EditoNouvelle GénérationDossierEconomiePolitiqueSociétéTendances & CulturePortraitBdVDiaporamaArchives
 
Follow actuel_maroc on Twitter
Follow actuel_maroc on Twitter
La com’ de Benkirane en 5 questions 
actuel n°154, jeudi 9 août 2012
| More

Benkirane court les plateaux télévisés, mais réussit-il à convaincre ? Selon des experts, sa popularité serait entamée, mais son capital sympathie reste important. Analyse des forces et des failles de la machine de com’ du chef du gouvernement.


On ne peut pas reprocher à Abdelilah Benkirane de ne pas communiquer. Depuis sa nomination au poste de chef de gouvernement, il n’arrête pas de s’exprimer : interviews, confidences livrées aux médias, passages sur les plateaux télé.... Jamais un responsable gouvernemental marocain ne s’était autant adressé aux médias, surtout télévisuels. A tel point que dans un dossier qui lui a été consacré par Akhbar Al Youm, samedi 4 août, le journal lui reproche d'« aimer un peu trop se regarder à la télévision ». Benkirane fait tout pour paraître différent des autres hommes politiques marocains. Il semble avoir fait sien l’adage « parlez, parlez, il en restera toujours quelque chose ». Mais que reste-t-il de ses multiples sorties médiatiques ? Sont-elles toujours judicieuses et pourquoi les enchaîne-t-il ? Quel risque court Benkirane, et que gagne-t-il dans cet exercice qu’il affectionne particulièrement?

 

1. Pourquoi parle-t-il autant?

La première raison qui explique le besoin incessant du chef du gouvernement de s’expliquer est liée au fait qu’il n’était pas très écouté par les décideurs avant son arrivée au « pouvoir ». Il l’a lui-même reconnu publiquement, devant la Chambre des conseillers, en faisant état du « mépris » et de la « répression » qui frappaient sa formation avant le Printemps arabe.

Pour le politologue et professeur de droit Mustapha Sehimi, Abdelilah Benkirane profite de la « libération de la parole ». « Son parti, le PJD, était réprimé, corseté, bâillonné même, et a frôlé la dissolution au lendemain des attentats du 16 mai 2003 à Casablanca », nous explique Sehimi qui sent un « esprit revanchard, une quête de considération » que poursuit le premier des islamistes au gouvernement.

 

2. A-t-il une stratégie ?

Dans le flot des dĂ©clarations qui se suivent et ne se ressemblent pas, Benkirane a-t-il une stratĂ©gie de communication ? Avance-t-il en connaissance de cause, avec un plan de com’ Ă©laborĂ© par ses Ă©quipes, ou bien se contente-t-il de rester Ă©gal Ă  lui-mĂŞme au risque de se contredire ? En rĂ©alitĂ©, il n’est pas Ă©vident de rĂ©pondre Ă  ces questions tant le chef du gouvernement est capable du meilleur comme du pire, en termes d’impact mĂ©diatique. « Je pense que le chef du gouvernement n’est pas un homme très fĂ©ru des modèles de communication et qu’il prĂ©fère plutĂ´t jouer la carte de la spontanĂ©itĂ© et de l’honnĂŞtetĂ© affichĂ©e », dĂ©crypte Abdelouahab Errami, expert en communication et professeur Ă  l’Institut supĂ©rieur de l’information et de la communication (ISIC). A dĂ©faut de « strat de com’ », Benkirane mise sur son naturel et sur sa capacitĂ© Ă  parler « le langage du peuple » : chez lui, le marketing politique n’est pas une technique apprise, elle coule dans ses veines. « Sa communication est efficace et elle fait de l’audience sans qu’il joue un rĂ´le de composition : il n’en rajoute pas. Son bagout populaire, sa gouaille, son vocabulaire accessible et imagĂ© et son authenticitĂ©  font partie de l’équation personnelle de Benkirane », explique Mustapha Sehimi.

Le fait qu’il n’ait pas de stratégie réglée au millimètre, à la manière des politiciens occidentaux, ne signifie pas pour autant que Benkirane n’a pas d’objectif et de message à faire passer. Pour le professeur Errami, le principal but du chef du gouvernement est de se positionner comme « la force tranquille ». Il veut être l’homme indispensable à la paix sociale, « capable de changer les choses tout en gouvernant aux côtés des corrompus, à condition qu’ils fassent amende honorable », poursuit Errami.

 

3. Qui cherche-t-il Ă  convaincre?

« Allah pardonne les errements du passé, et si récidive il y a, il se vengera. » Cette phrase extraite du Coran, et prononcée par Benkirane au cours d'une interview accordée à Al Jazeera, a soulevé un tollé. Le chef du gouvernement faisait allusion aux « crocodiles » et aux « démons », c’est-à-dire aux corrompus.

Il explique qu’il ne souhaite pas faire peur aux investisseurs en organisant une « chasse aux sorcières ». Soit, mais décréter l’amnistie totale va à l’encontre de sa promesse électorale de « combattre le despotisme et la prévarication », sans oublier qu’il vide de son sens le principe de la reddition des comptes quand il s’en remet à Dieu.

« Cet homme se rend-t-il seulement compte de ce qu’il dit ? Réalise-t-il que sa spontanéité gouailleuse, à l’origine de son succès quand il était dans l’opposition, est aujourd’hui totalement inappropriée, vu l’importance de sa fonction ? », s’insurge sur son blog le journaliste Ahmed Benchemsi.

 

Cette sortie mĂ©diatique est intĂ©ressante Ă  plus d’un titre car elle prĂ©cise la cible conjoncturelle de la communication de Benkirane. Ce n’est plus la rue qu’il cherche Ă  convaincre, mais l’establishment. « Ces dĂ©clarations montrent les difficultĂ©s que connaĂ®t dĂ©sormais le chef du gouvernement, et dĂ©voilent son double discours. Il s'adresse au sommet de l’Etat mais croit toujours que la rue le comprend, et pourra attendre que ses politiques donnent des rĂ©sultats. Or, l’on sait qu’un discours ne peut pas concerner toutes les franges de la population », estime le politologue Manar Slimi, qui sent que Benkirane « s’éloigne petit Ă  petit de ses bases Ă©lectorales ». Ce n’est pas encore perceptible et Benkirane tente de juguler cela en caressant les plus dĂ©munis dans le sens du poil. « Il y a une frange de la population qui ne sait ni manifester ni dĂ©fendre ses droits. Ces gens sentent aujourd’hui qu’il y a un gouvernement qui pense Ă  eux », a-t-il confiĂ© Ă  notre confrère  La Vie Ă©co, dĂ©but aoĂ»t. Dans cette mĂŞme sortie, il lance un appel Ă  l’entourage royal et reconnaĂ®t qu’il a des difficultĂ©s de communication aves les plus proches conseillers du monarque. Cela rĂ©vèle un dernier volet de la communication  de Abdelilah Benkirane : s’assurer le soutien de la monarchie pour maximiser les chances de rĂ©ussite de ses rĂ©formes.

 

4. Que risque-t-il ?

Le politologue Manar Slimi n’y va pas par quatre chemins : Abdelilah Benkirane risque de faire perdre les élections communales à son parti, s’il s’éloigne encore plus de ses bases et des thématiques sur lesquelles il s’est fait élire, à savoir la lutte contre la corruption. « Dans les sciences de la psychologie politique, l’on sait que le citoyen devient une autre personne quand il se transforme en électeur. Benkirane a remporté la mise dans un contexte où le PJD avait réussi à surfer sur les revendications du M20. Demain, ce ne sera plus possible. » Benkirane a suscité d’énormes attentes qu’il n’arrive pas à concilier avec sa nouvelle posture de chef de gouvernement. Le PJD et son chef n’ont pas su déclencher un débat national sur les réformes, préférant se réfugier dans des postures morales (cahier des charges, festivals, tourisme, art propre, etc.) ou des effets d’annonce (liste des agréments). « Ce type de communication n’a pas favorisé de débat sur le financement des réformes, le modèle de croissance, la solidarité nationale, la refonte du système fiscal, etc. », détaille Sehimi.

 

5. Que doit-il faire ?

Le patron du PJD a deux options : soit agir comme ses prédécesseurs en réduisant drastiquement sa communication – ce qui pourrait poser problème auprès d’une opinion publique qui attend des réformes depuis sept mois –, soit continuer sur sa lancée au risque de s’enfoncer davantage et perdre in fine sa popularité.

Manar Slimi propose une troisième voie, médiane, que pourrait adopter le chef du gouvernement : « Benkirane devrait associer à chacun de ses actes un discours. Au lieu par exemple de diffuser la liste des agréments, il pourrait élaborer une loi et ne diffuser les noms qu’après son adoption. » Une méthode éprouvée, plus mature politiquement, et qui signerait une rupture avec la posture d’opposant parlementaire dont le locataire de la Primature n’arrive pas à se départir.

Zakaria Choukrallah

| More
Archives Politique
N°173 : Cheikh Yassine : Disparition du prophète de l’apocalypse  
N°172 : USFP : Quatre candidats pour un seul projet 
N°171 : Istiqlal Chabat : s'en va-t-en guerre  
N°170 : Al Jazeera / Rabat : Fin du divorce cathodique  
actuel N°169 : Tanger : Le PAM en mode reconquĂŞte  
N°168 : Interview : Tarek SbaĂŻ  
N°167 : Congrès de l’USFP : Un parfum de transparence  
N°166 : Seconde Chambre : DĂ©gage  
N°164/165 : Mouvement populaire : Petites victoires, grandes attentes  
N°163 : RentrĂ©e parlementaire : Il est urgent de lĂ©gifĂ©rer  
N°162 : LĂ©gislatives partielles : Retour du classico PAM-PJD  
N°161 : Istiqlal La chute du Fassisme   
N°160 : Cacophonie gouvernementale : Y a-t-il un pilote dans l’avion 
N°159 : Maroc / Syrie : La guerre est dĂ©clarĂ©e  
N°158 : Interview Abdelouahed El Fassi 
N°157 : Mohamed Maradji : le photographe des trois rois 
N°155 : L’inquiĂ©tant populisme du PJD 
N°154 : La com’ de Benkirane en 5 questions 
N°153 : La mĂ©thode Chabat  
N°152 : Politique fiction : Les jours d’après  
N°151 : Deux Benkirane pour le prix d’un 
N°150 : Istiqlal : Guerre totale au sommet, acte II  
N°149 : Parti de l’Istiqlal : Pour qui penchera la balance  
N°147 : Hauts fonctionnaires : Le couperet des nominations  
N°146 : Qui veut la peau de Chabat 
N°145 : CommĂ©morations : Abdelkrim n’est pas mort  
N°144 : Marche de Casa : L’USFP tacle Benkirane  
N°143 : Patrons et politique :  l'improbable duo
N°142 : IntĂ©rieur : Les dessous d'un choix
N°141 : Communales :  Le casse-tĂŞte du calendrier
N°140 : RNI : un congrès plus aroubi qu’amĂ©ricain !
N°139 : Conseil de la ville de Casablanca : Les « pieds nickelĂ©s» Ă  la mairie
N°138 : PPS Dans l'ombre de Benkirane ? 
N°137 : Le SGG:  envers et contre tous
N°136 : Saison des congrès : Un dinosaure en chasse un autre
N°135 : Maroc-UE :  DĂ©claration d’amour
N°134 : Senoussi    L’homme qui en sait trop
N°133 : Martine au Maroc 
N°132 : USFP  Le congrès de toutes les rivalitĂ©s
N°131 : Al Adl,  bĂŞte noire de Benkirane
N°130 : Congrès du PAM  Le tracteur passe Ă  l'offensive
N°129 : SĂ©curitĂ© nationale  Les services ont le spleen
N°128 : Fouad El Omari  "Le PAM dĂ©range"
N°127 : Gouvernement  Les dossiers sensibles de l'Istiqlal
N°126 : Investiture :  Vote sous haute tension
N°125 : Programme,   plus de lettres que de chiffres
N°124 : Rabat/Ankara,   Il y a PJD et PJD
N°123 : Gouvernement.   On a le casting, on attend le film !
N° 122 : Le PSU   se positionne
N°121 : Formation du gouvernement :   Dernière ligne droite
N° 120 : Gouvernement :  Les signaux qu'on attend
N°119 : Entretien : Salaheddine Mezouar   Projet contre projet, idĂ©e contre idĂ©e
N°118 : Selwa,   de la rose Ă  la lampe
N°117 : Campagne Ă©lectorale :  A vos marques, prĂŞts...
N°116 : Programmes Ă©conomiques :  les enchères sont ouvertes
N°115 : Koutla/G8 :  les hostilitĂ©s peuvent commencer
N°114 : Alliances  La gauche se rĂ©veille
N°114 : Interview  express
N°114 : Les pirates Ă  l’assaut   de la politique
N°114 : El Jadida  Attention candidat sulfureux
N°113 : Parlement : Session   La grande  évasion des dĂ©putĂ©s
N°113 : Alliance   Au G8, la nuit ne porte pas conseil
N°113 : Interview  express
N°112 : Faut-il abolir   la peine de mort
N°112 : Walou pour Oualalou  
N°112 : DĂ©coupage Les ciseaux de la discorde
N°112 : Circonscriptions clĂ©s Fatiha Layadi, victime d’un putsch au PAM
N°112 : Interview express  Mohand Laenser
N°112 : Brèves Le PJD fait la danse du ventre Ă  Nador
N°111 : Alliances Le grand bazar 
N°110 : Justice  Peut mieux faire
N° 109 : Printemps arabe  Demain la charia
N° 109 : Abdelkrim MoutiĂ®  Un exilĂ© bien encombrant
N°108 : Mouvement du 20 fĂ©vrier Qui veut la peau de L7a9ed  
N°107 : Quotas Les femmes se rebiffent  
N°107 : Elections Faites vos jeux, rien ne va plus  
N°107 : Parlement Y a-t-il un avenir pour les jeunes  
N° 106 : Elections anticipĂ©es Le compte Ă  rebours a commencĂ©  
N° 104/105 : Champ religieux Les chiites avancent leurs pions  
N°103 : Istiqlal Cherche leader dĂ©sespĂ©rĂ©ment  
actuel 102 : Sahara Les tribus Ă  couteaux tirĂ©s  
actuel 101 : RĂ©fĂ©rendum Une campagne Ă  double dĂ©tente  
N°100 : Constitution Le dĂ©bat en cinq questions  
N°99 : Chabiba  Mini 20-FĂ©vrier Ă  l’USFP
N° 98 : Constitution Le nouveau règne  
N° 97 : Le printemps marocain sous surveillance 
N° 96 : RNI : Les Ă©lections d'abord  
N° 95 : CCG : Le oui, mais... du Maroc  
N° 95 : Partis : Le PAM dans la tourmente  
Actuel n°94 : RĂ©formes politiques : L'IMRI pose sa pierre  
Actuel n°94 : 2012, c'est dĂ©jĂ  demain  
N°93 : La monarchie, un système moderne 
Actuel n°92 : 20 FĂ©vrier : Ou en est-on ? 
Actuel n°91 : Barbouzeries Les islamistes veillent au grain  
Actuel n°90 : Le maire enfonce Abdelmoula 
Actuel n°89 : Manifester global et revendiquer local 
Actuel n°88 : Des partis plus royalistes que le roi 
Actuel n°87 : Benkirane dans la tourmente 
Actuel n°86 : Salaheddine Mezouar: « J’assumerai mes responsabilitĂ©s ! » 
Actuel n°84 : Du 20 fĂ©vrier au 20 mars... 
Actuel n°83 : Conflits d’intĂ©rĂŞts El Ferrae dĂ©croche la palme d’or
Actuel n°82 : Axe Rabat-Riyad  Destins croisĂ©s
Actuel n°81 : AĂŻcha Mokhtari  
Actuel N°72 : Le message de la Marche blanche 
Actuel n°69-70 : Comment Laâyoune a basculĂ© dans le chaos 
Actuel n°68 : Mieux partager pour vivre mieux 
Actuel n°67 : TĂ©lĂ©, Al Jazeera montre les crocs
Actuel n°66 : La guerre des zaouĂŻas 
Actuel n°65 : RentrĂ©e parlementaire : le roi recadre les dĂ©putĂ©s
Actuel n°64 : Sahara, des militants bien tendancieux
Actuel n°63 : Mustapha Salma Ould Sidi Mouloud, tĂ©mĂ©raire ou courageux ?
Actuel n°62 : La gauche est morte, vive les altermondialistes ! 
Actuel n°61 : Presse-Magistrature : liaisons dangereuses ? 
Actuel n°60 : Les Marocains d’Al-Qaida 
N°59 : La guerre secrète des lobbys 
N°58 : Scandales : cols blancs Ă  la barre 
N°57 : Congrès des islamistes : le MUR bĂ©tonne sa stratĂ©gie 
N°56 : Madrid-Rabat : bisbilles entre voisins 
N°55 : MĂ©dias et sociĂ©tĂ©, un dialogue national en cul-de-sac
N°54 : Les blogs s'activent politiquement 
N°53 : La prière du vendredi gagne du terrain 
N°52 : USFP Alerte rouge pour le parti de la rose
N°51 : MP : Jurassic Park Power 
N°50 : Partis Pour quelques jeunes de plus
N°49 : AMDH  Le 9e congrès officialise la mainmise d’Annahj
N°48 : El Fassi devant les dĂ©putĂ©s,  un bilan mitigĂ©
N°47 : Radi : « Les institutions Ă©lues doivent ĂŞtre irrĂ©prochables  
N°46 : La face cachĂ©e du Cheikh Yassine 
N°45 : Chabat :  retenez-moi ou je fais un malheur !
N°44 : El Himma Cible Abbas El Fassi 
N°43 : Election au perchoir:  Radi sous tension
N°42 : Affaire Belliraj  RĂ©vĂ©lations sur les chiites marocains en Belgique
N°41 : Lobbying : les think tanks au secours des partis politiques ?
N°40 : TĂ©lĂ©vision et politique:  Je t’aime, moi non plus
N°39 : Expulsions d’évangĂ©listes, L’oncle Sam indignĂ© !
N°38 : Cheikh Yassine qui va lui succĂ©der ?
N°37 : Le Makhzen reprend les choses en main
N°36 : Le PAM bouscule le champ politique
N°35 : A quoi sert le Parlement ? 
N°34 : Services secrets Le dur chemin de la bonne gouvernance
N°33 : Sahara La guerre des chefs
N°32 : RNI  Le triomphe de Mezouar
N°31 : Insultes, racisme, violence verbale Quand les politiques dĂ©rapent
 
 
actuel 2010 Réalisation - xclic
A propos Nous contacter