Le mouvement fixe sa feuille de route pour les quatre ans à venir. En tête des priorités, la promotion des valeurs et la lutte contre « l’intégrisme » laïque.
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Il y avait de nombreux invités de marque à la grand-messe du MUR. Des leaders de mouvements islamistes du Sénégal, du Mali, des figures charismatiques de l’islamisme mauritanien, du Qatar et bien sûr de grands pontes du wahhabisme qui ont fait le déplacement d’Arabie saoudite. Ouvert en grande pompe vendredi après-midi à l’ENSET de Rabat, le 4e congrès national, qui s’est tenu du 16 au 18 juillet, a reconduit l’ingénieur Mohamed Hamdaoui à la tête du Mouvement unicité et réforme (MUR) pour un mandat de quatre ans. Il a raflé 86 % des voix, alors que le mufti du journal Attajdid, Moulay Omar Ben Hammad, deuxième candidat au poste, a réussi difficilement à rassembler 8 % du total. Selon le règlement interne du MUR, c’est le congrès qui propose cinq candidats à la présidence et qui élit au vote secret un président parmi eux.
Quant aux élections des membres du bureau exécutif (Majliss Achoura), la majorité de l’équipe sortante a été reconduite, mis à part deux réglages de circonstance qui ont contraint le MUR à se débarrasser de deux ténors du PJD, Abdallah Baha, secrétaire général-adjoint et Mohamed Yatim, membre du secrétariat national et secrétaire général du syndicat du même parti, l’UNTM. Ahmed Raissouni a été plébiscité au sein du bureau exécutif tout comme Mustapha Khalfi directeur du journal Attajdid et responsable de la machine médiatique du MUR et du PJD.
La chasse aux Pjdistes au sein des instances du MUR a commencé en décembre 2007, quand le comité exécutif a décidé de mettre fin à la fonction de directeur de publication d'Abdelillah Benkirane au sein du journal Attajdid. Mustapha Khalfi avait remplacé Benkirane, le membre fondateur de Harakat Alisslah wa Attajdid (Mouvement réforme et renouveau) de Abdelilah Benkirane en divergence avec la Rabita Al Moustakbal Islami (Alliance de l’avenir du monde islamique) dirigée à l’époque par Ahmed Raissouni. Véritable cerveau du MUR, éminence grise en matière de charia, l’homme qui vit en Arabie saoudite où il enseigne à l'Académie islamique de jurisprudence à Djeddah, est connu pour ses sorties intempestives. Ses poussées de fièvre médiatiques sur la Commanderie des croyants et la question des fatwas le démarquent des positions frileuses des autres acteurs du MUR. Un franc-parler qui lui avait valu de démissionner de son poste de président du Mouvement unicité et réforme en 2003. Selon des sources au sein du congrès, le MUR a volontairement minimisé la représentativité du PJD au sein de l’association. Cette opération a été baptisée « Choix de la différentiation fonctionnelle entre le mouvement de prédication et les actions politiques du PJD ».
Rationaliser le regain d'intérêt
Une chose est sûre, même si le MUR se défend d’être le noyau dur des idéologues du PJD, Mohamed Hamdaoui ne nie pas que sa formation encourage la participation politique de ce dernier au sein des organismes représentatifs, fustigeant au passage l’initiative de Mustapha Ramid qui avait menacé de démissionner du Parlement. « Nous avons la conviction que la participation est un facteur qui minimise les dangers résultant de la frustration et de l’exclusion », explique-t-il.
« Rationaliser le regain d’intérêt religieux au sein de la société », telle est la nouvelle feuille de route pour les quatre ans à venir. À la tête des priorités, figure la question des valeurs et de l’identité. Le MUR pense que les attaques répétées contre l’identité islamique marocaine visent à fragiliser la cohésion sociale. La nouveauté de ce congrès concerne la restructuration du champ religieux pour laquelle le MUR est prêt à s’engager en partenariat avec d’autres intervenants. Les islamistes qui réprouvent la politique des festivals, dénonçant « l’occidentalisation à outrance », ont également appelé à une homogénéité entre la politique officielle du Maroc en matière de religion et les politiques publiques culturelles. Enfin le MUR s’est trouvé un nouvel ennemi, le prosélytisme des évangélistes. Même si le mot n’a pas été utilisé, un membre dirigeant du MUR affirme que cette question demeure une des priorités du mouvement dans sa nouvelle stratégie.
Abdellatif El Azizi |