| En pleine bataille politique, les femmes sont engagées dans une lutte acharnée pour gagner une place au soleil. 
 *** La Coordination nationale des femmes a tirĂ© Ă  boulets rouges sur la dĂ©cision de TaĂŻb Cherkaoui de rĂ©server respectivement aux femmes et aux jeunes 60 et 30 sièges dans la liste Ă©lectorale nationale. Les femmes appelent le gouvernement Ă  entamer « immĂ©diatement, la mise en Ĺ“uvre du principe de la parité », rĂ©itĂ©rant son attachement aux dispositions de l’article 19 de la Constitution. Dans un communiquĂ©, la coordination estime que les compromis politiques sur la reprĂ©sentativitĂ© de la femme Ă  la Chambre des reprĂ©sentants ont Ă©tĂ© concoctĂ©s « en l’absence des femmes et au dĂ©triment de leurs intĂ©rĂŞts, de leurs acquis et de leurs revendications fondamentales ». « On est déçues du fait que le principe de paritĂ©, inscrit noir sur blanc dans la Constitution, ne soit pas respectĂ©. C'est un accord qui a Ă©tĂ© conclu entre les partis politiques et le gouvernement sans prendre en considĂ©ration la volontĂ© des femmes et ça, on ne peut l'accepter ! », s’indigne A. Nezha : l’article 19 de la nouvelle Constitution prĂ©voit la mise en place d’un comitĂ© de paritĂ© et de lutte contre la discrimination envers les femmes. L’article 6 de son cĂ´tĂ©, stipule que « les autoritĂ©s doivent Ĺ“uvrer pour mettre en place les conditions nĂ©cessaires qui permettront  de concrĂ©tiser l’égalitĂ© et la libertĂ© des citoyens et leur participation Ă  la vie politique, Ă©conomique, culturelle et sociale ». A ces deux articles, s’ajoute l’article 30 qui se prononce explicitement en faveur de la discrimination positive. Les dispositions de la nouvelle Constitution ne sont pas les seuls arguments en faveur de la participation fĂ©minine. L’agenda gouvernemental 2011-2015 s’est engagĂ© Ă  leur garantir un accès Ă©quitable aux postes de dĂ©cision. En 2009, le système du quota a permis l’élection de 3 622 femmes contre 127 femmes en 2003 au niveau des Ă©lections locales, mais ce mĂ©canisme devra ĂŞtre amĂ©liorĂ© puisque le taux de 12% dĂ©jĂ  existant est jugĂ© insuffisant par les intĂ©ressĂ©es. Coordination fĂ©ministe Les partis politiques seront amenĂ©s Ă  rĂ©server le tiers des places aux femmes au sein des instances dirigeantes, comme lors des candidatures aux diffĂ©rentes lĂ©gislatures. Au niveau du Parlement, le rĂ©sultat escomptĂ© est d’atteindre le tiers des sièges. Un but qui ne pourra ĂŞtre rĂ©alisĂ© qu’en maintenant une liste nationale rĂ©servĂ©e exclusivement aux femmes et une prĂ©sence fĂ©minine Ă  hauteur de 20% en tĂŞte des listes rĂ©gionales. Le fait d'inclure les femmes et les jeunes dans la mĂŞme liste constitue une dĂ©ception pour les activistes fĂ©ministes qui n’hĂ©sitent pas Ă  tirer la sonnette d’alarme. Plusieurs mouvements fĂ©ministes considèrent que la liste mixte porte atteinte au principe de la paritĂ©. Elle va Ă©galement Ă  l’encontre du principe de la discrimination positive. ElaborĂ©e pour favoriser le genre le moins reprĂ©sentĂ©, la discrimination positive se voit vidĂ©e de son sens avec l’introduction des jeunes au niveau de la liste. C'est pour dĂ©fendre cette position que la coordination fĂ©ministe marocaine a Ă©tĂ© créée, fin juillet 2011, Ă  l'initiative de seize associations ainsi que des sections fĂ©minines de plusieurs partis politiques. « La coordination fĂ©ministe marocaine est un organe indĂ©pendant qui a Ă©tĂ© créé pour faire pression sur le gouvernement afin de prendre en considĂ©ration la reprĂ©sentativitĂ© des femmes, dĂ©fendre le principe du quota, et unifier les propositions de ses diffĂ©rentes composantes », annonce Mme Latifa Jbabdi membre du Forum des femmes parlementaires marocaines, et membre du bureau exĂ©cutif de l’USFP. La coordination exige mĂŞme que l’aide financière octroyĂ©e par l’Etat aux partis politiques soit conditionnĂ©e par l’application du quota. Sous la pression, les partis politiques sont amenĂ©s Ă  exprimer leur position vis-Ă -vis des quotas. Divergence des points de vue A cet effet, les pourparlers entre la coordination et le gouvernement ont cours rĂ©gulièrement. La rencontre qui a eu lieu le dimanche 28 aoĂ»t, entre TaĂŻb Cherkaoui et la coordination est jugĂ©e plutĂ´t positive par Nezha Alaoui, Ă©galement membre du rĂ©seau Femme pour femme. « Bon nombre de partis politiques sont favorables au système du quota, c’est surtout la manière de faire qui fait dĂ©bat », souligne Nezha Alaoui. Le constat est clair : il ne suffit pas de promulguer une loi, ou mĂŞme de la constitutionnaliser, il faut Ă©galement trouver le moyen de la concrĂ©tiser. Selon Nezha Alaoui, « la position des partis politiques diverge en fonction de leur intĂ©rĂŞt politique. Cette divergence bloque le processus d’instaurer rapidement une vĂ©ritable reprĂ©sentativitĂ© fĂ©minine ». L’USFP soutient inconditionnellement la rĂ©servation aux femmes d’une liste nationale avec, Ă  la clĂ©, un pourcentage au niveau des tĂŞtes de listes locales. Le PPS, quant Ă  lui, propose l’ouverture de la liste nationale aux jeunes et aux cadres partisans, tout en l’élargissant. Nabil Benabdellah a affirmĂ© lors d’une rencontre que si la liste nationale Ă©largie n’était pas satisfaisante, il faudrait proposer une liste nationale exclusivement fĂ©minine pour aller vers le tiers des sièges, dans la perspective de la paritĂ© au sein de la Chambre des reprĂ©sentants. Le Mouvement populaire (MP), pour sa part, se dĂ©clare favorable Ă  une liste mixte sans qu’elle sanctionne la prĂ©sence des femmes. Le parti propose d’élargir la liste nationale en vue d’inclure les compĂ©tences et les jeunes, aux cĂ´tĂ©s des femmes. Hakima El Haiti, membre de la coordination et du MP, propose une introduction des jeunes en fonction des sièges Ă©largis au niveau du Parlement. « L’élargissement du nombre des sièges doit se faire avec une approche qualitative et non uniquement quantitative, ainsi elle profitera Ă  la prĂ©sence des femmes, des jeunes, et des compĂ©tences », dĂ©clare-t-elle. Quant au parti de l’Istiqlal, il considère que l’idĂ©al reste une liste mixte comportant Ă  parts Ă©gales jeunes et femmes. La liste devra ĂŞtre composĂ©e de 74 candidats dont 37 jeunes de moins de 35 ans et 37 femmes. Et la lutte continue ! La coordination fĂ©ministe marocaine souligne qu’elle n’est pas contre la prĂ©sence des jeunes. Selon elle, ils ont droit Ă  une reprĂ©sentativitĂ© Ă  condition qu’elle ne se rĂ©alise pas au dĂ©triment des femmes. Des alternatives sont ainsi envisagĂ©es, telles la mise en place d’une seconde liste nationale rĂ©servĂ©e aux jeunes, l’introduction des jeunes au niveau des listes rĂ©gionales, ou la rĂ©servation de certaines circonscriptions aux jeunes. MĂŞme si le dĂ©bat est ouvert, les femmes ne semblent pas prĂŞtes Ă  lâcher prise. Latifa Jbabdi s'insurge : « La liste nationale n’a jamais Ă©tĂ© un cadeau, c’est un acquis obtenu après de longues annĂ©es de lutte et de militantisme ; on ne peut pas accepter de le laisser tomber, comme on n'acceptera pas que d’autres problèmes politiques soient rĂ©solus au dĂ©triment des femmes. » RĂ©ussiront-elles Ă  imposer leur volonté ? RĂ©ponse dans les deux prochains mois. Meryem Khouchouaâ |