Le congrès de l’AMDH s’est achevé par le retrait du PADS, du PSU et des indépendants des instances dirigeantes en signe de protestation contre la mainmise d’Annahj sur l’organisation.
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Ambiance surchauffée à Bouznika à l’occasion du 9e congrès national de l'Association marocaine des droits humains (AMDH), qui s’est tenu du 20 au 23 mai. Les patrons de la première centrale de défense des droits de l’Homme ont été certes plébiscités mais les querelles partisanes ont marqué encore une fois ce rendez-vous de l’extrême gauche qui forme l’essentiel des militants de l’AMDH. La commission administrative a ainsi réélu au bureau central, Khadija Ryadi, Amine Abdelhamid, Abdelilah Benabdeslam et Samira Kinani. Khadija Ryadi rempile donc pour un 2e mandat de trois ans.
Encore une fois, Bouznika a été le théâtre d’une guerre ouverte entre les militants issus d’Annahj Addimocrati (la Voie démocratique), d’une part, et le PADS (Parti de l’avant-garde démocratique et socialiste) et le PSU (Parti socialiste unifié) d’autre part. Selon une source interne, avant même le début du 9e congrès, un quota a été attribué par la commission préparatoire dominée par Annahj à chaque composante : 50 % pour Annahj, 25 % pour le PADS, 25 % pour le PSU et rien pour les indépendants qui représentent des groupuscules marxistes léninistes d’extrême gauche plus radicaux. Ce même quota a été appliqué à la représentativité au sein du comité administratif et du bureau central.
La fin d’une époque Le 22 mai, les congressistes avaient approuvé le rapport moral et financier. Plus de 150 interventions ont été nécessaires pour voter le rapport dont certaines étaient très virulentes. Les divergences ont surtout porté sur les libertés individuelles : de l’homosexualité aux jeunes qui ne font pas le ramadan ! Des militants issus du PADS ont accusé l’AMDH de se transformer en une ONG qui « défend les homosexuels et les pervers ». Le rapport moral a été adopté par 256 voix pour, 0 voix contre, 144 réserves et 2 abstentions. Concernant le rapport financier, il a été adopté avec 261 voix pour, 0 voix contre, 132 réserves et deux abstentions.
Les débats du congrès ont été également marqués par la constitution de onze commissions pour examiner les questions relatives aux droits économiques, sociaux, culturels, politiques, civiques, et ceux des personnes handicapées, des immigrés et des réfugiés, ainsi que le droit à l'information et d'autres questions d'ordre organisationnel et financier.
Interrogée sur les critiques formulées à l’encontre du rapport moral, Khadija Ryadi, présidente sortante de l’AMDH a noté que les divergences soulevées reflétaient l'orientation pluraliste de l'association et étaient plutôt à porter à l’actif de l’organisation. La présentation des résultats et leur discussion ont duré toute la nuit. Les débats concernaient essentiellement la question épineuse de la laïcité et le dossier du Sahara. Les congressistes du PADS ont quitté la salle au moment du vote relatif au communiqué final pour ne pas avoir à le cautionner. C’est la mention de la marocanité du Sahara qui a perturbé les débats, alors que la majorité des congressistes issus d’Annahj tenaient à réitérer la position classique de l'AMDH, favorable à une solution démocratique basée sur la légalité internationale, une formulation vague qui permet de ne pas utiliser la fameuse formule « d'autodétermination du peuple sahraoui » d’Ila Amam, du temps d’Abraham Serfaty.
Boycott Les divergences entre les deux parties n’en sont pas restées là , beaucoup de militants du PSU, du MCA (Mouvement culturel amazigh) et des indépendants ont boycotté les instances de l’AMDH. Toute une section de la ville de Fès a quitté le congrès avant la fin. Un autre point de discorde entre le PADS, le PSU et Annahj concernait le quota attribué aux deux composantes qui exigeaient un nombre de membres de la commission administrative plus important que le pourcentage qui leur a été réservé par le clan d’Abdelhamid Amine, vice-président sortant, et véritable chef d’orchestre au sein de l’AMDH.
Selon plusieurs observateurs, le 9e congrès de l’AMDH a marqué une rupture entre les composantes de l’ONG issues de la gauche radicale et les modérés. La mainmise d’Annahj sur l’AMDH pourrait porter préjudice à l’ONG qui va se transformer en une organisation parallèle d’Annahj afin d’asseoir ses positions politiques.
Mohamed Madani |