Le facteur surprise a dominé les travaux du 16e congrès du parti de la balance. Au point que la direction a décidé de reporter l’élection du nouveau secrétaire général. Récit et enjeux.
Depuis son premier congrès en 1934, l’Istiqlal a toujours choisi ses leaders sur la base du consensus, loin des urnes. Son dernier conclave, tenu à Rabat les 29 et 30 juin, a connu, lui, des rebondissements. Quelques semaines déjà avant l’ouverture des travaux, Abdelouahed El Fassi, fils de l’emblématique Allal El Fassi, était donné favori face au jeune Adil Douiri qui, finalement, ne se présentera pas. Hamid Chabat viendra ensuite s’inscrire sur la liste des challengers pour, dit-il, « mettre un terme à l’hégémonie des familles fassies sur le parti ». Bien qu’exclue au départ, la candidature de Chabat n’a pourtant pas préoccupé outre-mesure les observateurs qui ont cru que le puissant maire de Fès n’était qu’un lièvre dans la course. Erreur !
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Contre un pouvoir héréditaire
Au deuxième jour des travaux, Chabat descend de l’estrade officielle et réunit autour de lui une nuée de journalistes pour « démentir les rumeurs faisant état du retrait de sa candidature ». Quelques minutes plus tard, le trublion va interrompre les travaux en faisant une apparition « triomphale » porté sur les épaules de ses troupes nombreuses. Le show a duré une quinzaine de minutes, mobilisant quelques centaines de congressistes. Après cette parade, tout le monde réalise qu’on ne badine pas avec Chabat, et que ce dernier a de sérieuses chances de devenir le premier non-Fassi à conduire l’Istiqlal. Cette démonstration complique davantage la situation de son rival Abdelouahed El Fassi. Mais l'actuel maire de Fès a-t-il une chance de succéder à Abbas El Fassi ? « A l’Istiqlal, ce ne sont pas les militants qui votent, mais les membres du conseil national », rappelle, d'un air malicieux, un membre de cette structure.
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La clause de la discorde
Entre la direction du parti, très encline à voter Abdelouahed, et la base, acquise à Chabat, le suspense demeure entier.
Aussi, les choses ont pris une telle tournure que Mohamed El Ouafa, membre du bureau exécutif et également ministre de l’Education nationale, a-t-il claqué la porte du congrès, dépassé par les événements. Voyant la course se jouer entre les seuls Chabat et El Fassi, El Ouafa sent ses chances s’amenuiser, voire s’anéantir. « Il s’attendait à un report des élections, mais quand il a senti que le scrutin allait probablement avoir lieu, il s’est retiré en guise de protestation », nous confie un connaisseur de la maison. « Il misait sur le scénario de départ, c’est-à -dire sur Chabat comme lièvre et sur le retrait d’El Fassi à la dernière minute pour lui ouvrir la voie », ajoute la même source. Car, avant les travaux de la commission des lois et des statuts qui se sont déroulés la nuit du premier jour du congrès, l’on prévoyait ce scénario. Les istiqlaliens se sont chamaillés une nuit durant autour d’une clause très sensible définissant les conditions d’élection au poste de secrétaire général. Les partisans de Abdelouahed El Fassi ont voulu verrouiller l’accès aux candidatures en maintenant l’article 97 du statut qui stipule que « le candidat doit avoir siégé, au moins, à deux reprises successives au sein du comité exécutif ». Ce qui revient à exclure Chabat qui n’a à son actif qu’un seul passage au bureau politique. Mais le patron de l’UGTM pèsera de tout son poids pour faire pencher le résultat du vote en sa faveur.
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Repli stratégique
Finalement, peu habituée à l’exercice des urnes, la formation de la balance s’est rétractée à la dernière minute en reportant l’élection du secrétaire général. Abdelouahed Al Ansari, président du congrès, a justifié cette décision par « une fatigue générale ». Rafiq Hejira, porte-parole du congrès, a invoqué les mêmes raisons, en confiant que « le parti craint également une division intérieure si les résultats du vote ne plaisent pas à l’un des deux camps ». « Ne voyez en ce report aucun aspect négatif. Au contraire, c’est un signe de maturité politique », explique Youssef Amrani, membre du parti et également ministre délégué aux Affaires étrangères. Contre toute attente, cette décision n’a pas fait de mécontents. « Ce report est dû à des raisons purement organisationnelles », nous explique, laconique, Hamid Chabat, pourtant lésé par cette décision...
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Incertitudes autour du calendrier
Aux termes de la loi sur les formations politiques, le parti doit élire un secrétaire général dans un délai ne dépassant pas trois mois à compter de la date du congrès. « Ce sera sûrement avant le mois de Ramadan. Je ne crois pas qu’on ira jusqu’à septembre », explique Karim Ghellab, membre du parti et actuel président de la Chambre des représentants.
Les jours qui viennent seront donc l’occasion de mener de nouvelles tractations, et probablement de voir de nouveaux candidats. En tête, Adil Douiri qui, lors de ce congrès, s'est fait très discret.
L'ancien ministre du Tourisme dans le gouvernement Jettou va-t-il se porter candidat et créer de nouveaux rebondissements ? Wait and see !
Ali Hassan Eddehbi |