Le congrès régional s’est tenu sur une note optimiste. Les congressistes ont toutefois tiré la sonnette d’alarme sur les défis à venir. Comment rassembler le parti ? Comment faire face aux islamistes ? Comment reconquérir le pouvoir ? Zoom sur les nombreux chantiers qui attendent le PAM.
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A bas Israël ! Gaza, Gaza, tes enfants se font massacrer » ! Pour l’ouverture du congrès régional du PAM, les organisateurs ont préféré surfer sur le thème de prédilection des masses arabes. La présence de Kassem Barghouti, le fils de Marwane Barghouti, a surexcité une assistance déjà bien remontée contre les raids meurtriers de l’armée israélienne sur Gaza. Dans une longue allocution, le militant palestinien, qui a partagé avec son père plusieurs années de prison dans les geôles du colon hébreu, a fait l’éloge du soutien marocain à la cause palestinienne, (avec une mention « très bien » décernée à Mohammed VI, président du Comité Al Qods). Après les civilités d’usage, le ton a vite été donné par Mustapha Bakkoury, déterminé à s’en prendre au PJD. Sans égard pour les représentants du parti de Benkirane (qui ont d’ailleurs claqué la porte à la suite des interventions du patron du PAM), le secrétaire général du parti du tracteur a ouvert le bal avec une attaque en règle contre « un gouvernement hétéroclite qui est en train de conduire le pays droit dans le mur ». Il n’a pas manqué de tirer à boulets rouges sur les islamistes, empêtrés dans une vision à court terme alors que la crise exige des décisions courageuses. Inquiet de l’absence de logique économique et de vision claire pour le pays de la part de ce gouvernement, Bakkoury a épinglé la cacophonie gouvernementale devant les délégations des partis au pouvoir invitées pourtant à ce congrès.
L’ancien patron de la CDG a choisi de se démarquer sur le terrain de l’économie et des finances qu’il maîtrise sur le bout des doigts. Il n’a pas eu de mots assez durs pour condamner le projet de loi de Finances : « Cette loi va mettre à terre le peu d’entreprises qui restent encore compétitives tout comme elle condamne à une disparition programmée et certaine la classe moyenne, colonne vertébrale de la société de ce pays. »
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DĂ©mocratie participative
Malgré une atmosphère bon enfant, les sujets qui fâchent n’ont pas manqué. Le président sortant de la section locale du PAM, Fouad El Omari, a lui-même dû développer une bonne partie de son intervention dans le registre défensif. Face à ses camarades acharnés à dénoncer ce qui s’apparente à « une crise de défiance », il a plaidé, pour l’instauration « d’une espèce d’humilité » pour que les militants retrouvent le goût de l’engagement politique et la confiance envers les élus. Dans ses documents distribués aux congressistes, le PAM confesse volontiers des erreurs de communication, voire l’absence de communication tout court. Et les rédacteurs des documents préalables ont déploré le déficit d’une « vraie participation aux prises de décision du PAM par les bases ».
C’est peu dire que ce couplet sur la démocratie participative, repris dans les conclusions de la commission qui a planché sur les stratégies, a trouvé des oreilles attentives auprès des militants qui voudraient que les chances soient désormais les mêmes pour tous. A l’issue de débats houleux où les quelques milliers de militants locaux ont souvent failli en venir aux mains, Abdelmounaïm Barri, membre du bureau politique, a été élu à la tête du secrétariat général régional en remplacement de Fouad El Omari.
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Travail de proximité
Au-delà de ce rendez-vous de Tanger, le PAM compte se lancer à la reconquête des territoires, commune par commune, électeur par électeur. « Nous sommes conscients que la conquête de nouveaux territoires ne sera pas facile, la compétition qui s’annonce rude nous commande de nous remettre à l’œuvre. Le travail de proximité fait partie des chantiers inscrits à l’ordre du jour de ce congrès régional », martelle Fouad El Omari. Comment le PAM peut-il renouer des liens de confiance avec les Marocains ? Comment séduire aussi bien les classes moyennes que les couches populaires et travailler au corps à corps d’autres électeurs ? Pour les dirigeants pamistes, cette offensive passera d’abord par le rassemblement autour des valeurs fondatrices du PAM. Le parti a toujours revendiqué un positionnement autour de quatres axes principaux que sont « la monarchie constitutionnelle, une vision moderne de la religion, l’unité nationale multiculturelle et le choix démocratique ».
Les leaders de cette formation sont conscients que cela doit absolument passer par la conquête de nouveaux militants, en s’ouvrant notamment à toutes les générations et toutes les couches de la société. La présence remarquée « des anciens » à Tanger a été interprétée par les observateurs comme une tentative de réconcilier l’aile conservatrice avec les anciens gauchistes. Le déplacement de Tahar Chakir, qui représente le courant des notables conservateurs, et l’hommage retentissant offert à Cheikh Biadillah, via la présidence du congrès régional, en dit long sur la volonté de ressouder les rangs en ces temps incertains. C’est pour relever ce défi que les organisateurs ont formulé pas moins d’une cinquantaine de propositions très concrètes pour refaire du parti une formation politique de masse, qui maille réellement le territoire.
Depuis sa création, le PAM n’a pas eu pour vocation d’être un parti d’opposition. Son mandat était plutôt d’une autre facture : définir une ligne politique claire, contenir le PJD, et clouer au pilori une classe politique fatiguée par de longues compromissions et une gauche toujours traumatisée par une participation au gouvernement sans succès notable... Autant de défis à relever qui n’ont jusqu’à ce jour pas abouti.
Abdellatif El Azizi |