Ce sera finalement le 25 novembre que les marocains devront se prononcer sur les premières élections législatives de la nouvelle constitution. Les formations politiques acquiescent à demi-mot.
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« Des candidats qualifiés et intègres et le citoyen-candidat sont appelés à rompre définitivement avec les pratiques électoralistes scandaleuses qui ont porté préjudice à la crédibilité des assemblées élues, et entaché la noblesse de l’action politique », le roi n’a pas mâché ses mots pour fustiger la classe politique après avoir tracé une véritable feuille de route pour les législatives dans son discours du 20 août de l’année en cours.
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Quelques jours avant, Taieb Cherkaoui a mis fin à la polémique créée par des échéances ardemment voulues par les uns et fortement appréhendées par les autres en fixant la date du vendredi 25 novembre. Cette date définitive est le résultat d’un douloureux consensus entre une vingtaine de partis politiques (entre majorité et opposition) et le ministre.
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Les petits partis contestent
Avant cette annonce officielle, la date des élections législatives avait suscité une vive polémique chez les partis politiques. Le 14 août, le ministère de l’Intérieur avait annoncé que l’option du 11 novembre avancée pour la tenue des prochaines élections ne revêt aucun caractère officiel, mais a été présentée aux partis politiques comme une simple proposition.
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Commentant la décision de retenir la date du 25 novembre, le secrétaire général du PJD a affirmé que cette décision visait « notamment à éviter la proximité de la fête de l’Aïd al Adha, celle-ci devant être célébrée à la mi-novembre ». Effectivement, les fêtes de l’indépendance et de l’aïd qui coïncident avec les vendredis 11 et 18 novembre ont compliqué la donne.
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Une chose est sûre, de nombreux partis ne cachent pas leur opposition à la tenue des élections dans un avenir proche. Le PJD (Parti de la Justice et du Développement) avait déclaré que le mois de mars prochain serait le plus approprié, alors que les petits partis, regroupés au sein d’une coalition, menaçaient même d’envoyer un mémorandum dans ce sens aux hautes autorités du pays.
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Lors de son conseil national tenu à la mi-août, Saâd-Eddine Othmani avait critiqué l’attitude du ministère de l’Intérieur « qui fait tout pour se débarrasser des élections législatives le plus tôt possible».
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Pour le président du conseil national du PJD : « il est pratiquement impossible de tenir les élections avant le mois de mars ou avril. Si le gouvernement se presse de présenter la loi électorale au Parlement on pourra tenir les élections au mois de mars ».
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Un autre argument est avancé par les islamistes du PJD, l’assainissement du climat politique en passant des tractations en coulisses pour la mainmise hégémonique dans la formation des majorités, le nomadisme toujours vivace des députés, en plus de l’utilisation des fonds occultes et l’intervention de l’administration. De l’autre côté, les partis dits de l’administration, à savoir les quatre partis de la droite – le Rassemblement national des Indépendants (RNI), le Mouvement Populaire (MP), le Parti Authenticité et Modernité (PAM) et l’Union Constitutionnelle (UC) – ont appelé, le 12 août, à la tenue des prochaines échéances dans un délai ne dépassant pas fin octobre.
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D’autre part le Parlement devra tenir une session extraordinaire pour examiner et voter les lois régissant les élections.
Pourquoi les partis ont-ils tellement peur des élections anticipées ? Il y a d’abord des raisons objectives, la plupart des leaders consultés arguent du fait que le choix des candidats et la mise en place des nouveaux textes ne leur facilitent pas la tâche. La colère de Salahedine Mezouar s’explique par le fait que le patron du RNI, qui aimerait se consacrer totalement à la préparation de la campagne, se serait bien passé du pénible examen de la loi de Finances qui devra certainement être discutée au cours du mois d’octobre si ce n’est avant.
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Enfin pour de nombreux partis politiques qui réclament davantage de temps pour se préparer, cette demande cache un véritable malaise car l’accréditation des têtes de listes est un vrai casse-tête pour les directions des partis.
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Plus de rationalité politique
Mais ce que beaucoup d’entre eux n’osent pas avouer, c’est que la nouvelle Constitution a modifié les règles du jeu qui faisaient de l’opacité et des tractations informelles l’essentiel du quotidien des partis.
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Le nouveau texte appelle à une nouvelle rationalité politique. Dans la foulée, la compétition pour les strapontins au Parlement devra désormais se faire sur la base de programmes crédibles, susceptibles de répondre aux attentes des citoyens, avec des équipes outillées de compétences reconnues.
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Jusqu’à présent, les partis en course se présentaient avec des programmes inconsistants et privilégiaient des élites partisanes célèbres en raison de leur fortune ou de leur popularité. Or l’incompétence des élites politiques qui n’est plus un secret fait que la grande majorité des formations en compétition n’a pas de candidats capables de proposer et de mettre en œuvre une politique digne de ce nom.
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Mohamed El Hamraoui |