Les islamistes surfent sur les révolutions de Tunis au Caire en passant par Tripoli. Au Maroc aussi, ils sont prêts à participer au pouvoir. Mais sans remettre en cause le régime.
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La charia sera la principale source de la législation de la Libye », a déclaré Moustapha Abdeljalil, le président du Conseil national de transition (CNT), à l'occasion de sa première sortie médiatique. Et d'un ! Du Maroc à l'Egypte en passant par la Libye, le printemps arabe risque de générer bien des surprises quant à la nature des pouvoirs qui seront mis en place, une fois le calme revenu.
En Libye, il ne fait plus de doute que l'islamisme a le vent en poupe. Des personnalités comme Ali Mohamed Al-Salladi, prédicateur proche des frères musulmans, accusent déjà un certain nombre de lieutenants du CNT, dont Abdeljalil, d’être laïques.
Et ceux qui voudraient un islam plus présent dans la Libye de l'après-Kadhafi risquent d'être beaucoup plus nombreux que les autres. Les futurs candidats au pouvoir surenchérissent en ferveur religieuse sur leurs rivaux. Leur clientèle n'est pas forcément inculte ou pauvre, mais elle en a assez des dirigeants soupçonnés d'être « vendus corps et âme à l’Occident mécréant ».
A deux pas de Tripoli, de l'autre côté de la frontière, les Tunisiens s'apprêtent à aller aux urnes le 23 octobre, pour un scrutin où les islamistes paraissent d'ores et déjà comme les grands favoris des premières élections sans Ben Ali.
Le mouvement islamiste tunisien Ennahda plaide pour « un régime démocratique basé sur les valeurs de l’islam ». Le parti, qui revendique souvent sa proximité idéologique avec l’AKP, le parti islamique au pouvoir en Turquie, est crédité de près du quart des voix par les sondages.
Le leader islamiste tunisien Rached Ghannouchi, impressionné par la prestance de Recep Tayyip Erdogan venu prêter main forte aux islamistes tunisiens au cours d'une visite officielle, n'a pas caché son enthousiasme : « La Tunisie va prouver au monde entier qu’islam et démocratie sont compatibles. La Turquie, pays à 99% musulman, y parvient aisément… »
Même topo pour l'Egypte où le chef charismatique du PJD turc a eu droit à un accueil digne d'un héros. « Prêtez-nous Erdogan pour un mois ! », s'est exclamé Mohammed Amin, l'éditorialiste du quotidien Al-Wafd. Ce n'est d'ailleurs pas un secret que le poids des frères musulmans dans ce pays reste prédominant.
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L'islamisme en force au Maroc
Et le Maroc dans tout cela ? Il n'y a qu'à voir la panique de la classe politique, toutes idéologies confondues, face à un PJD sûr de lui pour comprendre que les islamistes sont à peu près sûrs de rafler la mise aux législatives. A ceux qui lui demandaient de clarifier ses positions, le PJD a répondu dans un communiqué que le parti « ne renoncerait nullement à ses convictions et à ses positions.
Tout comme il a assumé ses responsabilités en s'abstenant tout récemment d'attiser les ressentiments de la rue, il endossera pleinement ses responsabilités aujourd'hui, quel que soit le prix à payer dans la confrontation des forces hostiles à la réforme, lesquelles sont réfractaires au changement vers le meilleur ». Traduisez : « Pas question de faire profil bas comme en 2007. »
Preuve que l'islamisme a le vent en poupe, même les jihadistes veulent leur part du gâteau. En témoignent les appels à participer aux mouvements de réforme initiés par le souverain.
Derniers en date, les salafistes en prison qui ont chargé un de leurs leaders, Hassan Khattab, d'adresser à Mohammed VI une lettre intitulée « Munasaha et réconciliation ». « L'objet de cette lettre est de vous tenir informé des changements qui sont intervenus au sein du courant salafiste jihadiste au Maroc, qui traverse aujourd'hui une phase d'évaluation et de révision qui produira des élites de prêcheurs, d'intellectuels et de scientifiques capables de suivre les évolutions politiques dans notre pays bien-aimé sous votre sage direction », explique Khattab. Et c'est peut-être là , la différence majeure avec les autres pays arabes : les islamistes du cru se disent prêts à travailler avec le régime en place.
Abdellatif El Azizi |