Le nouvel homme fort de Tanger attaque son prédécesseur. Et il a des arguments. Mais reste à débloquer les nombreux dossiers accumulés.
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Fouad El Omari réussira-t-il à redresser le bateau ivre de la mairie de Tanger, plombée par la gestion catastrophique de Samir Abdelmoula ? Rien n'est moins sûr tant les dossiers noirs du conseil de la ville restent épineux et innombrables.
Des dossiers en suspens, une ville en déshérence totale, des suspicions de fraude, des contrats immobiliers véreux. La conférence de presse, organisée le week-end dernier par le maire de Tanger, visait plus à rassurer l'opinion publique sur la capacité du nouveau bureau à débloquer les nombreux dossiers accumulés, durant les quinze derniers mois de paralysie du conseil de la ville, qu'à rentrer dans le détail des dossiers datant de la législature précédente.
Entouré de membres de son bureau dont quatre représentants du Rassemblement national des indépendants (RNI), quatre de l’Union constitutionnelle (UC) et trois du PAM, le maire ne s'est pas privé de dénoncer « la situation dramatique héritée du bureau précédent, dont les activités étaient pratiquement paralysées pour cause d'absence chronique de l'ex-maire ».
Les affaires les plus urgentes
Tout en renvoyant à la gestion de son prédécesseur. « Nous nous devons d'exercer nos mandats avec éthique et nous n'avons pas peur des audits qui permettront d'éclairer sur les dérives du passé. »
Fouad El Omari s'en prend plus particulièrement à l'utilisation à des fins politiciennes du dossier de la gestion déléguée confiée à Amendis. Concernant cette affaire qui a été au cœur des slogans du 20-Février, El Omari s'insurge contre l'utilisation à des fins populistes.
« Une étude comparative est déjà en cours avec les autres villes. Comme ce dossier concerne tout le monde, du simple consommateur d’eau et d’électricité jusqu’aux grands comptes, il faut prendre le temps nécessaire pour étudier toutes les clauses du contrat et définir les infractions commises avant de prendre une décision irréversible dans l’intérêt de la ville et des citoyens. L’objectif final, c’est que le citoyen reçoive une facture juste et raisonnable. »
Les absences répétées, la non-tenue des sessions ordinaires de juillet et octobre, des comptes administratifs en suspens avaient mis en péril les affaires les plus urgentes de la ville, sans oublier les dossiers d'urbanisme et d'investissements en berne depuis son élection.
Flairant la catastrophe, le PAM avait ainsi poussé à la porte Abdelmoula, en le chassant comme un malpropre, à la fois du conseil de la ville et du parti.
Quant aux critiques de l'opposition concernant son élection – aux conditions rocambolesques – grâce à l'entregent de son frère Ilyas El Omari, le maire balaie d'un geste de la main les rivalités inhérentes à tout exercice de la chose locale. « Nous avons l'espoir que la nouvelle forme de gouvernance permettra de redonner confiance aux Tangérois. »
Abdellatif El Azizi
Â
Grâce
Bientôt zéro détenus d’opinion ?
Le roi l'a fait. Il a libéré les détenus politiques. Les militants veulent maintenant la fin de l'impunité !
Il y avait foule ce jeudi 14 avril pour le point de presse du CNDH. Chakib El Khiyari, les six détenus politiques du groupe Belliraj, le frère de Abdelkader Belliraj et d’autres étaient sur le point d'être libérés.
« La joie des familles est immense et nous espérons encore plus de réformes », nous assure le président de l’instance Driss El Yazami.
En tout et pour tout, le roi a accordé sa grâce à 190 détenus, dont 95 libérations. Les Sahraouis Ali Salem Tamek, Ibrahim Dahhane et Ahmed Naciri, arrêtés pour « intelligence avec l’ennemi », ont eux bénéficié de la liberté provisoire.
Une bonne partie des détenus salafistes appréhendés dans le sillage du 16-Mai ont également profité de cette mesure.
Au total, ce sont cinq condamnés à mort qui ont vu leur peine commuée à la prison à vie ; 37 condamnés à perpétuité ont eu des remises de peine à 15 et 20 ans de prison ; enfin, 53 personnes ont vu leur peine de prison minorée.
Comment cette libération est-elle intervenue ? « Dès l’installation du CNDH, nous avons rencontré les familles et les ONG et nous avons envoyé un mémorandum à Sa Majesté qui vient d'y répondre favorablement », explique Driss El Yazami.
Au sein des familles, c’est le soulagement. Amine El Khiyari, le frère du militant rifain n’en croit pas encore ses oreilles : « Nous sommes heureux que l’Etat répare enfin ses erreurs. Pour ma part, cela me permettra de me mettre en retrait et de laisser mon frère continuer son combat. »
La libération des détenus politiques figurait en tête des revendications des jeunes du 20-Février. Présent lors du point de presse, Najib Chaouki, membre du 20-Février, estime que la mesure de grâce est positive mais reste prudent.
« Il faut maintenant libérer tous les détenus qui restent, dont notamment les jeunes du 20-Février. Nous gardons espoir car le CNDH annonce qu’il s’agit de premiers pas et que d’autres choses sont à venir. »
Et de poursuivre : « Il faut aussi constitutionnaliser toutes les recommandations de l’IER, pour qu’à l’avenir on ne mette plus en prison des gens innocents, enlevés et torturés de la sorte. Il faut également traduire en justice les sécuritaires qui ont fabriqué ces dossiers pour en finir avec l’impunité. »
A l’extérieur du CNDH ce jeudi, les « vingtfévrieristes » continuaient d’ailleurs de manifester en réclamant des comptes.
Zakaria Choukrallah |