Chahuté par ses bases et l’aile dure du PJD à cause de son refus de manifester, Benkirane enfonce le clou en acceptant de rencontrer Ilias El Omari, l'ennemi d'hier.
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Les temps sont durs pour Abdelilah Benkirane. Comme si un mal ne suffisait pas, le secrétaire général du PJD (Parti de la justice et du développement) a jeté de l’huile sur le feu en acceptant de serrer la main d'Ilias Omari.
La rencontre avec le parrain du PAM et ennemi juré des islamistes n’a pour l’instant guère dépassé le stade d’une trêve provisoire mais cela reste suffisant pour provoquer l’ire des bases islamistes.
La position de Benkirane est d’autant plus fragilisée que les manifestations du 20 février ont malmené l’image de marque du chef des islamistes modérés. En effet, le malaise grandissant au sein du PJD a démarré avec la division du secrétariat général du parti sur la participation aux revendications du 20 février.
La décision de se démarquer de ce mouvement avait poussé des ténors du parti comme Mostafa Ramid à démissionner du PJD en même temps que Lahbib Choubani et Abdelali Hamieddine.
Ce remue-ménage autour de la personne de Abdelilah Benkirane intervient après qu'un courant radical l'a critiqué au sujet de ses sorties médiatiques et de sa démarcation avec le mouvement du 20 février alors que la jeunesse et des ténors du parti ont participé aux marches organisées par ce même mouvement.
Une guerre sans merci
Abdelilah Benkirane se défend comme il peut : « Notre parti, qui a son poids dans la société, ne peut pas prendre part à des manifestations dont on ignore les tenants et les aboutissants… nous sommes un parti réformateur et non révolutionnaire.
De plus, nous en avons débattu au secrétariat général. » Mais c’est l’intrusion d’Ilias El Omari dans le débat qui semble créer le plus de dissensions au sein de ce parti.
Benkirane ne voit aucun mal à serrer la main à l’ennemi d’hier : « Ma rencontre avec Omari est tout à fait normale ; pourquoi ne pas le recevoir puisqu’il appartient à un parti autorisé ? »
Les mauvaises langues avancent que Benkirane aurait marchandé la libération de Jamaâ Moatassim contre le retrait du mouvement du 20 février...
Selon une source bien informée, pour se venger du PAM accusé d’avoir jeté le lieutenant de Benkirane derrière les barreaux, ce dernier avait orchestré une guerre sans merci contre Ilias El Omari, l’homme des basses œuvres du PAM.
Puis il l’aurait rencontré, il y a une semaine de cela, pour conclure un accord. Un arrangement où Benkirane s’engagerait à lâcher la pression sur Ilias El Omari, lequel promettrait d’oublier les islamistes, du moins jusqu’aux élections législatives.
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Destitution
Autre point de discorde entre Benkirane et Ramid (l’un de ceux qui souhaitent que Benkirane « dégage ») : les réformes constitutionnelles. Pour le premier, le discours royal répond aux exigences de l'heure et aux aspirations de l'ensemble des composantes du peuple marocain.
Quant à Ramid, il appelle à davantage de réformes pour répondre aux attentes de la jeunesse qui revendique une justice sociale. Il réclame aussi la libération des détenus politiques et la révision du traitement des dossiers des personnes poursuivies pour terrorisme.
Enfin, Ramid appelle directement à une monarchie parlementaire. Une revendication qui ne figure pas dans l’agenda de Benkirane. Jeudi dernier, il a tenu un point de presse au siège du parti à Rabat, pour déclarer qu’il était prêt à partir si le parlement du parti le décidait.
« La question de mon départ est normale, le règlement intérieur du parti autorise la destitution du secrétaire général. Ce poste, je n'en ai pas hérité ; et ma destitution ne me fait ni chaud ni froid. »
Une réponse au conseil national du PJD qui tient une session extraordinaire pour trancher sur le maintien de Benkirane à la tête du parti. Selon le règlement intérieur, le conseil national peut destituer le secrétaire général si plus des trois quarts des membres du conseil votent cette motion.
Un délai de trois mois est accordé au conseil national pour tenir une session en vue de voter la motion. Entre-temps, le secrétaire général adjoint assume la direction en attendant l’organisation d’un congrès extraordinaire.
Une éventualité peu probable pour un parti qui espère rafler plus de sièges lors du prochain scrutin électoral.
Mohamed El Hamraoui
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