Histoire d’une révolte presque inaperçue, la fronde des jeunes de la Chabiba n'est pas près de s'arrêter. Récit d'un conflit interne qui prend de l'ampleur.
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On serait tenté de croire que rien ne va plus dans les rangs de l’USFP. Au contraire de certains partis qui ne laissent apparaître que rarement leurs conflits internes, les Usfpéistes, eux, lavent leur linge sale en famille… et en direct.
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Les dissensions qui règnent dans ce parti historique sont sans précédent, et tournent autour de la jeunesse du mastodonte. Taher Abouzaïd, un membre de cette même jeunesse, ne décolère pas.
« La jeunesse USFP est devenue un outil de règlement de comptes, utilisé par plusieurs personnes, au sein du bureau politique et même ailleurs. La question qui se pose est : qui pourrait s’emparer de l’organisation pour la canaliser et l’utiliser lors du 9e congrès du parti ? »
Tout a commencé un certain 20 février, ou plutôt lors des préparatifs de ce mouvement. Les membres de la jeunesse, pour leur plus grande majorité, ont clairement apporté leur soutien aux vingtfévrieristes alors que Ali Elyazghi, le secrétaire général de l’organisation, s’est dit contre une pareille initiative.
Taher Abouzaïd raconte : « Il s’est prononcé devant les medias déclarant que ce mouvement ne représentait pas l’opinion de la jeunesse marocaine et avait des fins antinationalistes. »
Et loin de s’en tenir là , Ali Elyazghi aurait « essayé en vain d’inciter les jeunes Usfpéistes à boycotter les marches et les sit-in du mouvement ». De son côté, Mezouari Mehdi, secrétaire général-adjoint de la jeunesse ittihadie, réplique : « Nous sommes pour que les changements et les réformes suivent les voies démocratiques et soient revendiqués, entamés, suivis et réalisés au sein d’institutions, et non pas dans la rue. »
Quelque temps après la première manifestation, une réunion entre le bureau politique du parti et le bureau national de la jeunesse, présidée par le premier secrétaire du parti lui-même, Abdelouahed Radi, a été organisée.
Cette rencontre avait pour objectif de débattre de l’avenir de la Chabiba, des préparatifs du congrès et de la position à tenir quant au Mouvement du 20 février. Ali Elyazghi et quelques membres de la jeunesse étaient alors aux abonnés absents et il fut décidé « de travailler en mode collégial sans Ali Elyazghi, le secrétaire général, parce que celui-ci, selon les membres présents lors de cette réunion, s’était tacitement mis hors de l’instance exécutive de l’organisation », affirme Taher Abouzaïd.
La guéguerre des roses
Privés de la tête de la jeunesse et souhaitant contribuer massivement au Mouvement du 20 février, alors que le secrétaire général traînait des pieds, des jeunes de l’USFP, notamment des jeunes du groupe Omar Benjelloun, ont créé une alternative au sein même du parti : le groupe « Usfpéistes du 20-Février ».
Ce groupe a alors organisé une rencontre financée et coordonnée par le bureau politique de l’USFP himself. Avec une affluence record de participants (plus de 500 personnes), la rencontre ne s’est pas déroulée sans encombre.
Les jeunes ont empêché Abdelouahed Radi, le premier secrétaire du parti, ainsi que son bureau politique, de participer à l’inauguration de la rencontre qu’ils avaient eux-mêmes financée ! Taher commente : « Le secrétariat de la rencontre, qui coordonnait avec les leaders de l’USFP, a été surpris par les appels au départ du bureau politique et les slogans lors de l’ouverture demandant à Radi et aux autres membres du bureau politique de dégager, puis de continuer, le deuxième jour de la rencontre, Ali Elyazghi, se sentant dépassé par les événements, a organisé, avec quelques dizaines de jeunes, un sit-in devant le siège national de l’USFP.
Les slogans étaient les mêmes que ceux de l’ouverture de la rencontre ''Bureau politique dégage''. » ça sent la révolution interne. Mezouari Mehdi nous dit à ce propos : « Je fais partie de la dynamique qui a revendiqué le départ du bureau politique devant le siège du parti (en compagnie d’Elyazghi, ndlr).
La ligne de direction de l’USFP est en total déphasage avec la réalité actuelle politique du Maroc et les changements souhaités par tout un chacun. D’ailleurs, nous sommes les jeunes du parti et personne ne prend notre avis lors des prises de décision. » L’USFP va-t-il connaître son propre 20-Février ?
La jeunesse s'exprime
« Les jeunes veulent imposer leur représentativité de la jeunesse au sein du parti mais ils veulent aussi que cela se fasse dans la légitimité. Donc ce débat aura lieu au conseil national du parti, et non lors du congrès de la Chabiba prévu prochainement.
Il ne faut pas se révolter contre le bureau politique mais contre les mentalités qui marginalisent le rôle des jeunes dans tout le parti », affirme Taher. Et comment en arriver à ce résultat ? Deux mots forment l’essentiel de la réponse de Taher : « La pression et le lobbying durant les réunions et durant le conseil national. »
Mehdi Mezouari, quant à lui, affirme : « Les jeunes veulent un renouveau des leaders, du discours et des organes de prise de décision. L’USFP doit maintenir une ligne politique rigoureuse et avoir un peu de courage pour pouvoir accompagner les changements qui s’annoncent. En fin de compte, ce n’est pas un changement générationnel que nous demandons, mais bel et bien que l’avis des jeunes soit pris en compte effectivement. »
Vingtfévrieristes ou pas, les jeunes socialistes trépignent. Sauront-ils maintenant trouver leur place dans les campagnes qui s’annoncent ?
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