Le renvoi des religieux a provoquĂ© lâĂ©moi des milieux conservateurs. La rĂ©action violente de lâambassadeur au Maroc donne Ă ce dossier une tournure politique.
Sortie particuliĂšrement musclĂ©e de lâambassadeur des Ătats-Unis, aprĂšs les rĂ©centes expulsions par le Maroc de nombreux Ă©trangers - dont des AmĂ©ricains - accusĂ©s de « prosĂ©lytisme chrĂ©tien » dans le Moyen Atlas. « Nous sommes dĂ©couragĂ©s et peinĂ©s d'apprendre la rĂ©cente expulsion par le gouvernement marocain d'un certain nombre d'Ă©trangers, dont de nombreux AmĂ©ricains qui rĂ©sidaient lĂ©galement au Maroc », a dĂ©plorĂ© Samuel Kaplan dans un communiquĂ© citĂ© par l'AFP.
Lâaffaire remonte au 8 mars quand une vingtaine de ressortissants Ă©trangers dont seize rĂ©sidents et dirigeants d'un orphelinat qui avait Ă©tĂ© crĂ©Ă© en 1957 par deux AmĂ©ricaines dans la commune de AĂŻn Leuh (Province d'Ifrane), ont Ă©tĂ© expulsĂ©s manu militari vers leurs pays respectifs. En plus des bĂ©nĂ©voles de l'orphelinat, environ dix autres chrĂ©tiens Ă©trangers, accusĂ©s de prosĂ©lytisme, ont Ă©tĂ© expulsĂ©s au cours du weekend Ă partir de plusieurs villes du pays. Les personnes expulsĂ©es viennent des Pays-Bas, de Grande-Bretagne, du Congo, de Nouvelle-ZĂ©lande, dâAfrique du Sud, du BrĂ©sil et des Ătats-Unis.
Interdit par la loi
Au lendemain de cette expulsion, Khalid Naciri est montĂ© au front pour expliquer qu'« il s'agissait lĂ d'actes de prosĂ©lytisme avĂ©rĂ©s et ïŹagrants et que ces Ă©vangĂ©listes avaient Ă©tĂ© expulsĂ©s pour leurs actes contraires Ă la loi et attentatoires aux sentiments des citoyens et sur la base d'investigations et de plaintes formulĂ©es par les citoyens ». Le prosĂ©lytisme est dâailleurs interdit par l'article 220 du Code pĂ©nal qui prĂ©voit 6 mois Ă 3 ans d'emprisonnement pour toute personne le pratiquant. Lâaffaire qui a mis en Ă©moi la communautĂ© chrĂ©tienne amĂ©ricaine a Ă©tĂ© largement commentĂ©e par la presse de lâoncle Sam.
Les journalistes du MinnPost ont recueilli les tĂ©moignages des pasteurs qui ont vĂ©cu au Maroc pendant des annĂ©es et qui estiment que la hausse des expulsions est sans prĂ©cĂ©dent ces derniĂšres annĂ©es. « Durant mes neuf annĂ©es au Maroc, je nâai jamais vu autant dâexpulsions », a expliquĂ© le pasteur Jean-Luc Blanc, autorisĂ© par le gouvernement marocain Ă prĂȘcher aux Ă©trangers au sein de l'Ăglise Ă©vangĂ©lique du Maroc.
L'héritage de Bush
Par quoi sâexplique ce durcissement ? Il faut dire que ces Ă©vangĂ©listes qui proviennent pour la plupart des Ă©glises Ă©vangĂ©liques dâAmĂ©rique du Nord et qui viennent prĂȘcher la « bonne parole » dans le pays sâenhardissent de plus en plus. EncouragĂ©es par le parapluie du dĂ©partement dâĂtat amĂ©ricain, au cours de lâinvestiture de George W. Bush, lui-mĂȘme membre de la mĂȘme obĂ©dience, des organisations Ă©vangĂ©liques amĂ©ricaines comme lâArab World Ministries, une ONG missionnaire internationale, opĂšrent ouvertement dans les rĂ©gions dĂ©shĂ©ritĂ©es du Maroc sous couvert dâactions humanitaires.
En 2005, la « Caravane de l'amitiĂ© », organisĂ©e Ă Marrakech en coopĂ©ration avec l'ambassade amĂ©ricaine, et animĂ©e par le rĂ©vĂ©rend Richard Cizik, prĂ©sident des Affaires gouvernementales de la National Association of Evangelicals, a Ă©tĂ© suivie quelques mois plus tard par la visite du tĂ©lĂ©vangĂ©liste amĂ©ricain Josh McDowell. MĂȘme les Ă©glises ofïŹcielles du Maroc redoutent les dĂ©rapages de pasteurs autoproclamĂ©s, leurs sermons controversĂ©s, leur thĂ©ologie bien particuliĂšre , leurs mĂ©thodes extravagantes et leur mission qui consiste Ă imposer leur morale au monde et plus particuliĂšrement au monde arabo-musulman.
Abdellatif El Azizi |