L’USFP met les bouchées doubles pour réussir un 9e congrès crucial. Car, cette fois, les exigences de transparence et de démocratie interne sont tout aussi importantes que l’identité du futur chef de file des socialistes. Tour d’horizon.
A peine plus d’un mois sépare l’USFP de son 9e congrès, prévu du 14 au 16 décembre prochain. Les préparatifs s’accélèrent pour réussir ce conclave, volontairement programmé la veille de l’anniversaire de l’assassinat de Omar Benjelloun, le 18 décembre 1975. Le 4 novembre, le conseil national du parti s’est réuni après plusieurs semaines de travaux intensifs. Objectif, trancher l’ensemble des points litigieux avant la date du congrès. Il a été notamment question des rapports de différentes commissions préparatoires, en plus des modalités d’élection du secrétaire général du parti, qui avaient poussé à un report de la date du congrès initialement prévu en septembre dernier.
Au terme de longs pourparlers, le conseil national a pu se mettre d’accord sur le point d’orgue du prochain congrès, à savoir le mode d’élection du premier secrétaire et des autres instances dirigeantes. Soucieux du respect des exigences de démocratie interne et de transparence, les socialistes ont décidé de laisser le dernier mot aux congressistes (environ 1 200, ndlr) qui éliront leur nouveau premier secrétaire au suffrage direct. « Ce sera une élection à deux tours. L’objectif étant de permettre au nouveau secrétaire général du parti d’avoir derrière lui une majorité solide et un maximum de consensus », nous explique un jeune ittihadi de la coordination de Rabat, qui a pris part à cette dernière session du conseil. Une décision qui a été appréciée par la quasi-totalité des membres du « parlement » de l’USFP. Exception faite de Driss Lachgar et de ses supporters qui privilégiaient une élection à un tour. Une première défaite pour Lachgar dans sa course à la direction de l’USFP ? Officiellement, ceux qui ont prôné une élection à un tour affirment vouloir protéger le congrès, au cas où aucun candidat n’arriverait à franchir le seuil fixé pour passer au deuxième tour. Alors que les détracteurs du scrutin à un tour estiment que cette modalité risque de donner un premier secrétaire avec un faible pourcentage de voix, ce qui impacterait négativement ses prérogatives et l’obligerait à satisfaire à tous les courants internes.
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Campagnes sous haute surveillance
Ce choix du mode d’élection du premier secrétaire s’est également accompagné d’une nouvelle procédure, celle de l’élection du futur bureau politique. Celui-ci devra être choisi parmi une équipe qui sera proposée par la commission administrative du parti, avec la possibilité de recevoir des candidatures externes à cette commission. Le futur appareil exécutif du parti de la rose comprendra entre 19 et 33 membres. Leur sélection finale sera du ressort de la commission administrative, dont les 300 membres sont élus au niveau régional et national. Par ailleurs, une partie du bureau sera proposée par le premier secrétaire élu. Ce mode d’élection n’est pas nouveau, mais il a été abandonné par le parti depuis son cinquième congrès, sous la conduite de feu Abderrahim Bouabid. Dans un autre registre, l’USFP a décidé d’organiser des campagnes électorales transparentes, sur la base du débat d’idées. Le but étant d’éviter un duel semblable à celui de Chabat vs El Fassi. Ou encore une campagne électorale marquée par des « festins » à profusion. Pour ce faire, la direction du parti va chapeauter directement le déroulement de la campagne. C’est elle qui fixera les dates et les lieux des tournées de chaque candidat et organisera le temps de parole. Ainsi, les prétendants iront tous faire campagne le même jour et au même endroit. « C’est un tirage au sort qui déterminera lequel parlera en premier », précise-t-on. Toutes ces mesures, doublées d’une procédure de vote par cartes électroniques, ont un seul objectif : éviter toute contestation au lendemain de ces élections décisives.
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Plateforme politique sans nouveauté
A l’USFP, chacun des candidats potentiels a derrière lui son propre camp, et il vaudrait mieux que tout le monde soit satisfait in fine.
Cette dernière session du conseil national a également été l’occasion de présenter un document d’importance : la plateforme de la commission politique, dont la rédaction a divisé le conseil national pendant plusieurs semaines. Pour Abdeljalil Tolaymat, membre du conseil national, qui en a donné lecture « le but est d’élaborer la vision d’un projet sociétal et politique pour répondre aux questions des ittihadis après des années de participation au gouvernement ». Des questions qui concernent « l’identité et le référentiel, l’évaluation du bilan du gouvernement d’alternance et la vision générale pour gérer la situation politique actuelle », ajoute t-il, cité par notre confrère Libération. Fidèle au discours gauchiste, la plateforme souligne également que « le plus grave danger qui guette le projet sociétal progressiste est le conservatisme », ajoutant qu’il est « nécessaire de libérer le discours religieux de l’instrumentalisation politique et des interprétations aux antipodes des valeurs universelles ».
Quelques paragraphes après ce passage, on justifie allègrement les alliances de l’USFP avec d'autres partis – l’allusion est clairement faite au PJD –, arguant du fait qu'elles sont « inévitables sur le plan local… en raison de la balkanisation du champ politique ».
En somme, il ne faudra pas s’attendre à ce que l’USFP revoie ses relations avec le Makhzen ou que le parti fasse un mea-culpa de ses treize ans au gouvernement. Il s’agira, au mieux et plus simplement, d’élire un nouveau secrétaire démocratiquement et de dresser le bilan chiffré du gouvernement d’alternance.
Ali Hassan Eddehbi |
Forces et faiblesses des trois favoris pour la succession de Abdelouahed Radi
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Habib El Malki
Points forts : Il a été le premier à officialiser sa candidature, trois mois avant d’être suivi par Ahmed Zaïdi. Habib El Malki est réputé être l’un des économistes les plus brillants du Royaume.
Ancien ministre de l’Education nationale et actuel président du Centre marocain de conjoncture, El Malki espère que cette fois sera la bonne, après avoir déjà tenté de prendre les rênes de l'Union socialiste des forces populaires lors du précédent congrès face à Abdelouahed Radi et Fathallah Oualalou.
Points faibles : Consensuel, El Malki a un seul problème : c’est un vieux cacique de la maison USFP.
Un visage trop familier, peu compatible avec l’image du changement escompté.
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Ahmed ZaĂŻdi
Points forts : Il a été militant au sein de l’UNEM (Union nationale des étudiants du Maroc) avant de rejoindre l’Union socialiste des forces populaires, dont il est actuellement président du groupe parlementaire à la première Chambre. Après une carrière au sein de la TVM qu’il a rejointe en 1974, et durant laquelle il présentait le journal télévisé, Ahmed Zaïdi a décidé de se consacrer entièrement à la politique dès la fin des années 1980. Modération et pondération sont ses principaux atouts.
Points faibles : Il a, depuis longtemps, choisi de prendre ses distances avec les querelles et autres problèmes internes du parti. Un retrait qui pourrait négativement impacter le capital de confiance auprès des congressistes.
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Driss Lachgar
Points forts : Populiste, surmédiatisé, fin causeur… il vient aussi de se doter d’une moustache à la Chabat, le patron de l’Istiqlal. Mais l’avocat ittihadi veut pousser la ressemblance plus loin et devenir lui aussi chef d’un parti historique marocain. Pour des raisons tactiques, Lachgar ne veut pas encore officialiser sa candidature, mais tout laisse à croire qu’il le fera.
Points faibles : Peu fiable et versatile, les socialistes n’oublient pas que, sous le gouvernement Abbas El Fassi, Lachgar a fait du chantage en menaçant de s’allier au PJD au cas où il n’aurait pas un poste de ministre… poste qu’il a fini par obtenir en 2009 à la déception générale ! Ses détracteurs l’accusent aujourd’hui d’utiliser sa casquette d’avocat de Khalid Alioua pour servir ses propres intérêts...
A.H.E. |
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