Du renforcement du rôle du Parlement à l’extension des prérogatives du gouvernement... la mouture du texte de la Constitution n'aura pas déçu.
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Malgré les consignes fermes données aux chefs de partis, les grandes lignes de la future Constitution sont aujourd’hui de notoriété publique. La dernière mouture écrite du projet de réforme de la Constitution sera entre les mains des 33 chefs de partis et de syndicats lors de la prochaine réunion du Mécanisme politique de suivi de la réforme de la Constitution, en début de semaine.
Selon des sources au sein de la commission Mennouni, le roi planchera à son tour sur la copie finale avant de donner son aval à la date du référendum, prévu initialement le 7 juillet. Ce qui est certain, c’est que la Commission accouchera dans la douleur. Malgré le satisfecit de la plupart des partis – certains parlent même de« révolution » tant le futur texte est en avance par rapport aux revendications –, les critiques ne manquent pas.
Celle-ci viennent notamment du CNI, du PADS et de la CDT qui ont claqué la porte de la dernière réunion où les grandes lignes du projet de nouvelle Constitution avaient été présentées. Un coup de sang qui ne porte pas sur le fond mais sur la méthodologie.
« Il était convenu que la réunion du mardi soit consacrée à la présentation d’une synthèse écrite qui détaille les grandes lignes du projet de la Constitution mais, à notre grande surprise, Abdellatif Mennouni s’est contenté d’un exposé oral », s’indigne Abdeslam El Aziz, le secrétaire général du Congrès national ittihadi. Pour autant, la mouture apporte bien des évolutions. En voici le résumé.
Monarchie
La défense et la foi aux mains du roi
En France, c’est l'état-major des armées français, sous l'autorité du président de la République qui est responsable de l'emploi des forces et qui assure le commandement des opérations militaires.
C’est un peu vers cette formule que l’on se dirige dans la nouvelle mouture de la Constitution. Le roi sera également le président du Conseil supérieur de la sécurité, organisme qui aura à coordonner toutes les actions de nos services de sécurité et de renseignements.
Quant à la commanderie des croyants, elle « veillera toujours au respect de l'islam ». Le roi contrôlera (toujours) l'organisation et les attributions du ministère des Habous et des Affaires islamiques, comme il sera toujours habilité à prendre les mesures nécessaires pour la sauvegarde de l'unité du culte, tel qu’il est défini par le Coran et la Sunna.
« C’est pratiquement la seule question, sur laquelle il y a eu consensus au cours des débats. Que le roi gère le champ religieux dans une société musulmane, en terre d’islam, paraît aller de soi », explique un leader de la gauche. La sacralité de la personne du roi sera néanmoins supprimée.
Exécutif
Des prérogatives élargies
Exit le Premier ministre et place au président du gouvernement. A l’image de ce qui se passe en Espagne, le chef de gouvernement aura à nommer les membres du gouvernement, présider le Conseil des ministres, présenter les projets de loi et assumer la pleine responsabilité dans la gestion des affaires publiques.
Tout comme il aura à nommer les walis et les gouverneurs ainsi que les ambassadeurs, après validation du roi. Ce super Premier ministre est choisi dans les rangs du parti qui aura eu la première place aux législatives.
Le roi devrait aussi perdre la prérogative de nommer les secrétaires généraux des ministères, véritables maîtres des lieux, et directeurs des organismes publics, au profit du chef de l’exécutif. Une revendication qui a toujours fait partie de l’agenda de nombreuses formations politiques de gauche notamment.
Parlement
Le temps de la réhabilitation
S’il est un domaine qui a été révolutionné dans la mouture annoncée, c’est bien celui du Parlement, soit le pouvoir législatif. Les domaines d’intervention du Parlement en matière de législation ont été élargis passant de 9 aujourd’hui à 40 dans la nouvelle mouture.
De même, le quota pour la mise en place de commissions d’enquête et de motions de censure a été revu à la baisse. Désormais, il suffit d’un cinquième de voix favorables pour déclencher une commission d’enquête et d’un tiers pour la motion de censure. Le Parlement peut décréter l’amnistie générale. Tout comme c’est à lui que revient le découpage électoral.
Auparavant, cette attribution était aux mains du ministère de l’Intérieur. Analyste politique et membre du bureau politique du PJD, Mustapha El Khalfi parle ainsi« d’une véritable réhabilitation du Parlement, et de la Chambre des représentants en particulier ».
La Chambre des conseillers se transforme, elle, en Chambre des collectivités locales. La nouvelle Constitution accorde également plus d’attributions à l’opposition, qui aura à présider au moins deux commissions sectorielles.
Tout comme elle interdit la transhumance partisane et parlementaire. Ainsi, tout parlementaire qui change d’appartenance politique perd sa qualité parlementaire sur décision de la Cour constitutionnelle. Last but not least, tout citoyen peut désormais élaborer et présenter des propositions de loi.
Justice
L’indépendance, enfin !
En analysant les changements prévus par le nouveau texte, l’indépendance de la justice semble en bonne voie. Et pour cause, elle sera érigée en« pouvoir » à part entière. Cette indépendance sera aussi confortée à travers la création d’un Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, en remplacement du Conseil supérieur de la magistrature, qui sera présidé par le roi.
Fait nouveau, le ministre de la Justice, en tant que membre de l’exécutif, n’y aura plus sa place. Tout comme le conseil ne sera plus l’apanage des seuls magistrats élus mais devra également intégrer, parmi ses membres, les présidents des deux Chambres parlementaires et les présidents de l’institution du Médiateur et du Conseil national des droits de l’homme ainsi que le président de la Cour constitutionnelle. Cette dernière viendra en remplacement du Conseil constitutionnel et aura de plus larges prérogatives, dont le droit pour les citoyens de la saisir.
Une liste« à part » pour les femmes sera introduite au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire au même titre que cinq personnalités nommées par le roi. Un mécanisme de nomination qui n’est pas exempt de critiques.« Bien des voix vont s’élever pour en faire un élément vidant cette indépendance de sa substance », nuance le politologue Mohamed Darif.
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