Pour la première fois, un rapport explore en détail les méandres du système judiciaire marocain au cours des dix dernières années.
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Malgré ses opérations coups de poing à répétition, Mohamed Naciri n’a pas encore réussi à rendre justice aux milliers de citoyens victimes de juges ripoux. Le premier rapport sur « L’état de la justice au Maroc » présenté par l’association Adala (Justice) est particulièrement sévère.
Ce document de 400 pages, élaboré avec le soutien de l’Union européenne, revient sur l’organisation judiciaire, l’accès à la justice au Maroc, la performance, la formation des magistrats et les moyens humains et matériels mis à la disposition des magistrats.
Il revient aussi sur quelques procès célèbres au Maroc durant les dernières années, notamment ceux relatifs à la liberté de la presse, les affaires de terrorisme, impliquant des politiques comme l’affaire Belliraj ou le procès de Fès des sept cadres et dirigeants du groupe Al Adl Wal Ihsane.
Le document examine aussi comment le système judiciaire au Maroc a été présenté dans plusieurs rapports nationaux et internationaux, notamment dans ceux des organismes de l’ONU ou d’ONG des droits de l’homme. Il inclut par ailleurs des statistiques et des documents officiels de grands procès, auxquels les membres du groupe de travail ont pu avoir accès.
Le groupe qui a rédigé le rapport était composé d’avocats, d’universitaires et d’activistes des droits de l’homme qui ont procédé à une lecture analytique de la réalité de la justice au Maroc, au cours des dix dernières années.
Pour Me Abdelaziz Nouaidi, la réforme de la justice est d’abord une question de courage dont certains magistrats sont dépourvus. « Ce dont nous avons réellement besoin, c’est de l’indépendance des juges et non de la justice », martèle le président de l’association Adala.
Pour sa part, le président de l’Association marocaine de défense de l’indépendance de la justice, Adellatif Hatimi, qui a contribué au rapport, confie : « Nous avions créé une coalition de dix associations pour présenter nos propositions à la commission de réforme de la Constitution. Certaines n’ont pas été prises en compte, dont, en particulier, le droit des juges à constituer leur syndicat. »
Pour Nouadi, le processus de réforme est une opération de longue haleine. « La justice continuera à fonctionner comme avant, en attendant que les réformes se mettent en place. Il faudra une période de transition de cinq années pour assurer cette mutation, sauf si le gouvernement accélère la cadence pour ramener ce délai à une année. »
Adala, qui a démarré ses activités en 2006, vise la réforme de la justice et le droit à un procès équitable. Elle a suivi tous les grands procès politiques qui ont suscité de vives polémiques.
Le rapport présenté aujourd’hui pourrait devenir un outil pour tous ceux qui travaillent de près ou de loin dans le monde de la justice et des droits de l’homme, comme les ONG ou les chercheurs. Une attention particulière a été accordée à la garantie du jugement équitable et à l’indépendance des magistrats de l’appareil administratif du ministère de la Justice.
Mohamed El Hamraoui |