Le chef de l’ex-Chabiba islamiya, aux abois dans une Libye en déconfiture, multiplie les appels du pied pour rentrer au pays.
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Le cheikh Abdelkrim Moutiî, guide du Mouvement islamique marocain (MIM), ex-Chabiba islamiya, est toujours à Tripoli. Pourtant, juste avant l’effondrement du régime de Kadhafi, Moutiî a essayé de renouer contact avec les autorités marocaines pour mettre fin à un exil en Libye qui a duré plus de 33 ans, sans succès.
L’appel lancé le 4 septembre par le cheikh pour une réconciliation, et une participation massive des islamistes au Maroc aux élections législatives du 25  novembre, suscite toujours la polémique.
Selon Mohcine Benaceur, le porte-parole du MIM : « Chacun peut faire sa lecture de cette demande. Bien sûr, les sécuritaires vont faire leur propre lecture policière, c’est pour cela qu’ils ne vont pas comprendre le dernier message à l’instar de nos précédentes initiatives. »
Jusqu’à présent, aucun contact officiel n’a eu lieu entre les dirigeants du mouvement et les officiels marocains. L’unique contact avait été établi par téléphone entre Moubarak Bouderga et Mohamed Sebbar du CNDH.
Paradoxalement, il avait fini par accélérer l’arrestation de Hassan Bakir, secrétaire général du MIM par la police espagnole, suite à une demande d’extradition émanant du Maroc.
Ce qui confirme la thèse que les autorités marocaines ont toujours peur d’un éventuel retour du gourou de la Chabiba en raison des secrets que l’homme a emportés dans ses valises le jour où il a quitté précipitamment le Royaume.
Pour rappel, Abdelkrim Moutiî, condamné à mort pour l’assassinat de Omar Benjelloun, le leader de la gauche, aurait agi sous les ordres des services secrets, à l’époque où les pouvoirs publics soutenaient les islamistes afin d’endiguer l’hégémonie des marxistes léninistes de l’opposition.
Une chose est sûre, le dossier de la Chabiba, géré par le CNDH, n’enregistre aucune avancée. Au moment de l’éclatement de cette affaire en Espagne, le 22 août, Human Rights Watch a adressé au ministre de l’Intérieur, Taïb Cherkaoui, une demande pour accorder un passeport à Moutiî. L’homme, âgé actuellement de 77 ans, vit en exil à Tripoli depuis 1975.
HRW insiste sur le fait que les autorités marocaines n’ont, à aucun moment, justifié leurs refus d’accorder un passeport au guide de la Chabiba islamiya. La même interdiction avait frappé pendant des années les fils de Abdelkrim Moutiî et ce, jusqu’en 2002. Pourtant, en 2000 quelques mois à peine après la disparition de Hassan II, Moutiî avait publié un livre où il faisait son mea culpa Fikh al ahkam assoltania (Le livre des jugements régaliens).
L’ouvrage constitue une rupture avec la pensée révolutionnaire des débuts et l’option de la lutte armée. La violence comme mode de changement politique est clairement condamnée. Le livre appelle également à un pacte entre la monarchie et les forces vives de la nation.
Moutiî avait cru que la mort de Hassan II constituait une opportunité pour la réconciliation. Aujourd’hui, même si Moutiî s’abstient désormais de critiquer ouvertement les islamistes du PJD et les anciens camarades de Omar Benjelloun, il n’a trouvé grâce ni auprès des premiers qui craignent comme la peste ce témoin encombrant, ni auprès des seconds qui ne lui ont pas pardonné le meurtre de leur prophète.
Mohamed El Hamraoui |