Activités d’espionnage, violation régulière des espaces maritimes et aériens du Maroc, actes d’hostilité dans les villes de Sebta et Melilia, l’activisme espagnol a dépassé les limites de la bienséance diplomatique.
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Que cherche le général Felix Sanz Roldan ? Les agents du patron des services espagnols sont décidés à ne laisser aucun répit aux Marocains. Quand ce n’est pas un avion qui survole par « mégarde » le yatch royal à Al Hoceima, ce sont les MRE qui se font tancer à la frontière à Sebta ou à Melilia. Dernière trouvaille des agents du CNI, faire monter « les Amazighs » de Sebta contre « les Arabes » de la même ville. Alors que l’association des musulmans de Sebta a déposé un projet de loi pour introduire la langue arabe comme seconde langue d’enseignement pour les petits Marocains dans les écoles du préside occupé, le gouvernement autonome a mobilisé un autre groupe de « Sebtaouis » qui revendiquent plutôt l’amazigh comme seconde langue. Quant aux Espagnols, ils proposent la darija. « Nous avons tout de suite repéré le piège ; pour les Espagnols, il s’agit d’imposer un dialecte qui ne pourra jamais servir de ciment à une communauté que l’on veut séparée et déchirée par des querelles linguistiques », s’indigne Mohamed Hamid Ali, le président des musulmans de Sebta.
Triés sur le volet
A ces provocations s’ajoute un activisme sans précédent des services de renseignement espagnols dans le nord du pays. « Les agents du CNI ne se cachent plus pour tenter de recruter du monde au sein de la société civile aussi bien ici, à Tétouan que dans les autres villes du Nord », explique un journaliste local. Il y a pire encore : toute la presse ibérique s’était étonnée de l’ampleur des purges au sein de l’ambassade espagnole à Rabat. Comme la diplomatie espagnole au Maroc est gérée de près par les services de renseignement ibérique, les profils choisis sont triés sur le volet. Au Maroc, on a même eu des patrons du renseignement qui ont assuré la fonction d’ambassadeur dans le Royaume. Le pays a ainsi eu le privilège d’accueillir sur son territoire deux ambassadeurs successifs d’Espagne, dans les années 90, directement issus du CNI. Fernando Arias Salgado a quitté le fauteuil confortable de chef suprême du CESID (Centro superior de informacion y documentacion) dont il était le patron pour Rabat. Alors qu’en 2001, le CESID est remplacé par le CNI (Centro nacional de intelligencia), et Jorge Descallar, qui avait déjà remplacé Fernando Arias Salgado à la tête de l’ambassade d’Espagne à Rabat, est rappelé à Madrid pour se voir confier la direction du CNI. Il est suivi peu après par l’attaché culturel, Frederico Torres, qui s’est retrouvé lui aussi propulsé dans la hiérarchie des services de renseignement espagnols.
D’un autre côté, des diplomates, sous couverture d’exterritorialité, agissent sans retenue en territoire conquis, au point d’être régulièrement expulsés par les Marocains. C’est ce qui explique que Tétouan et Nador n’aient pas encore de consuls après que les ex-locataires des lieux ont été invités à quitter les lieux manu militari.
Pourquoi tout cet intérêt ? Il y a bien sûr Sebta et Melilia. L’activisme des « diplomates » espagnols est en grande partie centré sur ce qui se passe dans cette partie du Maroc mais ce n’est pas la seule raison. « Aujourd’hui, les relations avec l’Espagne sont extrêmement tendues parce que les Espagnols sont très irrités par les grands chantiers lancés par le Maroc dans le nord du pays. Non seulement, ils considèrent ces énormes investissements comme une menace pour l’existence économique même des présides occupés mais de plus, ils sont dépités de voir que ces grands projets sont confiés à des entreprises françaises dans une zone qu’ils ont toujours considérée comme leur chasse-gardée », explique un diplomate marocain.
Situation très tendue
Les relations se sont ainsi détériorées au point qu’elles ont débouché sur une situation très tendue à la frontière entre le Maroc et les territoires occupés. Même si le Maroc a montré sa bonne volonté en multipliant les consultations politiques et diplomatiques avec le gouvernement de Zapatero, notamment dans la lutte contre le crime organisé, l’immigration clandestine et le terrorisme, les faucons de l’armée qui ont mis la main sur les services de renseignement ibérique rêvent toujours d’en découdre avec les Marocains. Trente ans après la transition démocratique, le gouvernement civil est en train de faire marche arrière au profit de l’armée espagnole qui interfère de plus en plus dans la prise de décisions politiques au sein du pouvoir. Crise économique aidant, le gouvernement Zapatero, qui a pourtant ouvert de nombreux canaux officiels et informels pour faire oublier la crise de l’îlot Leila, n’a plus autant de marge de manœuvre qu’au début de sa législature. Aujourd’hui, la plupart des observateurs, qu’ils soient espagnols ou marocains attribuent la paternité de cette escalade au clan du général Felix Sanz Roldan, qui a gardé un goût amer de son passage, en tant que lieutenant, dans le Bataillon n° 1 à Laâyoune.
Abdellatif El Azizi |