Hamid Chabat, l’homme fort de l’Istiqlal et qui en sera peut-être bientôt le patron, est rompu aux coups d’éclat. Il a patiemment construit sa carrière autour de cette ambition.
Ambitieux, populiste, sulfureux, tenace, rusé, tonitruant… Hamid Chabat met à contribution toutes ces « qualités » pour poursuivre son ascension à la tête du parti de l’Istiqlal. L’homme a toujours en face de lui Abdelouahed El Fassi, le candidat de la continuité et du consensus, deux traits spécifiques d’une formation qui n’avait jusque-là jamais organisé d’élection pour choisir son secrétaire général. Mais plus le temps passe, plus Chabat marque des points sur son adversaire qui a pourtant le soutien de l’establishment du parti, mais qui n’a pas réussi à inverser la vapeur malgré sa récente sortie médiatique sur les colonnes du quotidien Akhbar Al Youm. Une interview fleuve où le fils de Allal El Fassi, qui n’accordait jamais d’entretiens, montre les dents et se positionne comme le sauveur de la formation contre la scission. Ainsi, les méthodes classiques de communication d’El Fassi sont régulièrement mises à l’épreuve par son adversaire rompu aux manœuvres politiques.
Le pouvoir de surprendre
Exemple : quand El Fassi multiplie les réunions avec les cadres du parti, Chabat prend tout le monde de court et annonce qu’il ne se présentera pas à la tête de l’UGTM, le syndicat du parti. Il montre ainsi sa détermination en mettant à mal le principal argument de ses détracteurs istiqlaliens qui l’accusent de cumul de mandats.
« Je suis candidat jusqu’à la mort », se plaît-il à répéter. Dans les coulisses, les militants, tout en craignant une éventuelle victoire de Chabat réputé incontrôlable et mû par une ambition personnelle, voient aussi en lui une « grande gueule » capable de tenir tête à Abdelilah Benkirane lors des prochaines échéances électorales.
Beaucoup d’observateurs – y compris certains dirigeants de l’Istiqlal – ont cru un temps à un coup de bluff de Chabat quand il a annoncé sa candidature. On le soupçonnait de négocier une meilleure représentativité de ses proches dans le parti. Mais c’est mal connaître cet ancien technicien tourneur syndicalisé, qui a patiemment gravi les échelons jusqu’à se retrouver en pole position.
En réalité, il a toujours lorgné la tête de l’Istiqlal. En 1989, à l’âge de 36 ans, il dépose sa candidature au poste de secrétaire général face à … M’Hamed Boucetta ! Le jeune loup sera vite évincé au profit de Boucetta, un des pères fondateurs du parti.
Qu’importe, la méthode Chabat commence à prendre forme : marquer les esprits et les préparer patiemment à son arrivée. En 2006, rebelote. Chabat parvient avec l’aide de son ami Mohamed Benjelloun Andaloussi à déboulonner le leader éternel de l’UGTM, Abderrazak Afilal. Deux ans plus tard, il évince Andaloussi pour prendre lui-même les commandes. Ce qui, au passage, lui permet de décrocher un ticket de membre au comité exécutif : une étape obligatoire pour pouvoir sérieusement briguer le secrétariat général ! Tout s’emboîte.
Rendez-vous en septembre
Le jeune Chabat montre une grande maîtrise des coups d’éclat dès ses débuts en politique. Il gagne sa crédibilité syndicale en 1990 quand il prend la fuite après les émeutes de Fès. Accusé d’en être l’instigateur par la police, il ne s’en défendra jamais et partira se réfugier à Ksar Sghir. Il attendra patiemment que l’affaire se tasse avant de refaire surface en 1992.
Hamid Chabat ne recule devant rien pour suciter le buzz. En avril 2009, il avait accusé l’icône des socialistes, Mehdi Ben Barka, d’avoir trempé dans des assassinats politique du temps de l’Istiqlal. La jeunesse de l’USFP, pour laquelle cette accusation constitue un lèse-majesté, lui intente alors un procès. Chabat arrivera à l’audience… hissé sur les épaules de ses supporters! Et ce ne sont là que des exemples d’une carrière politique riche en rebondissements savamment orchestrés.
Chabat réussira-t-il son ultime coup d’éclat en septembre, date butoir pour désigner le secrétaire général de l’Istiqlal ? Le verra-t-on hissé sur les épaules des militants ?
Zakaria Choukrallah |