L’ouverture de la session printanière de la troisième année législative a donné le ton. Les députés de l’opposition affûtent leurs armes et les parlementaires de la majorité s’attendent à une session particulièrement animée.
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L'élection de Abdelwahed Radi à la tête du Parlement a été tout sauf une partie de plaisir pour le numéro un de l’USFP. L’ex-ministre de la Justice, qui avait pourtant le soutien des députés de la majorité, s’en est sorti de justesse au second tour avec 119 voix contre 76 pour Saâd Eddine Othmani, le numéro deux du Parti de la justice et du développement (PJD) qui le talonnait de près. Et alors que 36 bulletins ont été considérés nuls sans compter les 94 parlementaires qui ont séché le vote. Déjà l’ambiance de ce vendredi matin ne prêtait pas à l’optimisme tant les incertitudes pesaient sur l’issue du vote, malgré le sourire de circonstance du favori.
Ce dernier tentait de minimiser la démobilisation de ses troupes et la détermination farouche des islamistes. Lesquels, une fois n’est pas coutume, ont été soutenus par des députés d’autres formations, puisque le score de Othmani dépasse de loin les votes des 46 députés du PJD. Selon un parlementaire de la gauche : « Il ne faut pas croire que Radi a fait le plein avec le vote des députés USFP, il y en a beaucoup qui ne cautionnent pas le retour de Radi au Parlement pour des motifs divers. L’absence de Derham qui n’a pas daigné faire le déplacement en est un exemple. »
C’est d’ailleurs sur ce point que se sont focalisés les débats de la réunion qui s’est tenue le vendredi précédent avec les députés USFP, au cours de laquelle Radi, irrité par les critiques, a quelque peu perdu son sang-froid. « J’ai largement le temps pour m’occuper de chaque chose, je ne suis pas quelqu’un qui salonne et je ne passe pas mes soirées à faire la fête ! », s’est emporté l’homme qui répondait aux critiques du député Oulad Hamou concernant la promesse ferme de quitter le ministère de la Justice pour se consacrer entièrement au parti.
Une autre forme d'opposition
Quant aux députés du PAM, ils ont reçu pour consigne de s’abstenir, se préparant à une opposition musclée au sein du Parlement comme l’a promis récemment Biadillah. à la veille de la rentrée parlementaire, la formation de Fouad Ali El Himma a menacé le gouvernement de passer à une autre forme d’opposition.
Dans un communiqué rendu public à l’issue d’une rencontre tenue la semaine dernière avec ses députés en préparation de la session parlementaire, le PAM a enterré « le soutien critique » au gouvernement El Fassi pour passer à « une pratique de l’opposition au sein du Parlement qui doit rester fidèle aux principes et constantes du parti en tant qu’opposition constructive et responsable ».
Le discours protocolaire consacrant la rentrée parlementaire n’a pas démenti les pronostics. Radi a réaffirmé le caractère crucial de cette session en appelant les députés à plus de responsabilité politique.
Dans son allocution, le nouveau maître des lieux a estimé que la promotion de l'action parlementaire « est tributaire de la lutte contre l'absentéisme lors des séances plénières ou des réunions de commissions, et du rapprochement des préoccupations des citoyens, en vue de restaurer la confiance en l'action partisane et politique en général ». « Un dur labeur nous attend, notamment en matière de législation et de contrôle de l'action gouvernementale, outre l'examen des questions qui intéressent l'opinion publique et l'intérêt national », a soupiré Radi.
L’homme ne croit pas si bien dire, la rentrée parlementaire de ce printemps est celle de tous les défis. Sur le plan du travail législatif, le Parlement a sensiblement relevé le niveau d’analyse des projets et propositions de lois, en commissions et en séances plénières, dans le but de produire des lois d’une meilleure qualité, tant du point de vue de la forme que du fond.
Les questions orales et écrites, adressées au gouvernement, sur tous les sujets qui préoccupent les citoyens ou qui sont d’un intérêt sensible pour la vie de la nation, ont été revues à la hausse. Le contact avec les communautés de base a également été au centre des actions. La session qui s’est ouverte vendredi est donc celle de tous les enjeux politiques. Abbas El Fassi, qui devra péniblement s’acquitter de la corvée de présentation du bilan de demi-mandat de l’exécutif, s’apprête à passer un bien mauvais quart d’heure à présent que le PAM s’est mis en tête de mener la vie dure au gouvernement.
Parmi les dossiers brûlants inscrits à l’ordre du jour de cette nouvelle session, on peut citer le blocage du dialogue social et le ras-le-bol des syndicats. à la veille d’un 1er mai qui s’annonce torride, l’équipe El Fassi devra rivaliser d’imagination pour calmer les ardeurs des centrales syndicales décidées à en découdre avec l’exécutif. Autre sujet de préoccupation, l’indemnisation des dégâts collatéraux des dernières inondations que les députés de l’opposition comptent placer en priorité de leurs revendications.
Passer le gouvernement Ă la question
Concernant la dilapidation des deniers publics, l’opposition planche déjà sur le contenu des rapports de la Cour des comptes pour passer le gouvernement à la question. Autre difficulté pour le nouveau président du Parlement, le flou qui prévaut entre les groupes parlementaires de la majorité et les partis de l’opposition. C'est flagrant avec un RNI, parti au gouvernement qui décide de s’allier avec l’UC, une formation de l’opposition.
Un communiqué commun des deux partis, rendu public le même vendredi, a souligné que la constitution du groupe parlementaire des deux partis a pour objectif de « promouvoir l'action parlementaire, d'assurer une présence politique remarquable au cours du reste de l'actuelle législature et de préparer un programme futur de coopération avec les autres partenaires adoptant les mêmes valeurs, idées et orientations ».
De la pure langue de bois mais l’initiative n’en reste pas moins extrêmement ennuyeuse pour la bonne marche de l'attelage gouvernement-Parlement. « Un président du Parlement est un démineur qui travaille dans la discrétion », explique un député alors que ses ennemis le présentent comme « un simple chef d'orchestre qui doit rappeler le cadre dans lequel s'insère la partition écrite par le Palais ».
Abdellatif El Azizi |