Au Parlement comme Ă la seconde Chambre Ă©margent plusieurs centaines de dignitaires qui mĂšnent souvent grand train sans ĂȘtre pour autant disponibles et encore moins opĂ©rationnels.
Avant que le rideau ne tombe sur la session dâautomne, les dĂ©putĂ©s du PJD ont tenu Ă marquer la fermeture des travaux de la vĂ©nĂ©rable institution par une sortie remarquĂ©e de Mustapha Ramid qui a donnĂ© de la voix pour fustiger « lâabsentĂ©isme des ministres aux sĂ©ances orales ». Le trublion islamiste a demandĂ© au chef du gouvernement de veiller Ă ce que les ministres respectent le Parlement en faisant acte effectif de prĂ©sence.
Des voix s'Ă©taient Ă©levĂ©es ces derniers mois, dans les rangs de l'opposition, pour critiquer lâabsence rĂ©pĂ©tĂ©e de certains membres du gouvernement au sein de l'hĂ©micycle, alors quâils Ă©taient censĂ©s venir rĂ©pondre aux questions des dĂ©putĂ©s. Le dispositif est assez lĂąche. Le rĂšglement interne de la Chambre des reprĂ©sentants stipule dans son article 56 que « lâaudience publique qui se tient chaque mercredi est consacrĂ©e aux questions des reprĂ©sentants et aux rĂ©ponses du gouvernement ». Selon lâarticle 161 de ce mĂȘme rĂšglement, le Premier ministre ou les ministres intĂ©ressĂ©s sont obligĂ©s de faire acte de prĂ©sence pour rĂ©pondre aux questions orales sauf en cas de force majeure, auquel cas la rĂ©ponse Ă la question orale serait reportĂ©e Ă lâaudience suivante.
Calvaire
En revanche, lâarticle 41 du rĂšglement interne nâoblige pas les membres du gouvernement Ă ĂȘtre prĂ©sents lors des comitĂ©s, car il prĂ©cise que « les ministres ne voulant pas assister aux rĂ©unions des comitĂ©s peuvent engager des dĂ©lĂ©guĂ©s pour les remplacer ». Pourtant, mĂȘme si la Constitution marocaine nâexige pas la prĂ©sence des membres du gouvernement aux audiences du Parlement, les ministres se doivent de participer aux rĂ©unions et de suivre de prĂšs les dĂ©bats pour respecter lâengagement dâappliquer la politique gouvernementale.
Du cĂŽtĂ© des intĂ©ressĂ©s, la plupart avouent apprĂ©hender ces sĂ©ances orales, vĂ©cues comme un calvaire, surtout quand les dĂ©putĂ©s ne maĂźtrisent pas leur sujet et cherchent seulement Ă attirer lâĆil des camĂ©ras. « Comment voulez-vous quâun ministre vienne au Parlement quand les dĂ©putĂ©s nâont pas dâautre objectif que de crĂ©er la polĂ©mique sur des questions sensibles, histoire de passer pour des Ă©lus qui font suer les ministres. Certains responsables sont terrorisĂ©s par des parlementaires qui sâattaquent Ă la personne au lieu de chercher des explications concernant tel ou tel dĂ©partement », sâindigne un secrĂ©taire dâĂtat. Ă lâabsentĂ©isme des ministres, il faut ajouter celui des parlementaires. Pour ne citer que ces deux exemples rĂ©cents, des lois aussi importantes que la loi de Finances ou encore le Code de la route, ont Ă©tĂ© adoptĂ©es par une poignĂ©e de parlementaires dans les deux Chambres. Le scandale avait Ă©tĂ© Ă©voquĂ© par la presse sans que cela Ă©branle la vĂ©nĂ©rable institution.
Indemnités substantielles
Les rares citoyens qui ont le courage et le temps de suivre la retransmission par les mĂ©dias des sĂ©ances de questions orales se rendent dâailleurs compte de visu de la trĂšs faible participation des Ă©lus de la nation Ă cette manifestation hebdomadaire. Ces images dâun hĂ©micycle dĂ©sert, transmises tous les mardis et mercredis par la TVM, tĂ©moignent du peu de cas que font les parlementaires de leur mission. Depuis des annĂ©es, face Ă la recrudescence du phĂ©nomĂšne, de nombreuses propositions concrĂštes ont Ă©tĂ© avancĂ©es. Certains Ă©lus tels que Mustapha Ramid (encore lui), avaient mĂȘme proposĂ© dâindexer les indemnitĂ©s parlementaires Ă lâassiduitĂ© des dĂ©putĂ©s. Dans son intervention lors de la confĂ©rence de presse organisĂ©e le 1er fĂ©vrier Ă Rabat, Ă la Chambre des conseillers, et consacrĂ©e Ă la prĂ©sentation du bilan de la deuxiĂšme Chambre au cours de la session dâautomne de lâannĂ©e lĂ©gislative 2009-2010, Mohamed Cheikh Biadillah a pointĂ© du doigt « un absentĂ©isme des Ă©lus qui porte atteinte Ă la crĂ©dibilitĂ© de lâaction parlementaire ». Ces propos ne font que conïŹrmer un phĂ©nomĂšne dâautant plus scandaleux que nos honorables Ă©lus mĂšnent grand train et empochent de substantielles indemnitĂ©s.
PrĂ©sidents de commission, (Fouad Ali El Himma, prĂ©sident de la Commision des Affaires Ă©trangĂšres, de la dĂ©fense nationale et des affaires islamiques), prĂ©sidents de groupe (Abdelaziz Alaoui HaïŹ di, chef du groupe parlementaire RNI), questeurs, rapporteurs du Budget... quelques dizaines de privilĂ©giĂ©s, tous dĂ©signĂ©s par leurs pairs Ă lâissue de tractations secrĂštes, trĂŽnent dans le peloton de tĂȘte. « Ces parlementaires en chef » qui tiennent le haut du pavĂ© dans leurs partis respectifs se partagent voitures, chauffeurs, indemnitĂ©s supplĂ©mentaires, voyages Ă lâĂ©tranger et autres agapes. Leur statut leur donne droit Ă une indemnitĂ© supplĂ©mentaire de 7 000 dirhams par mois. En plus, bien sĂ»r, du traitement de base rĂ©servĂ© au dĂ©putĂ© lambda, soit une indemnitĂ© forfaitaire de 36 000 dirhams par mois, exonĂ©rĂ©e dâimpĂŽt ! Sans oublier les petits plus tels que la remise de 50% dans les hĂŽtels, la gratuitĂ© dans les trains, la remise de 60 % sur le transport aĂ©rien et les frais de dĂ©placement Ă lâĂ©tranger de 2 500 dirhams par jour.
Mais la cagnotte la plus importante est celle du prĂ©sident de la Chambre, soit plus de 80 000 dirhams par mois qui inclut son indemnitĂ© forfaitaire mensuelle de 42 666 dirhams et de nombreuses primes. « SurpayĂ©s », ces honorables dĂ©putĂ©s ? Le seul Ă avoir publiquement dĂ©fendu le salaire des parlementaires, ce fut lâiconoclaste Mahjoubi Aherdane pour qui un dĂ©putĂ© devait pouvoir soigner sa prĂ©sentation, ĂȘtre disponible et prĂȘt Ă payer de sa poche pour rĂ©gler les menus problĂšmes de ses ouailles.
Abdellatif El Azizi |