L'approche des échéances électorales et les bouillonnements de la rue ont déjà fait leurs premières victimes : des leaders partisans chahutés par leurs lieutenants.
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C'est un classique du genre. A chaque fois que l'imminence des échéances électorales s’annonce, le syndrome du vizir qui veut devenir calife à la place du calife vire carrément à l'épidémie. Spécialiste en la matière, le Mouvement populaire, qui a conduit récemment Mohand Laenser à piloter le parti en lieu et place de Mahjoubi Aherdane pour cause de sénilité, doit faire face à une tentative de déstabilisation menée par le clan de ses ennemis jurés émargeant au parti de l'épi.
D’anciens lieutenants qui avaient fait les frais de la purge par le nouveau locataire des lieux après la destitution de Aherdane. Une fois n'est pas coutume, au lieu de demander la tête de Laenser, les militants du MP menés par les ex-ministres Mohamed Boutaleb, Hassan Maouni et Mohamed El Morabit, se sont contentés de mettre sur les rails un nouveau parti.
« Le Mouvement du changement et de l'avenir » ne devrait en principe pas tarder à voir le jour puisque les « refuzniks » du MP ont réussi à rassembler les 500 signatures nécessaires à l’obtention du récépissé du ministère de l'Intérieur.
« Depuis juin 2010 où Mohand Laenser avait été reconduit aux commandes du Mouvement populaire en tant que candidat unique au poste de secrétaire général, l'homme a dû faire face à de nombreuses critiques internes menées par bon nombre de harakis qui avaient crié haut et fort leur volonté de mettre fin à la politique des compromis », explique l'un des rebelles.
Boutaleb a, discrètement mais sûrement, cherché durant des années à devenir le numéro un du MP, en déclarant une guerre sourde à Laenser. Or, à l'approche de 2012, les hommes de Boutaleb se sont aperçus que pour parvenir à leur but et se positionner de la meilleure manière, il leur fallait quitter la maison mère.
Ce nouveau parti qui fait preuve d’un opportunisme certain a-t-il des chances de réussir ? Rien n'est moins sûr. La balkanisation du champ politique national est telle qu'elle ne supporterait guère un nouveau venu qui traîne déjà des casseroles en raison du passif des intéressés.
Mais de nombreux observateurs expliquent cet activisme par la volonté de faire pression sur le patron du MP. En effet, les compères envisageraient de créer ainsi les conditions conduisant à désavouer Laenser. Autrement dit, lui ravir la vedette et se voir en bonne position à la tête d'une formation qui jusqu'à présent continue à surestimer sa force sur l'échiquier politique.
Ce qui vaut pour le MP vaut également pour le Front des forces démocratiques (FFD). Thami Khyari vient de perdre son procès contre ses détracteurs. La justice a refusé la plainte du secrétaire général du FFD qui réclamait que la justice reconnaisse la décision du conseil national du parti, tenu le 18 avril dernier, comme nulle et non avenue.
A l'issue de cette réunion, le conseil national avait tout simplement chassé Khyari de la tête du parti ! En somme, au lieu de faire scission pour créer un autre parti, les refuzniks du FFD ont préféré se débarrasser de leur leader actuel.
Au Rassemblement national des indépendants, le syndrome du vizir qui veut devenir calife à la place du calife a également fait des victimes. Si Mezouar a réussi jusqu'à présent à déjouer les pièges tendus par ses adversaires, c'est parce qu'il a notamment tenu à bonne distance les caciques du parti. Ce qui n'a pas empêché un Abdelhadi Alami de faire feu de tout bois pour tirer à boulets rouges sur l'actuel patron du RNI.
Afin de circonscrire les nuisances de celui que ses fans surnomment le « tombeur » de Osman, le bureau exécutif du parti n'a rien trouvé de mieux que de chasser Alami de toutes « les instances du parti ».
Le communiqué publié à l'issue de la réunion du bureau exécutif qui s'est tenue jeudi dernier explique cette décision par « les attaques répétées de Alami sur les colonnes du Temps et de Maghrib El Youm visant à discréditer le parti ».
A en juger par la carrière d'un Alami qui n'a jamais caché son ambition de sièger aux sommets de la politique, on comprend la célérité avec laquelle Mezouar a tenu à se débarrasser du trublion. D'autant plus que ce digne fils spirituel du fondateur du RNI, du fait de ses ambitions démesurées, n'avait jamais pardonné à Osman d'avoir refusé de le cautionner d'un poste de ministre qu'il pensait mériter amplement.
Comme en politique, la séduction de l'adversaire est souvent plus ardue que la conservation des amis, les leaders partisans préfèrent souvent la mise à mort de leurs détracteurs.
Abdellatif El Azizi
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