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RĂ©fĂ©rendum Une campagne Ă  double dĂ©tente  
actuel 101, vendredi 1 juillet 2011
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Pour les partis politiques, enrĂŽlĂ©s pour assurer la mobilisation des Ă©lecteurs, la campagne rĂ©fĂ©rendaire avait un autre objectif : les prochaines lĂ©gislatives. PrivĂ© de congrĂšs, le RNI est parti Ă  la rencontre de toutes les rĂ©gions. Reportage.


***

C'est fait ! Les Ă©lecteurs sont allĂ©s voter. Ou non
 Ceux qui se sont dĂ©placĂ©s ont exprimĂ© leur adhĂ©sion, ou leur refus, de la nouvelle Constitution. En toute libertĂ©. Les dĂ©s sont donc jetĂ©s
 RĂ©sultat ? Dans quelques heures


 

Mais ce rendez-vous du 1er juillet aura Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ© d’une campagne Ă  nulle autre pareille. Les grandes formations politiques et leurs leaders – toutes et tous unanimes pour soutenir le projet prĂ©sentĂ© par le roi le 17 juin dernier – n’auront pas mĂ©nagĂ© leur peine pour multiplier les rĂ©unions et meetings, Ă  la rencontre de leurs militants, sympathisants, et
 curieux.

Le calendrier électoral, singuliÚrement resserré, aura contraint les formations politiques à se démultiplier pour assurer le service partout dans le Royaume. actuel a suivi durant 48 heures la campagne du RNI.

Tout avait mal commencĂ©. PremiĂšre grande formation Ă  tenir meeting Ă  Casablanca, le RNI a failli voir s’empoigner les participants rĂ©unis dans l’enceinte Mohammed V. Quelques insultes profĂ©rĂ©es dans les gradins, et autant de bouteilles d’eau balancĂ©es Ă  travers la salle.

Mouiller la chemise


Une ambiance Ă©lectrisĂ©e par quelques perturbateurs ? Un coup bas de certains opposants Ă  la direction nationale venus invectiver le patron du RNI ?... Les avis divergent, au sein mĂȘme de la direction, sur l’origine exacte des incidents.

Casablanca servira de leçon pour le RNI et pour les autres formations qui resserreront leur dispositif de campagne. Ce qui n’empĂȘchera pas un dĂ©bat houleux lors d’un meeting du PPS entre les jeunes du 20-FĂ©vrier et un Nabil Benabdellah qui n’a guĂšre l’habitude de se laisser intimider !

Pour le prĂ©sident du RNI, comme pour la quasi-totalitĂ© des formations qui s’apprĂȘtent Ă  en dĂ©coudre lors des toutes prochaines Ă©lections lĂ©gislatives, cette campagne rĂ©fĂ©rendaire constituait un double enjeu.

Enjeu immĂ©diat, il s’agissait de mobiliser les Ă©lecteurs en faveur du « Oui » Ă  la nouvelle Constitution – mais qui, Ă  la veille du scrutin, redoutait vraiment que le « Non » l’emporte ? En vĂ©ritĂ©, l’enjeu Ă©tait ailleurs. Pour tous les grands leaders, la multiplication des rĂ©unions et meetings avait le mĂ©rite de constituer un vĂ©ritable tour de chauffe de la prochaine campagne des lĂ©gislatives.

Le RNI ne s’y est pas trompĂ©. Il est vrai que, pour lui, l’enjeu Ă©tait d’importance. Le calendrier de la Constitution est venu perturber l’ordonnancement de sa mise en ordre de marche – à commencer par son congrĂšs extraordinaire prĂ©vu fin juin – en vue des prochaines Ă©lections ? Qu’à cela ne tienne ! La campagne rĂ©fĂ©rendaire sera l’occasion de (re)mobiliser les troupes autour de sa direction et d’affirmer un leadership pour les combats Ă  venir.

Jamais sans doute l’expression « mouiller la chemise » n’aura Ă©tĂ© autant d’actualitĂ©. Au sens propre comme au figurĂ©. Au plus fort de la pĂ©riode de chaleur qu’a connue le Royaume en cette fin du mois de juin, les caravanes politiques ont toutes subi les assauts de tempĂ©ratures Ă©crasantes, amplifiĂ©es par la promiscuitĂ© de foules rassemblĂ©es dans des enceintes surchauffĂ©es.

Lorsque Salaheddine Mezouar entre dans une salle de sport, dimanche dernier Ă  Tanger, devant quelque 2 000 militants et sympathisants, l’ambiance est Ă  son paroxysme. Public Ă©clectique. Et Ă©lectrique.

Un président omniprésent

Hommes, femmes, jeunes : tous sont venus pour entendre « leur » ministre et prĂ©sident du parti. Mezouar se sait attendu. Chaque Ă©tape est pour lui l’occasion de rencontrer les responsables locaux, de prendre la mesure de la qualitĂ© des relais du parti, et de l’engagement des tĂ©nors rĂ©gionaux Ă  ses cĂŽtĂ©s.

Quelques minutes plus tĂŽt, c’est pourtant en toute dĂ©contraction qu’il vient prendre son petit dĂ©jeuner Ă  l’hĂŽtel oĂč son Ă©quipe a passĂ© la nuit. Les meetings, dĂ©jĂ , s’enchaĂźnent au cƓur du Royaume – des montagnes de Tissa, dans la province de Taounate, Ă  FĂšs – et le programme de la semaine s’annonce Ă©prouvant. Tanger, SalĂ©, KĂ©nitra, MeknĂšs, Marrakech, mais aussi Agadir, LaĂąyoune ou encore Ouarzazate


Le prĂ©sident du RNI a fait le choix d’ĂȘtre omniprĂ©sent, dans toutes les rĂ©gions du Royaume, jusque tard dans la nuit de jeudi Ă  vendredi, jour du scrutin. DĂ©cidĂ©ment, cette campagne, courte, ramassĂ©e, constitue le meilleur palliatif Ă  un congrĂšs qui s’annonçait dĂ©licat.

« Certains estimaient que le congrĂšs conduirait Ă  des changements brutaux, observe Mezouar. Mais tout ça, aujourd’hui s’est dĂ©gonflé  » Les attaques rĂ©pĂ©tĂ©es, au sein mĂȘme de la majoritĂ© gouvernementale, Ă  l’encontre du ministre de l’Economie et des Finances, les soubresauts internes au parti qui agitaient un avant-congrĂšs aujourd’hui reportĂ© sine die
 Salaheddine Mezouar entend se montrer serein. « J’agis en homme libre, reconnaĂźt-il, j’avance selon mes convictions. »

Ce dimanche matin, avant d’affronter une journĂ©e qui le verra en matinĂ©e Ă  Tanger et en fin d’aprĂšs-midi Ă  SalĂ©, le prĂ©sident du RNI partage un rapide petit dĂ©jeuner avec son staff de campagne. Derniers conciliabules avec ses conseillers sur la salle qui l’attend dĂ©jĂ  impatiemment.

Le cortĂšge s’ébranle pour gagner le meeting. Des convictions sur la Constitution, sur ce « grand rendez-vous dĂ©mocratique pour le pays », Mezouar en a Ă  revendre. « Il y a une vĂ©ritable adhĂ©sion au projet, commente-t-il, les gens s’y intĂ©ressent. Ils veulent s’exprimer. Ils viennent pour le ‘‘Oui’’. Oui Ă  la Constitution. Oui Ă  l’unitĂ©. Oui Ă  la monarchie. » Des convictions, donc.

Un rituel bien rodé

Et une salle tout acquise à la cause de cette consultation. Tanger a bien fait les choses. Sans doute se rappelle-t-elle que Salaheddine Mezouar a passé ici une grande partie de son enfance et de son adolescence.

Accueil chaleureux, embrassades, slogans scandĂ©s Ă  rĂ©pĂ©tition, drapeaux – celui du parti ornĂ© de la colombe et le drapeau national – agitĂ©s en tous sens. Portraits du roi abondamment distribuĂ©s et brandis Ă  bout de bras


Le responsable tangĂ©rois du parti a du mal Ă  contenir l’enthousiasme de ses troupes. Mezouar s’efforce d’enfiler le tee-shirt aux couleurs de sa formation que l’on vient de lui mettre en mains. Pas de chance !

Offrir un tee-shirt small Ă  l’ancien capitaine de l’équipe nationale de basket pourrait constituer une erreur d’apprĂ©ciation. Mezouar en sourit, avant d'enfiler un tee-shirt de secours plus conforme Ă  ses mensurations
 Mais le rituel des meetings est dĂ©sormais bien rodĂ©.

Mot d’accueil du responsable, « coordinateur » de l’étape. Lecture par un imam de versets du Coran. Hymne national, hymne du parti
  la salle n’attend plus que Mezouar s’exprime, enfin. Mais il faudra encore patienter. A chaque Ă©tape, plusieurs intervenants prĂ©cĂ©deront le prĂ©sident du parti.

Pour exprimer leur choix qui au nom de la section locale, qui au nom d’une association, qui encore, comme Ă  Tanger, au nom d’une dĂ©lĂ©gation du 20-FĂ©vrier originaire de TĂ©touan venue dire son adhĂ©sion au « Oui » Ă  la Constitution, et annoncer son ralliement au RNI !

Saleddine Mezouar, lui, observe. Ces longues minutes qui anticipent son intervention lui permettent de « sentir » la salle. Et, dans un instant, d’adapter son discours au public qui lui fait face. « Je ne prĂ©pare jamais de discours, confesse le patron du parti. J’essaie d’adapter mon message en fonction du public. Urbain ou rural. Masculin, ou plus fĂ©minin. Sans oublier les jeunes, qui attendent beaucoup des Ă©volutions en cours. »

Ces derniers le lui rendent bien, qui ne cessent de monter sur les chaises en clamant des slogans et en projetant des gradins des bulletins « Oui » en autant de confettis qui submergent la salle. « Le pays a besoin des jeunes. La force du Maroc, c’est sa jeunesse. Une force qui doit ĂȘtre utilisĂ©e pour construire le pays, pas pour s’enfermer dans l’assistanat. La jeunesse doit ĂȘtre entreprenante. »

S’il ne dispose d’aucune note, Mezouar n’ignore rien des messages qu’il entend faire passer. Le fil rouge de son intervention est maĂźtrisĂ©. Il peut ĂȘtre Ă©nergique et dĂ©monstratif, comme Ă  Tanger ou SalĂ©. Mais aussi, posĂ© et didactique, comme Ă  KĂ©nitra ou MeknĂšs. Question d’ambiance, question de public.

« Je dois expliquer les bĂ©nĂ©fices attendus de cette Constitution. En quoi elle va changer la vie des gens. Comment ils vont pouvoir devenir des acteurs de la sociĂ©tĂ© nouvelle. »

Et d’enchaĂźner ses « convictions »  Le moment est « historique » car la Constitution qui vient d’ĂȘtre proposĂ©e « correspond Ă  l’évolution de la sociĂ©tĂ© marocaine. Nous devons avoir confiance pour assurer cette mutation. Le Maroc fait le choix de l’irrĂ©versibilitĂ© du choix dĂ©mocratique. Il n’y aura pas de retour en arriĂšre. Sur un plan politique, c’est fondamental. »

Un taux de participation redouté

Les avant-bras appuyĂ©s sur le pupitre, balayant les militants du regard, Mezouar s’emploie Ă  convaincre en dĂ©clinant les principaux articles de la Constitution. Islam, monarchie, unitĂ© nationale, irrĂ©versibilitĂ© de la rĂ©forme, des droits de l’homme, de la paritĂ©, de la justice sociale, de la prĂ©Ă©minence des conventions internationales, Ă©largissement des prĂ©rogatives du Parlement, de la responsabilitĂ© du gouvernement dans la gestion des affaires publiques
 aucun des grands articles n’est oubliĂ©. Le patron du RNI se veut pĂ©dagogue.

Chef de parti, ce n’est pas le « Non » qu’il redoute – la victoire du « Oui » est acquise – mais c’est bien le taux de participation qui sera analysĂ©, dissĂ©quĂ© pour dire l’ampleur, ou non, de l’adhĂ©sion des Marocains Ă  leur nouvelle Constitution.

Les 37% de participation aux derniĂšres Ă©lections lĂ©gislatives ont laissĂ© des traces
 Alors, Mezouar s’efforce de convaincre toutes les catĂ©gories d’électeurs de se prononcer en faveur du « Oui » en explicitant aussi clairement que possible un texte par essence ardu. « C’est un moment de mobilisation trĂšs fort, explique t-il. Les militants ont besoin de sentir que le parti est prĂ©sent. C’est l’occasion de construire une relation durable. »

PĂ©dagogie

Une relation durable
 Visiblement, MeknĂšs n’en attend pas moins. En ce lundi aprĂšs-midi, au plus fort d’une journĂ©e caniculaire, le prĂ©sident du RNI se sait doublement attendu. Les responsables locaux ont fait les choses en grand. 5 000 personnes patientent pour voir enfin les tĂ©nors du parti dans la grande salle des congrĂšs.

Moncef Belkhayat, Yassir Zenagui, Anis Birou accompagnent leur prĂ©sident. Ce rendez-vous est d’importance. C’est ici que Salaheddine Mezouar devrait se prĂ©senter lors des prochaines lĂ©gislatives. Et cette campagne-lĂ  s’annoncera dĂ©terminante, au lendemain de l’adoption de la nouvelle Constitution. « Le jeu est ouvert. Il n’y a pas de vainqueur prĂ©dĂ©terminĂ©.

Le RNI va Ɠuvrer pour construire des alliances claires, sur un programme clair. Nous sommes dĂ©cidĂ©s Ă  ne pas ĂȘtre un parti supplĂ©tif, qui complĂšte un gouvernement. » Mais, pour l’heure, c’est encore de pĂ©dagogie qu’il s’agit de dĂ©ployer. AppuyĂ© au pupitre comme pour mieux communiquer encore avec une salle toute acquise au « Oui », Mezouar rĂ©itĂšre un argumentaire dĂ©sormais Ă©prouvĂ©.

Demain, ce sera Marrakech. Puis les grandes villes du Sud. Campagne Ă©prouvante. Mais l’objectif porte bien au-delĂ  du 1er juillet. Et cela, comme tous les leaders des formations nationales, Mezouar l’a bien compris.

Henri Loizeau

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