La reprise des négociations entre le Polisario et le Maroc aura lieu aux 10 et 11 février à New York. En attendant, Hassar a été appelé à jouer au médiateur pour apaiser les divergences entre les notables sahraouis.
Y-a-t-il vraiment urgence pour que SaĂąd Hassar soit contraint dâorganiser une rĂ©union de rĂ©conciliation entre les chefs de tribus sahraouies dans sa propre demeure ? Le secrĂ©taire dâEtat de lâIntĂ©rieur, qui sâest dĂ©placĂ© Ă LaĂąyoune en compagnie du ministre de lâHabitat, TaouïŹq Hejira, pour jouer au pompier, histoire de reconcilier les Ould Rachid et Hassan Derham, qui sont Ă couteaux tirĂ©s Ă cause des rĂ©percussions des derniĂšres Ă©lections et de la lutte Ă la prĂ©sidence des bureaux Ă©lus dans la rĂ©gion.
A LaĂąyoune mardi dernier, il a Ă©coutĂ© les dolĂ©ances des notables locaux qui tiennent le haut du pavĂ© aussi bien Ă LaĂąyoune, Boujdour, Dakhla que dans dâautres rĂ©gions sahraouies. La rencontre sâest dĂ©roulĂ©e dans une atmosphĂšre tendue, marquĂ©e par des accusations rĂ©ciproques qui mettent en relief de profondes divergences entre les chefs de tribus. DâoĂč la proposition de Hassan Derham de rĂ©unir chez Hassar notables, Ă©lus locaux et parlementaires qui seraient en mesure de contribuer Ă la rĂ©solution des diffĂ©rends, aïŹ n dâapaiser la tension entre les chefs sahraouis.
DerriĂšre ces rivalitĂ©s, une histoire de leadership doublĂ©e de querelles Ă©lectorales exacerbĂ©es par la victoire de lâistiqlalien Hamdi Ould Rachid Ă LaĂąyoune, et lâĂ©viction du puissant Hassan Derham qui lorgnait Ă©galement sur la prĂ©sidence de la commune urbaine de cette ville. Le Parti de lâistiqlal sâĂ©tant taillĂ© une majoritĂ© confortable Ă la mairie avec 23 siĂšges, le bureau de la commune urbaine de LaĂąyoune a Ă©tĂ© entiĂšrement recomposĂ© de conseillers appartenant Ă cette formation. Les conseillers de lâopposition avaient, Ă lâĂ©poque, vivement contestĂ© le dĂ©roulement de lâopĂ©ration de vote des membres du bureau. Des dissensions qui ont installĂ© un climat malsain ravivĂ© par les traditionnelles rivalitĂ©s tribales. Ce qui vaut pour LaĂąyoune vaut Ă©galement pour les autres provinces du Sud.
Fidélité à toute épreuve
Mais au-delĂ de ces diffĂ©rends Ă©lectoraux somme toute bien banals, subsistent les rivalitĂ©s sĂ©culaires entre les puissantes tribus qui se sont positionnĂ©es au lendemain de la Marche verte. Soucieux dâavoir des appuis solides sur le terrain, les pouvoirs publics avaient favorisĂ© la montĂ©e en puissance de clans tels que ceux des Ould Rachid de la puissante tribu des Rguibat, qui ont rĂ©ussi Ă se forger un vĂ©ritable empire ïŹnancier grĂące Ă lâexploitation des carriĂšres de sable et de licences de pĂȘche offertes gĂ©nĂ©reusement par Hassan II.
Si les territoires occupĂ©s par chaque confĂ©dĂ©ration de tribus (Tekna, Rguibat, Ouled Dlim) nâont pas vraiment bougĂ©, depuis la Marche verte plusieurs tribus dominantes telles que les Izerguiyin, les AĂŻt Oussa, les AzouaïŹ t, les AĂŻt Moussa ont Ă©tĂ© marginalisĂ©es au proïŹt des Ouled Cheikh ou des Thalat, qui ont Ă©tĂ© soudoyĂ©s par le makhzen en Ă©change dâune ïŹ dĂ©litĂ© Ă toute Ă©preuve. RĂ©sultat, le gros des richesses du Sahara est aujourdâhui concentrĂ© entre les mains dâune dizaine de familles qui en ont verrouillĂ© lâaccĂšs. Difalah Yahdi, qui a fui les rangs du Polisario depuis peu, voit dans cette situation une erreur de casting dont le Maroc pourrait payer le prix Ă moyen terme. « Le fait de miser sur quelques individus aux dĂ©pens de toute une communautĂ© a crĂ©Ă© des ressentiments au sein de la population locale. Les jeunes sont marginalisĂ©s, lâascenseur social est bloquĂ© sauf pour les rejetons de quelques familles. Cela ne joue pas en faveur de lâintĂ©gration. Il faut savoir que chaque tribu a une partie de sa population au Maroc et une autre au sein du Polisario. Qui des deux parties rĂ©ussira Ă sĂ©duire et Ă sĂ©dentariser ces populations ? », sâinterroge lâex-idĂ©ologue en chef du Polisario.
Une opinion partagĂ©e par de nombreux militants associatifs, qui croient fermement que lâassainissement du climat politique gĂ©nĂ©ral dans le Sud passe dâabord par une redistribution Ă©quitable des richesses et une Ă©galitĂ© des chances en matiĂšre Ă©conomique. Ceci au moment oĂč le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral des Nations unies vient de rĂ©itĂ©rer « son engagement aux efforts visant Ă faire redĂ©marrer les nĂ©gociations entre le Front Polisario et le Maroc sur lâavenir du Sahara », dans une interview Ă lâagence de presse espagnole, EFE.
Il a soulignĂ© que son envoyĂ© personnel pour le Sahara, Christopher Ross, cherche Ă relancer les nĂ©gociations que les parties avaient engagĂ©es en 2007 sous les auspices de lâONU . « Christopher Ross se trouve en contact avec toutes les parties dans la rĂ©gion depuis sa nomination et il a enregistrĂ© des progrĂšs sensibles dans ce sens. Maintenant, il tente de convoquer les parties pour un cinquiĂšme tour de nĂ©gociations », a prĂ©cisĂ© Ban Ki-moon. Une source diplomatique marocaine nous a conïŹ rmĂ© que les deux parties vont se retrouver Ă Manhasset les 10 et 11 fĂ©vrier pour un cinquiĂšme round des nĂ©gociations.
MĂȘme si les Marocains commencent Ă douter de la sincĂ©ritĂ© des sĂ©paratistes Ă vouloir rĂ©element aboutir Ă une solution nĂ©gociĂ©e. Dans une lettre adressĂ©e au secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâOnu le 29 janvier, TaĂŻeb Fassi-Fihri a, pour la premiĂšre fois, nommĂ©ment citĂ© lâAlgĂ©rie accusĂ©e dâĂȘtre derriĂšre le blocage des nĂ©gociations.
« Stratégie malveillante »
« Le temps est venu pour les Nations unies de favoriser une solution rapide Ă ce diffĂ©rend, dâamener lâAlgĂ©rie Ă assumer une participation constructive, Ă la hauteur de sa responsabilitĂ© dans le dĂ©clenchement et le maintien de ce diffĂ©rend rĂ©gional. (âŠ) DĂšs lors, le progrĂšs ou lâabsence de progrĂšs, lors des prochaines Ă©tapes de nĂ©gociations, dĂ©pendra de lâattitude des autres parties et de leur disposition Ă abandonner la stratĂ©gie malveillante de dĂ©viation du processus de Manhasset », sâest indignĂ© le ministre des Affaires Ă©trangĂšres et de la CoopĂ©ration.
La rĂ©ponse des AlgĂ©riens ne sâest pas fait attendre puisque le lendemain, une confĂ©rence sur le « Sahara occidental, derniĂšre colonie en Afrique » a Ă©tĂ© animĂ©e au Centre des Ă©tudes stratĂ©giques du journal EchaĂąb, par Ayachi SaĂŻd, membre du ComitĂ© national algĂ©rien de solidaritĂ© avec le peuple sahraoui, et Brahim Ghali, ambassadeur Ă Alger de la fameuse RĂ©publique arabe sahraouie dĂ©mocratique.
Abdellatif El Azizi |