est bien tenté de le croire. La plupart des leaders qui se sont succédé sur le plateau ont effectué un retour sur les années fastes de la gauche, où ses militants étaient embarqués par centaines par les chefs d’orchestre des années de plomb.
Le patron de l’USFP, qui entend bien conserver une place au chaud dans le gouvernement de l’après 25 novembre, manie avertissements à peine voilés et « optimisme de combat » : « C’est un combat de plus de 40 ans où la gauche a payé le prix fort comme en témoigne le rapport final de l’Instance équité et réconciliation ; le prix fort pour la démocratie, la liberté, la dignité, la modernité, l’égalité.
Il ne faut surtout pas oublier qu’au lendemain de l’indépendance du Maroc, des forces se sont mobilisées pour faire de la société marocaine une société conservatrice. »
Cela dit, quel projet de société nous a concocté la gauche ? Démocratie, égalité, solidarité : le triptyque a été resservi avec le flou qui caractérise toujours les grands slogans. « Des valeurs que d’autres forces tentent aujourd’hui de squatter, ces forces aux différentes couleurs qui se sont pourtant battues contre la modernité et la réforme », tente d’expliquer Benabdellah.
Dans la foulée, fut évoqué le bref passage de la gauche au pouvoir avec Abderrahmane Youssoufi pour répéter à l’envi que jamais la gauche n’avait autant représenté une véritable alternative en ces temps incertains.
« Si la gauche doit impérativement être le noyau dur de la prochaine majorité, les alliances postélectorales doivent, elles, se faire sur la base d’un programme homogène, porteur de modernité et de réformes économiques et sociales », pense Thami El Khyari, le patron du FFD. Elections législatives obligent, les trois partis de la gauche comptent se présenter en front commun pour faire face à la coalition de Mezouar.
Pour la petite histoire, l’alliance que devaient sceller l’USFP, le PPS, le FFD, le PS et la Gauche verte le 20 octobre avait été trahie par le passage à l’ennemi du Parti socialiste et de la Gauche verte – désormais alliés de la coalition que pilotent les libéraux du Rassemblement national des indépendants.
« Le temps est venu pour que nous donnions des signaux forts à nos militants, à nos sympathisants, à ces franges à la fois indécises et déçues par le paysage politique marocain actuel, des signaux forts à travers la constitution d’un front de gauche, d’un pôle de gauche démocratique, moderniste et progressiste. On peut même rêver d’un grand parti socialiste, un grand parti de gauche. C’est un rêve bien sûr. Mais faisons de ce rêve une perspective ! », s’enthousiasme Nabil Benabdellah.
En attendant le verdict des urnes
Les partis socialistes attendent non sans appréhension le verdict des urnes – qui aura forcément valeur de test – , craignant que la gauche ne soit laminée par un vote sanction. « Aujourd’hui, l’adoption de la Constitution de 2011 n’est pas une fin en soi. C’est le début de tout un processus et nos partis de gauche doivent se préparer à jouer leur rôle.
Nous devons impérativement réfléchir à ce que nous devons faire dans l’avenir, d’autant qu’une nouvelle étape commence ; et tout ce qui va être entrepris va hypothéquer le pays pour au moins dix ans », prévient le leader du parti de la rose.
« C’est pourquoi la gauche doit être présente avec force sous la coupole pour que les futures lois soient à la hauteur de la Constitution. Ce qui signifie clairement que les partis de gauche doivent remporter les élections pour être présents avec force dans les institutions élues », martèle le président de la Chambre des députés.
En attendant, les stratèges électoraux de la gauche, dont de nombreux notables sans foi ni loi, ont des projections beaucoup plus étroites. Il s’agit avant tout pour eux de se tailler une place de choix au Parlement, sachant pertinemment que les élections relèvent plutôt d’une relation personnelle, où les logiques d’étiquette politique volent rapidement en éclats devant le comportement irrationnel des électeurs.
D’autant plus que le rapport de forces ne sera définitivement établi qu'à l’issue des législatives, où les coups de théâtre sont toujours possibles, au vu des alliances contre nature contractées à la veille du scrutin.
Abdellatif El Azizi |