Salaheddine Mezouar a Ă©tĂ© Ă©lu Ă une majoritĂ© Ă©crasante Ă la tĂȘte du Rassemblement national des indĂ©pendants. Une victoire qui ne cache pas les dissensions internes et le dĂ©sarroi dâune formation en perte de repĂšres.
Il est ïŹer de son coup, Salaheddine Mezouar. Le chef de ïŹle du mouvement rĂ©formateur du Rassemblement national des indĂ©pendants ne sâest pas contentĂ© dâĂȘtre plĂ©biscitĂ© par la majoritĂ© Ă©crasante des membres du Conseil national, mais il a exigĂ© le passage par les urnes pour lâĂ©lection Ă la prĂ©sidence du parti, « en consĂ©cration de la dĂ©marche dĂ©mocratique ». VoilĂ donc le ministre des Finances qui prend ofïŹciellement les rĂȘnes du parti de la colombe, aprĂšs les rebondissements en sĂ©rie qui ont marquĂ© lâhistoire rĂ©cente de ce parti.
Il y avait du monde ce samedi 23 janvier au Palais des congrĂšs de Marrakech ; non seulement tous les ministres du RNI, les disciples de Mezouar, mais Ă©galement lâaile dure du parti qui faisait, jusquâĂ la veille du congrĂšs, allĂ©geance Ă Mansouri les Bouhriz, Najima Tay Tay, Abdelkader Salama, etc. « Câest Mansouri lui-mĂȘme qui a demandĂ© Ă ses supporters de se rendre Ă Marrakech, lors dâune rĂ©union Ă son domicile le vendredi 22 janvier. Il y a peut-ĂȘtre eu des pressions sur lâhomme pour quâil accepte le fait accompli. Il semble quâon lâait forcĂ© Ă mettre de lâeau dans son vin pour Ă©viter un scĂ©nario catastrophe qui aurait conduit Ă la scission du RNI », conïŹe lâun de ses proches collaborateurs.
Tracasseries des huissiers
Un constat dâailleurs conïŹrmĂ© par Mohamed Bouhriz, membre du bureau exĂ©cutif et lâun des piliers de Mansouri Ă Tanger, qui a prĂ©cisĂ© que « lui et ses camarades Ă©taient lĂ , Ă la demande de Mustapha Mansouri qui tenait Ă prĂ©server lâunitĂ© du parti malgrĂ© tout ». Venus tĂŽt le matin, ils Ă©taient ainsi plus de 600 membres du RNI Ă se bousculer au portillon, se prĂȘtant de bonne grĂące aux tracasseries des huissiers venus sâassurer de lâidentitĂ© rĂ©elle des participants Ă la rĂ©union du Conseil national voulue par le mouvement rĂ©formateur, pilotĂ© par Salaheddine Mezouar.
En maĂźtre de maison avisĂ©, Mezouar distribuait des accolades par ci, des poignĂ©es de main chaleureuses par lĂ , assistĂ© de ses collĂšgues au gouvernement, dont Mohamed Boussaid qui sâest dĂ©pensĂ© sans compter pour la rĂ©ussite de la grand-messe du RNI, organisĂ©e au palais des CongrĂšs. Une fois le nombre de 550 membres atteint, la prĂ©sidence du Conseil national a Ă©tĂ© conïŹĂ©e Ă MaĂąti Benkadour, qui en tant que prĂ©sident, se contenta de donner la parole Ă Mezouar, aprĂšs la dĂ©clamation usuelle de quelques versets du Coran.
Un Salaheddine Mezouar, visiblement Ă©puisĂ© par plusieurs nuits blanches, mais au moral Ă toute Ă©preuve, a brossĂ© un Ă©tat des lieux dĂ©taillĂ© avec une digression sur la question du Sahara. Il nâa pas omis de casser du sucre sur le dos de Mustapha Mansouri, Ă©pinglĂ© « pour ses errements dans la gestion du parti ». Les participants ont eu Ă©galement droit Ă une explication de texte concernant la genĂšse du mouvement rĂ©formateur et les espoirs quâil suscitait.
Acclamé par la foule
AprĂšs une petite pause, tout ce beau monde sâest retrouvĂ© pour la suite des Ă©vĂ©nements. Au menu, notamment, la dĂ©signation du nouveau maĂźtre des lieux. Une dĂ©signation par cooptation qui a semblĂ© faire lâunanimitĂ©. Juste le temps pour lâassistance dâapplaudir Mezouar dans son nouveau rĂŽle. PortĂ© en triomphe, lâhomme est acclamĂ© par la foule.
Un petit bĂ©mol cependant, une partie de lâassistance, bien inïŹ me certes, conteste la mĂ©thode et va exiger le passage par les urnes. Quelques instants dâhĂ©sitation avant quâun candidat sorti du nĂ©ant ne se prĂ©sente contre Mezouar. Un moment de stupeur avant que ce dernier nâapplaudisse Ă lâinitiative. Son rival, Rachid Sassi, un jeune membre du Conseil national sera accusĂ© dans les coulisses de rouler pour Mansouri, alors que le personnage se gaussera « de nâavoir dâautre souci que de mettre le parti Ă lâĂ©preuve de la dĂ©mocratie interne ! »
Bref, il se fera laminer par Mezouar par 610 voix contre dix. Auparavant, les membres du Conseil prendront soin de sceller dĂ©ïŹ nitivement le sort du prĂ©sident sortant par un vote sanction de 567 voix pour la destitution de Mansouri, 34 contre et 19 abstentions.
RĂ©organisation du parti
DĂšs le lendemain, le nouveau patron du RNI va prendre soin de dĂ©voiler sa feuille de route. Dans une confĂ©rence de presse oĂč il annoncera que le parti visait dâores et dĂ©jĂ les Ă©lections lĂ©gislatives de 2012, avec lâespoir de dĂ©crocher la primature. Pour ce faire, la nĂ©cessitĂ© des alliances se fera sentir et Mezouar nâexclut pas un rapprochement avec le PAM ou encore lâUSFP. « Nous nâirons pas seuls aux Ă©lections 2012 mais dans le cadre dâalliances prĂ©Ă©tablies, et lâĂ©chĂ©ance 2012 marquera pour nous le passage dâune phase de transition dĂ©mocratique Ă une phase de normalisation politique », a prĂ©cisĂ© Mezouar.
La question des rĂ©gions est Ă©galement Ă lâordre du jour avec lâinstallation des sections parallĂšles. Le RNI sâemploiera ainsi Ă crĂ©er des organisations parallĂšles pour les jeunes, les femmes et les Ă©lus locaux. La rĂ©organisation du parti au niveau des rĂ©gions et provinces fait Ă©galement partie de lâagenda du nouveau maĂźtre des lieux. Pour Mezouar, le parti est assez fort pour crĂ©er cinq sections rĂ©gionales nouvelles dâici juin de maniĂšre Ă faire le plein. Avec lâobjectif avouĂ© de se retrouver avec 200 000 adhĂ©rents, un chiffre qui donne le tournis aux partis en lice. Pour durer sur le long terme, le nouveau patron sâest donc ïŹxĂ© avec ses amis une mĂ©thode. LâopĂ©ration commence par une « politique par la preuve ».
Un rĂ©seau dâadeptes
Le plus gros reste Ă faire : jalonner son annĂ©e dâinterventions fortes. Reste Ă se forger une ligne et un style de gouvernance qui rompent avec le passĂ©. Tout cela est louable mais Mezouar a-t-il rĂ©ellement les moyens de sa politique ? Un parti sclĂ©rosĂ© comme le RNI est-il capable de se moderniser par la grĂące dâun simple coup de baguette magique? Rien nâest moins sĂ»r. Il y a dâabord la personnalitĂ© des ex-patrons du RNI.
Mansouri a plusieurs tours dans son sac. Avalera-t-il la couleuvre aussi aisĂ©ment ? Pour lâinstant, Mansouri fait « le mort », mais lâhomme qui a encore des ïŹ dĂšles dans toutes les rĂ©gions est rĂ©putĂ© pour ĂȘtre particuliĂšrement coriace. Ce qui laisse prĂ©sager une suite des Ă©vĂ©nements plutĂŽt mouvementĂ©e. De plus, le parti nâest pas au mieux de sa forme, Mansouri ayant minĂ© le parcours en choisissant de monopoliser tous les pouvoirs ; il a crĂ©Ă© un rĂ©seau Ă©troit dâadeptes et de ïŹdĂšles sans se soucier des cadres qui ont fondĂ© le parti.
Aujourdâhui les barons rĂ©gionaux du RNI qui lâavaient soutenu au moment du congrĂšs ont certes repris leur indĂ©pendance, mais les retournements de veste soudains tĂ©moignent sans aucun doute de la fragilitĂ© des allĂ©geances. Des lieutenants, fatiguĂ©s de jouer les seconds rĂŽles, comme Mohamed Bouhriz, tentent dĂ©sormais dâexister avant tout pour eux-mĂȘmes mais il sâagit lĂ de grandes forfaitures qui tĂ©moignent dâun dĂ©sintĂ©rĂȘt Ă©vident du gotha politique pour lâavenir du parti. En mai 2007 Ă lâoccasion du IVĂšme congrĂšs du RNI, Mustapha Mansouri lâavait remportĂ© haut la main contre un Mustapha Oukacha affaibli. Toutefois, quelques mois seulement aprĂšs son Ă©lection, sa gestion du parti faisait lâobjet de critiques et il Ă©tait chahutĂ© par une fronde sans prĂ©cĂ©dent conduite par Mohamed Aujjar.
Une contestation qui connaĂźtra son apogĂ©e en 2009, quand le dirigisme de Mansouri va ĂȘtre le prĂ©texte pour un dĂ©ballage de linge sale qui nâĂ©pargnera ni Mansouri ni ses dĂ©tracteurs. Un sort identique avait Ă©tĂ© rĂ©servĂ© Ă son prĂ©dĂ©cesseur, Ahmed Osman, dont la survie politique Ă©tait liĂ©e Ă la volontĂ© de Hassan II. Preuve que la lutte pour le pouvoir au sein du RNI est un Ă©ternel recommencement. Si le fondateur du parti, Ahmed Osman, avait le soutien direct de Hassan II, Mansouri comme Mezouar nâauront pas cette chance mĂȘme si ce dernier se ïŹ atte dĂ©jĂ du message de fĂ©licitations adressĂ© par le souverain Ă lâoccasion de son Ă©lection Ă la tĂȘte du RNI.
Abdellatif El Azizi |