La manifestation gigantesque de Casablanca donne la mesure de l’attente de nos concitoyens pour le règlement d’un conflit qui n’a que trop duré. L’unité de la nation impose une sortie de crise avec le soutien de la communauté internationale.
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Deux à trois millions de concitoyens dans la rue. Une manifestation de masse. Impressionnante. Imposante. De celles que seule une population mobilisée autour de la défense d’un intérêt majeur ou de valeurs partagées est en mesure de générer.
La « Marche blanche » qui s’est déroulée dimanche dernier à Casablanca est de celles-là . C’est peu dire qu’une très grande majorité de Marocains s’est estimée offensée par une succession d’événements qui – tragiques à Laâyoune, indécents à Madrid, méprisants à Bruxelles – ont été analysés comme autant d’attaques à l’égard d’une nation qui a érigé son intégrité territoriale au rang de valeur sacrée.
Il n’est pas certain que tous les participants de la Marche aient eu conscience des enjeux. Mais tous ont démontré l’amour qu’ils portent à ce pays, et le sentiment d’injustice qu’ils ressentent lorsque le Maroc se voit ainsi agressé, physiquement ou verbalement.
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Mise en scène tronquée
L’histoire des événements de Laâyoune reste encore à écrire. Loin des passions, les historiens – plus qu’une commission d’enquête parlementaire – diront peut-être un jour ce qui s’est réellement passé. Avant, pendant, et après la journée du 8 novembre. Pour l’heure, les images ne sont pas garantes de la vérité. Les témoignages demeurent fragiles, contestables, orientés, manipulés. Et au jeu de « Qui détient la Vérité ? », nul ne peut répondre avec certitude. Mais personne ne peut oublier la réalité des faits ayant conduit à la mort de onze membres des forces de sécurité ou fonctionnaires, tous victimes des agissements d’activistes ou sympathisants du Polisario. L’image de ce serviteur de l’état, laissé à l’agonie sur le macadam après avoir été égorgé, restera dans toutes les mémoires. Et comme le symbole de la folie qui s’est emparée des rues de Laâyoune le 8 novembre 2010.
La couverture de ces événements par la presse espagnole devrait, elle, être réécrite. Il arrive à tous les journaux, à toutes les rédactions du monde de se tromper. Et nous ne sommes pas exempts de ces erreurs qui peuvent parfois affecter la véracité des faits présentés. Tel n’est manifestement pas le cas d’un certain nombre de confrères espagnols qui se sont laissés manipuler – sciemment ou non – pour présenter les événements de Laâyoune avec une mise en scène en tout point tronquée.
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Excuses tardives, rhétorique polisarienne
On ne savait pas quelques grands acteurs de la presse espagnole – dont un El Pais souvent présenté en exemple de la presse internationale – manquer de discernement à ce point. Les excuses, tardives, présentées à leurs lecteurs, sont une chose. Multiplier les articles nourris à la rhétorique algérienne ou polisarienne en est une autre. Autrement plus grave au regard de l’honnêteté qui devrait régir tout travail journalistique. Le manque de recul et d’analyse de la part de nos confrères espagnols peut apparaître surprenant, ce que n’excuse en rien l’absence de nuance exercée parfois de ce côté-ci de la Méditerranée dans quelques colonnes où le nationalisme le dispute trop souvent à l’irrationalité.
Par un étonnant effet domino, la fièvre espagnole a gagné promptement l’Europe et sa capitale, Bruxelles. Avec des parlementaires espagnols à la manœuvre dans ses couloirs, le Parlement européen a cru devoir condamner la gestion des événements de Laâyoune par le Maroc, infligeant au passage une petite humiliation à la diplomatie marocaine impuissante à conjurer, comme elle s’en faisait fort, la cabale des plus activistes des soutiens de la position du Polisario au sein de cette assemblée. Ce faisant, le Parlement européen ne s’est pas grandi. La précipitation avec laquelle il s’est prononcé – en dehors de toute enquête sérieuse, ou recueil d’éléments ou témoignages incontestables – traduit un certain mépris à l’égard d’une nation qui bénéficie du statut avancé et qui entretient les meilleurs rapports avec l’ensemble des pays de l’Union et leurs représentants.
Au fond, peu importe que tout cela ait été présent à l’esprit des millions de personnes – jeunes et vieux, politiques et syndicalistes, militants engagés ou simples citoyens – qui ont défilé à Casablanca. Leur seule présence a suffi à dire aux yeux de tous ceux qui s’interrogent sur la place du Sahara au cœur de la nation que sa marocanité ne pouvait être discutée. Et que l’offre d’une large autonomie dans le cadre d’une régionalisation rénovée devait porter les espoirs d’une sortie de crise, trop longtemps attendue, trop longtemps contestée par les parties adverses.
Reste à l’état, fort du soutien de la nation, à trouver les voies et moyens de cette sortie de crise. Et à éclairer l’Europe, ses ressortissants comme ses parlementaires de la justesse de sa position. Ce chantier-là est urgent. Et là , aussi, était le message exprimé par la Marche blanche.
Yanis Bouhdou |