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MĂ©dias et sociĂ©tĂ©, un dialogue national en cul-de-sac
actuel n°55, samedi 10 juillet 2010
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Le timing du dĂ©bat n’est pas un hasard du calendrier. Le gouvernement espĂ©rait faire passer sa copie du projet controversĂ© en l’absence des principaux concernĂ©s : les journalistes !


***

Le dialogue national sur « MĂ©dias et sociĂ©tĂ© » a clĂŽturĂ© ses auditions. Tout le monde a dĂ©battu de l’avenir de la profession : patrons de presse, imprimeurs, distributeurs et ONG, Ă  l'exception des principaux intĂ©ressĂ©s, les journalistes. Pire encore, la couverture des sĂ©ances d’audition a Ă©tĂ© sĂ©lective ; Ă  plusieurs reprises, des journalistes ont Ă©tĂ© refoulĂ©s car les sĂ©ances se tenaient Ă  huis clos. Seul un communiquĂ© laconique Ă©tait adressĂ© Ă  la MAP Ă  la fin de chaque audition. « Si le dialogue est transparent, pourquoi ce culte du secret ?», avance un journaliste scandalisĂ©.

Depuis le 1er mars dernier, vingt-deux auditions institutionnelles et organisationnelles ont Ă©tĂ© dĂ©nombrĂ©es, complĂ©tĂ©es par une quinzaine de journĂ©es d'Ă©tudes et d’ateliers thĂ©matiques dans plusieurs villes.

Le dialogue national sur les mĂ©dias a Ă©tĂ© initiĂ© officiellement par les groupes parlementaires des deux Chambres : l'Istiqlal, l’Union socialiste des forces populaires, le Parti authenticitĂ© et modernitĂ© avec le soutien du Parti du progrĂšs et du socialisme, du Mouvement populaire et du Rassemblement national des indĂ©pendants, sans oublier la participation du PJD appelĂ© Ă  la rescousse Ă  la derniĂšre minute.

Grand oral financé par le PAM ?

Selon des sources concordantes, ce grand oral a Ă©tĂ© financĂ© par le prĂ©sident de la deuxiĂšme Chambre, Mohamed Cheikh Biadillah qui n’est autre que le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du PAM. Plus de 3 millions de dirhams ont ainsi Ă©tĂ© injectĂ©s dans les caisses de l’instance du dialogue dirigĂ©e par Jamal Eddine Naji. Ahmed Akhchichine et Jamal Eddine Naji n’en sont pas Ă  leur premier essai. En 1993, les deux enseignants – Ă  l’époque Ă  l’ISIC (Institut supĂ©rieur de l'information et de la communication) – avaient Ă©tĂ© mandatĂ©s par Driss Basri, alors ministre de l’IntĂ©rieur et de l’Information, pour prĂ©parer le contenu de la « ConfĂ©rence nationale sur l’information ». Le dialogue sur les mĂ©dias, entamĂ© sous l’égide de la DeuxiĂšme Chambre, donne ainsi l’impression d’une confĂ©rence bis repetita oĂč on retrouve toujours les mĂȘmes tĂȘtes : Naji, Benabdallah, Bakkali, Moujahid...

Selon Mohamed El Aouni, prĂ©sident de l’Organisation pour les libertĂ©s d’information et d’expression (OLIE), qui dĂ©nonce l’absence de coordination avec les journalistes : « Les assises dudit dialogue se tiennent Ă  huis clos et sans la contribution idoine des premiers concernĂ©s. La tenue du dialogue coĂŻncide, de maniĂšre troublante, avec la poursuite de la rĂ©pression des mĂ©dias. Quant au contenu, ce ‘‘dialogue’’ a limitĂ© son champ d’intervention aux rapports entre la presse et la sociĂ©tĂ©, alors que la vĂ©ritable problĂ©matique concerne les diffĂ©rends qui opposent le pouvoir et la presse. » MĂȘme son de cloche chez SaĂŻd Benjebli, prĂ©sident de l'Association des bloggeurs marocains : « Cette initiative provient du PAM, on a l’impression qu’elle a Ă©tĂ© lancĂ©e pour faire passer le son de cloche de l’État, sans prendre en compte l’opinion des journalistes. Sinon, pourquoi tiennent-ils des sĂ©ances Ă  huis clos ? »

Selon des sources parlementaires, le timing choisi n’est pas un hasard du calendrier. Lors de la session du printemps, le gouvernement espĂ©rait dĂ©poser sa copie du projet contestĂ© du code de la presse, qui accuse un retard depuis 2002. Le but Ă©tant d’arriver Ă  un consensus avec les « reprĂ©sentants » des mĂ©dias tels que le SNPM, la FMEJ, les imprimeurs et le secteur de la distribution. Selon la mĂȘme source, deux options seront choisies pour rĂ©gler la question controversĂ©e des dĂ©lits de presse : la crĂ©ation d’un conseil national de la presse pour la rĂ©gulation de la presse Ă©crite, en charge de toutes les mesures disciplinaires et sanctions, ou bien la crĂ©ation de Chambres spĂ©cialisĂ©es dans les dĂ©lits de presse au sein des tribunaux.

Guéguerre de représentativité

Il semblerait d’ores et dĂ©jĂ  que l’on s’achemine vers la seconde option qui a plus de chances d’aboutir ; car la crĂ©ation d’un conseil national de la presse va raviver les tensions dĂ©jĂ  aiguĂ«s, provoquĂ©es par la guĂ©guerre pour la reprĂ©sentativitĂ© au sein du futur conseil. Deux prĂ©tendants, un directeur de journal et un universitaire proche du PAM se disputaient le poste ! « Si l’idĂ©e de la crĂ©ation d’un conseil national de la presse est adoptĂ©e, la profession doit ĂȘtre seule responsable de sa rĂ©gulation », affirme Nabil Benabdallah, membre du bureau politique du PPS et ancien ministre de la Communication.

Ce dialogue recĂšle aussi quelques zones d’ombres, le ministre de la Communication ayant Ă©tĂ© Ă©cartĂ©. Normalement c’est ce dĂ©partement qui devait superviser ledit dialogue. Khalid Naciri avait dĂ©clarĂ© que 2009 allait ĂȘtre l’annĂ©e du dialogue avec les mĂ©dias, or rien n’a Ă©tĂ© entrepris. Pire encore, la relation entre l’État et la presse s’est envenimĂ©e. Selon une source proche du dossier : « L’État a vu que Khalid Naciri n’avait rien fait, alors le PAM a Ă©tĂ© mandatĂ© pour faire le travail. » Lors de la sĂ©ance d’ouverture du dialogue, Naciri n'a fait qu'une brĂšve allocution et s’est Ă©clipsĂ©.

L’instance a auditionnĂ© Fayçal LaraĂŻchi, PDG de la SNRT et Salim Cheikh, DG de 2M, d’une part, et les professionnels de l’audiovisuel d’autre part. Les parlementaires ont dĂ©celĂ© une contradiction entre les propos rassurant des directeurs et ceux alarmants des professionnels concernĂ©s et ont demandĂ© une confrontation entre les deux camps.

Le dialogue fut aussi Ă©maillĂ© d’anecdotes ; le lundi 3 mai, Jamal Edinne Naji a adressĂ© Ă  la MAP un communiquĂ© dĂ©nonçant les allĂ©gations contenues dans un article publiĂ© par le quotidien Al Jarida Al Oula (il a cessĂ© de paraĂźtre depuis) qui avançait que des intervenants du dĂ©bat national sur la presse auraient demandĂ© au prĂ©sident-directeur gĂ©nĂ©ral du pĂŽle audiovisuel public, Fayçal LaraĂŻchi, de rĂ©duire le temps dĂ©diĂ©, lors des journaux tĂ©lĂ©visĂ©s, Ă  la couverture des activitĂ©s royales.

Le dialogue national va publier, Ă  l’issue de ses travaux, un livre blanc qui fera la part belle aux recommandations, Ă  l’instar de la confĂ©rence de Driss Basri de 1993. Une chose est sĂ»re, le gouvernement n’a pas rĂ©ussi Ă  faire passer la pilule amĂšre du code de la presse au cours de la session du printemps. Pour les journalistes de la presse Ă©crite, le dĂ©bat n’a pas Ă©voquĂ© les vĂ©ritables problĂšmes de la profession : les licenciements abusifs, la censure indirecte, l’absence d’assurance en cas de perte d’emploi ou encore la retraite complĂ©mentaire
 En somme, un dĂ©bat nul et non avenu.

Mohamed El Hamraoui

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