Communales, régionales et seconde Chambre, les échéances électorales étroitement imbriquées sont un véritable casse-tête chinois pour le gouvernement. Pour l’instant, l’équipe Benkirane fait le dos rond.
Le secrétariat général du PJD a posé « un ultimatum » au chef du gouvernement « pour que les élections communales soient programmées au plus tard en septembre 2012 ». Dans sa correspondance, l’instance administrative du parti au pouvoir précise que la conjoncture impose d’organiser sans tarder les échéances électorales qui devaient avoir lieu au printemps 2012. A commencer par le renouvellement de la seconde Chambre, qui est étroitement lié aux communales puisque ce sont les grands électeurs qui procèdent à l’élection de ses membres. Si ses stratèges ont oublié de rentrer dans les détails, c’est que le parti de la lampe et les autres formations politiques partagent la responsabilité du retard pris dans l’annonce de la date des élections municipales. Certains analystes expliquent ce retard par la peur d'une victoire écrasante du PJD aux prochaines élections communales, mais, en réalité, la cacophonie qui règne actuellement au sein de l’équipe gouvernementale est largement suffisante pour montrer que le plus urgent pour la majorité, c’est de sortir du pétrin de la loi de Finances et d’éteindre les incendies sociaux qui se déclarent ici et là , attisés par la bombe des diplômés chômeurs, le casse-tête des charrettes à répétition dans un secteur économique en difficulté, et un ciel peu clément. Quand Benkirane est tancé sur la question des communales, il renvoie la balle dans le camp du ministère de l’Intérieur qui « doit trancher sur la date des communales ». Alors que Laensar explique qu’il attend le feu vert de son supérieur hiérarchique au gouvernement. Selon des sources au ministère de l’Intérieur, il se pourrait bien que les communales ne se tiennent pas en 2012 et qu’il faille attendre l’année prochaine en raison notamment des difficultés qu’a le gouvernement d’expédier les affaires courantes.
Par ailleurs, ces municipales devraient être précédées de la mise en place du vaste chantier de la régionalisation avancée. Seulement, il y un hic : il suffit que l’opposition se mette en tête de mettre des bâtons dans les roues de Benkirane pour que le gouvernement soit bloqué dans ses projets. « Un parti de l’opposition peut saisir le Conseil constitutionnel à tout moment pour constater l’anti-constitutionnalité du vote des lois par la seconde Chambre, laquelle est illégale puisqu’il s’agit-là de députés élus sous un autre mandat et dans le cadre d’une autre Constitution », explique le chercheur en droit constitutionnel Smouni Cherkaoui Khalid.
Sans oublier que les élections, c’est aussi une question de gros sous. La facture est particulièrement salée pour les candidats, mais les pouvoirs publics sont également contraints de passer à la caisse. En octobre 2009, le montant global de la participation de l'Etat au financement des campagnes électorales menées par les partis politiques et les syndicats, à l'occasion des élections législatives en vue du renouvellement du tiers des membres de la Chambre des conseillers, avait été fixé à 50 millions de dirhams, dont 30 millions pour les partis politiques et 20 millions pour les syndicats.
Cela dit, les intéressés n’ont cure de cette polémique sur la date des communales. Mis à part les grosses mairies où les enjeux politiques et les intérêts financiers accaparent l’attention des élus, dans la plupart des autres municipalités, les maires actuellement en poste sont déjà candidats aux prochaines locales. Chaussées bitumées, façades repeintes, travaux de voirie, la fièvre « électorale » a d’ores et déjà gagné les prétendants au poste de président de commune. Ces élus s’emploient activement à « renouer, voire à rétablir » le contact avec leurs concitoyens pour obtenir les faveurs des électeurs. On n’en est pas encore aux visites à domicile et autres rencontres ciblées mais les maires sont de plus en plus disponibles dans la gestion des affaires locales. Et, surtout, on a remarqué un activisme suspect dont le seul objectif est de mieux « fidéliser » les citoyens. On retrouve exactement les mêmes irrégularités relevées par le rapport du Forum civil démocratique marocain concernant la période qui a précédé les élections communales du 12 juin 2009. Le FCDM avait ainsi noté plusieurs infractions et fraudes qui vont de « l’inauguration des projets d’aménagement de boulevards, de ruelles et d’espaces publics à l’intérieur des quartiers populaires » à la « distribution de bons au nom de la Promotion nationale aux couches sociales défavorisées et pauvres afin d’influencer leur vote en faveur de certains candidats », en passant par « le financement de fêtes et l’octroi d’argent sous forme d’aides pour certaines familles ayant vécu des moments ou des situations difficiles ( maladies ou deuils) ».
Et tout cela, au vu et au su du ministère de l’Intérieur.
Abdellatif El Azizi |
… Et les partis ?
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Date ou pas, les partis se mettent en ordre de combat. La rapidité avec laquelle les congrès sont expédiés montre que toutes les formations politiques ne veulent pas être prises au dépourvu par des échéances électorales qui peuvent être fixées d’un instant à l’autre.
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USFP
Samedi dernier, au siège du parti, le bureau politique a tranché. Deux points devaient accaparer les débats, à savoir l’organisation du 9e congrès et les préparatifs aux échéances électorales. Le parti de Mehdi Ben Barka veut faire des municipales une revanche sur sa cuisante défaite aux législatives. Il rêve de capter tous les suffrages à gauche. Histoire aussi de reprendre la main sur des exécutifs locaux, comme la mairie de Mohammédia, qui furent jusqu’à une date récente le fief des socialistes.
Pour y parvenir, le parti de la rose doit d’abord régler la question de la succession de Abdelouahed Radi, de plus en plus chahuté au sein du parti et, par la même occasion, répondre à l’ouverture prônée par les militants qui rêvent d’une gauche moderne.
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Le PPS
Autre composante de la gauche plurielle mort-née, le PPS, qui s’est acoquiné avec les islamistes au pouvoir, risque de faire le plus mauvais score de son histoire politique. Déjà en 2009, le parti n’avait pas réussi à décrocher la représentativité fixée à 6% des suffrages exprimés dans le système du scrutin à la proportionnelle.
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Le PAM
Le parti de Mustapha Bakkoury éprouve les plus grandes difficultés à dégager une ligne claire et à sortir de l’image de parti de l’« ami du roi ». Mais cela ne l’empêche pas de tenir trois des plus grandes métropoles du Royaume, à savoir Tanger, Marrakech et Mohammédia.
Le PAM réussira-t-il à rester maître de ces trois mairies ? Peu sûr, à moins que ce parti penche pour des alliances opportunistes avec de nouveaux notables qui permettent de gagner les élections mais qui plombent définitivement la réputation des partis.
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Istiqlal
Sûr de reprendre ses mairies, le parti de l'Istiqlal n’en a pas moins procédé à l'élaboration d'une stratégie électorale susceptible de gagner d’autres communes dans les grandes villes, grâce notamment à la « danse du ventre » qui devrait amener dans le giron du parti une nouvelle élite, cooptée selon les critères de compétence et de popularité. |
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