Par cabinets de lobbying interposés, l’Algérie et le Maroc croisent le fer en attendant que le dossier du Sahara quitte les tiroirs de Christopher Ross.
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Laâyoune, samedi 28 août, moins d’une heure avant la rupture du jeûne, un groupe de 14 espagnols a profité de la torpeur de l’été pour déployer les drapeaux du Polisario et scander des slogans de soutien aux séparatistes devant le siège de la Minurso. Tancés par la population, ils n’ont dû leur salut qu’à l’intervention de la police qui les a évacués en urgence. Le ministère espagnol des Affaires étrangères a immédiatement réagi à travers un communiqué précisant que les militants espagnols avaient été regroupés sur « recommandation des autorités locales à la Casa España » à Laâyoune, en attendant d’embarquer pour les Canaries.
Bien entendu, les membres de l’association espagnole SaharAcciones, association basĂ©e aux Canaries, qui n’avaient pas pris la peine de demander la permission des autoritĂ©s locales, savaient Ă quoi s’en tenir : « Nous savions que nous allions nous jeter dans la fosse aux lions », a confiĂ© l’un d’eux aux mĂ©dias espagnols. L'Association canarienne des amis du peuple sahraoui a indiquĂ© que les activistes avaient menĂ© l’opĂ©ration avec l’aide d’une Catalane, Elizabeth Terrasse, et d’un Mexicain, Antonio DĂaz Velázquez, tous deux activistes notoires en poste Ă Laâyoune pour coordonner des actions de propagande sur le terrain.
Un joli coup monté
L’opération menée avec soin et qui a débouché sur un clash avec la population a été diffusée en boucle par les médias espagnols, dont certains avaient sorti l’information en temps réel. Un joli coup pour le Polisario et les services algériens devenus maîtres dans l’organisation de ce genre d’événements « spontanés » qui trouvent un large écho dans la presse espagnole. L’affaire Aminatou Haïdar étant toujours dans les esprits. En Espagne, une kyrielle d’associations, gérées indirectement par le Front Polisario, reçoivent des subventions substantielles des gouvernements autonomes d’Espagne. Soit quelque 20 millions d’euros annuels qui ont mis la puce à l’oreille du fisc ibérique. Certaines d’entre elles, à l’instar de SaharAcciones, agissent concrètement pour soutenir ouvertement les Sahraouis de Tindouf. Même chose dans les pays nordiques où les séparatistes ont réussi à coup de pétrodollars algériens à mettre sur place une véritable toile d’araignée qui surveille de près toute l’actualité du Sahara. La Western Sahara Resource Watch (WSRW, basée en Norvège) est spécialisée dans la veille économique et tente de peser sur les groupes internationaux qui s’intéressent à la région. Il y a une semaine de cela, le quotidien britannique The Guardian a publié une lettre adressée à Marius Kloppers, président directeur général de BHP Billiton, dans laquelle WSRW le somme « de mettre fin à l’exportation des phosphates de la région » par Potash Corp, au moment où se précise la prise de contrôle de ce dernier par BHP Billiton. WSRW accuse Potash Corp, la plus grande entreprise d’engrais du monde, « de soutenir fortement le Maroc présent dans une grande partie du Sahara depuis 35 ans ». Sara Eyckmans, coordinatrice internationale de WSRW, a confié au Guardian qu’elle comptait demander « une réunion urgente à BHP pour discuter de la manière dont Potash exporte le phosphate du Sahara depuis des décennies. Nous espérons et nous attendons que tout acquéreur s’attaque à ce problème ». De l’autre côté de l’Atlantique, les Algériens ne s’embarrassent guère de précautions ; l’activité de lobbying étant parfaitement légale, Alger n’hésite pas à débloquer des sommes très importantes pour mener la vie dure à son voisin. Dernier cabinet de lobbying à être recruté par le Polisario, le Independent Diplomat, dirigé par Carne Ross, a déjà reçu un chèque de 461 154 dollars pour le premier trimestre 2010. Une fois n’est pas coutume, l’activisme de Carne Ross n’a pas payé puisque le cabinet qui a tenté d’influencer des sénateurs et députés américains pour « dénoncer l’accord de libre-échange entre le Maroc et l’oncle Sam » s’est fait signifier une fin de non-recevoir. Ces représentants du peuple américain considèrent l’alliance historique et stratégique avec le Maroc comme plus importante que les visées séparatistes de quelques vieux révolutionnaires sur le retour. Quant au cabinet Foley Hoag LLP, payé sur les deniers du contribuable algérien, il s’applique minutieusement à distiller les thèses séparatistes dans les milieux universitaires.
Cette fébrilité « diplomatique » des services algériens est récente. Ce n’est qu’à partir des années 2000 que les Algériens se sont rendu compte que le dossier du Sahara leur glissait entre les mains et que la communauté internationale avait tendance à s’aligner sur la position marocaine. C’est dans ce sens qu’en 2005, le DRS distribuait un document aux cadres du Polisario pour définir les grandes lignes de ce qui sera désormais la communication du Polisario auprès de l’Occident sur le thème de la décolonisation.
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Une sorte « d'Intifada »
Dans ce document confidentiel, on apprenait notamment comment les agents du Polisario basés en Espagne allaient mener leur campagne de désinformation contre le Maroc. Au menu, des tentatives répétées d’associatifs et de délégations de politiques espagnols pro-Polisario de se rendre à Laâyoune pour donner lieu à des accrochages réguliers avec les forces de l’ordre. L’astuce consiste à 
promouvoir, auprès de l’opinion publique espagnole, l’image d’une sorte « d’Intifada » qui secoue sporadiquement les provinces du Sud. Le document détaille point par point la gestion de ces épiphénomènes montés en épingle par des médias acquis aux thèses séparatistes pour maintenir le thème du Sahara dans tous les médias européens.
Réponse (tardive) du berger à la bergère, on peut citer le recrutement de plusieurs cabinets américains dont le cabinet Tew Cardenas chargé, depuis 2007, par le Moroccan American Center for Policy de défendre le projet d’autonomie présenté par le Maroc. Mais d’une manière générale, de source diplomatique officieuse, on reconnaît que le Maroc a bien du retard sur ses ennemis, parce qu’il a trop longtemps fait confiance aux allégations « d’amitié » de certains hommes politiques et autres sénateurs européens et américains connus pour être acquis au Maroc.
Abdellatif El Azizi |