Alors que les discussions sur la réforme de la Constitution vont bon train, les islamistes sont bien décidés à mettre les services secrets au pas.
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Les jeunes du 20-Février répondront-ils à l’appel à marcher sur le centre secret de la DGST de Témara, lancé par les salafistes incarcérés à la prison Zaki de Salé ?
Bouchta Charaf, l’un des détenus salafistes, a ainsi tancé la jeunesse dans une vidéo postée sur YouTube, précisant « que ce centre de la DGST de Témara était tenu d’une main de fer par un gang qui fait des Marocains ce qu’il veut ; et que de ce fait, il est impérieux de marcher dessus avant de l’investir pacifiquement en vue de sa fermeture définitive ».
Pour l’instant, l’idée ne semble pas enthousiasmer outre mesure les jeunes du 20-Février mais l’activisme des salafistes pourrait bien se tourner vers Témara si le dossier des islamistes encore en prison n’est pas rapidement évacué.
Par ailleurs, les services secrets reviennent dans l’actualité par le biais des propositions de réforme de la Constitution. Plusieurs partis ont ainsi largement évoqué la nécessité d’instaurer un contrôle parlementaire sur les activités des forces de l’ordre.
Mais c’est le PJD qui est allé le plus loin dans ses revendications puisque les islamistes plaident pour la création d’un haut conseil de l'Etat pour les décisions stratégiques. Ce haut conseil de l'Etat serait composé du Premier ministre, des présidents des deux Chambres, du chef du pouvoir judiciaire et du président du conseil constitutionnel.
Présidé par le roi, il délibèrerait sur tout sujet concernant les affaires de l'Etat, pourrait démettre le gouvernement et désigner les ambassadeurs, les walis, gouverneurs, le directeur de la Sûreté nationale, celui de la DGED et de la DST sur proposition du gouvernement.
Aujourd'hui, le Parlement n’a aucun droit de regard sur les activités des services de renseignement, tant militaires (deuxième bureau, la DGED) que civils (DGST, DAG, Renseignements généraux). Les députés, échaudés par des décennies de règne sans partage sur la vie des citoyens par les services secrets, n’ont jamais réellement revendiqué un contrôle sur les activités des différentes officines.
Torture et Cie
D’après Mohamed Merouani, l’un des derniers prisonniers politiques libérés récemment, « au Maroc, les services de sécurité ont la main libre, même s’ils travaillent actuellement avec d’autres méthodes. Dernièrement, on a entendu qu’il y avait eu de nouveaux cas de disparition. L’AMDH avait d'ailleurs alerté le ministre de la Justice. Et si une dynamique sociale s'est déclenchée depuis le 20-Février, les services fonctionnent toujours avec les mêmes mécanismes de pensée. Nous devrons militer durement pour que les services de sécurité soient soumis au contrôle démocratique car ils sont responsables de leurs actes ».
Que reproche-t-on aux James Bond du cru ? Enlèvements, harcèlement, tentatives d’enrôlement et torture. Sur ce dernier point surtout, la plupart des rapports, aussi bien ceux d'Amnesty International que ceux de l’AMDH, insistent sur le fait que la torture continue à être largement utilisée par la DST, la police, la gendarmerie et les autres forces de sécurité comme l’unique moyen d'obtenir des aveux.
Abdellatif El Azizi
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Bensouda 1 - El Fassi 0
Entre le trésorier général et le Premier ministre, rien ne va plus. La pomme de la discorde : les dérogations permettant à des fonctionnaires de continuer à travailler après la retraite.
Le bras de fer entre Abbas El Fassi et Noureddine Bensouda a fait ses premières victimes : quelques centaines de fonctionnaires vivotent depuis que leurs salaires ont été gelés par le trésorier général du Royaume du Maroc, il y a de cela quatre mois déjà .
Ces hauts fonctionnaires arrivés à l’âge de la retraite, et pour lesquels le Premier ministre avait signé une dérogation afin qu'ils puissent reprendre du service, sont considérés par le trésorier comme hors la loi.
Pour Bensouda, ils devraient quitter leur poste immédiatement avant de s’adresser à la CIMR pour percevoir leur retraite. Ce que refusent les intéressés, arguant du fait qu’ils sont détenteurs d’une autorisation en bonne et due forme.
Dans le lot figurent des professeurs d’université, des grosses pointures de la recherche en médecine et de hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères. Le professeur Maati Nejmi, qui dirige le service des soins palliatifs de l’hôpital d’oncologie de Rabat, est l’une des victimes de la décision de Bensouda.
Il s'est dit « profondément choqué de cette annonce », évoquant « une mesure sans précédent qui touche essentiellement des gens qui continuent à apporter une valeur ajoutée à la fonction publique ». Du côté de la trésorerie, on argue que « les dérogations doivent constituer une exception et non pas la règle ».
Il s’agit d’une allusion claire aux remarques de la Cour des comptes qui a estimé que Abbas El Fassi usait sans retenue de dérogations instituées comme mode de gestion de crise.
Sauf que les syndicats considèrent la mesure de Bensouda comme inique car « dans tous les pays, les ministères et les administrations ont une certaine latitude pour garder les hauts fonctionnaires au-delà de soixante ans si l'intérêt du service le justifie et s'ils estiment que le fonctionnaire en question pourra assumer au mieux ses fonctions ».
A.E.A.
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