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Morocco is back 
Actuel n°87, samedi 26 mars 2011
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Six ministres, une dĂ©lĂ©gation de cinquante chefs d’entreprise : le Maroc a plaidĂ© mercredi Ă  Paris la qualitĂ© de son modĂšle Ă©conomique, et explicitĂ© les rĂ©formes en cours. Objectif : maintenir la confiance des milieux d’affaires français, perturbĂ©s par « le printemps arabe ».


***

Warning ! Les investissements directs Ă©trangers (IDE) sont en net recul depuis le dĂ©but de cette annĂ©e, aprĂšs avoir progressĂ© de quelque 29% sur l’ensemble de l’annĂ©e 2010, Ă  32,5 milliards de dirhams. Double warning ! Alors que – selon le ministre Yassir Zenagui – l’activitĂ© touristique aurait continuĂ© Ă  enregistrer une progression de 17% en janvier et de 15% en fĂ©vrier, les opĂ©rateurs touristiques s’alarment aujourd’hui d’une dĂ©saffection profonde des EuropĂ©ens pour les destinations du Royaume. D’Agadir Ă  Marrakech, les dĂ©sistements et annulations se succĂšdent au point d’inquiĂ©ter trĂšs fortement les professionnels.

Le Maroc s’apprĂȘterait-il Ă  payer les effets induits par le « printemps des pays arabes », qui voient les investisseurs tentĂ©s par l’attentisme, et les touristes choisir des destinations Ă  moindre risque, ou rĂ©putĂ©es telles ? Surtout, le Maroc – dont la France est le premier partenaire Ă©conomique – paierait-il aujourd’hui son absence sur le terrain de la communication ? C’est Ă  l’évidence pour tenter de conjurer l’un et l’autre de ces vrais/faux arguments que le Maroc s’est prĂ©sentĂ© en toute transparence ce mercredi Ă  Paris devant quelque 600 chefs d’entreprise et reprĂ©sentants des milieux d’affaires français, Ă  l’invitation du Club de chefs d’entreprise France-Maroc, sous l’égide du Medef et de la CGEM, les deux organisations patronales.

Nizar Baraka, ministre dĂ©lĂ©guĂ© chargĂ© des Affaires Ă©conomiques et gĂ©nĂ©rales n’en disconvient pas. « Il est clair, affirme-t-il, que nous avons un problĂšme de communication. Nous avons Ă  gĂ©rer un dĂ©ficit de communication intĂ©rieur, mais aussi extĂ©rieur. Nous devons donc nous efforcer de faire passer un message de vĂ©ritĂ©. Il n’y a pas d’exception marocaine. Il faut reconnaĂźtre que le Maroc est affectĂ© par la crise qui traverse les pays arabes. Mais nous devons aussi affirmer notre rĂ©activitĂ©, et surtout notre capacitĂ© d’anticipation. »

Les investisseurs français n’ignorent rien de la rĂ©alitĂ© du « printemps des pays arabes ». La Tunisie, l’Egypte et surtout le Maroc sont des pays partenaires de longue date, et rien de ce qui s’y passe ne laisse indiffĂ©rents des milieux d’affaires qui recherchent la stabilitĂ© Ă©conomique et sociale pour fiabiliser leurs investissements Ă  l’étranger.

 

DĂ©termination et confiance

De ce point de vue, le Maroc a pu un temps faire figure d’exception, mais les manifestations du 20 fĂ©vrier et celles qui ont suivi – dont certaines marquĂ©es par la violence de casseurs, ou celle des forces de sĂ©curité – ont pu inquiĂ©ter des partenaires qui, peu ou mal informĂ©s, ont assimilĂ© la situation du Maroc Ă  celle de ses voisins en pleine phase (r)Ă©volutionnaire. Le colloque organisĂ© cette semaine Ă  Paris sur le thĂšme « RĂ©formes et croissance : la dynamique du Maroc » avait donc un but, et un seul : afficher toute la dĂ©termination et la confiance du pays dans sa capacitĂ© Ă  dĂ©passer les Ă©vĂ©nements de ce printemps pour rĂ©affirmer, si besoin est, que le Maroc tient le cap. Et expliquer que les rĂ©formes annoncĂ©es par le roi, rĂ©gionalisation et profonde mutation du systĂšme politique et de gouvernance, inscrites dans une nouvelle Constitution, forment le meilleur rempart pour la sĂ©curisation des investissements Ă©trangers.

Pour autant, le Maroc qui a rencontrĂ© cette semaine ses partenaires français n’est pas un Maroc aux abois, encore moins en position dĂ©fensive. « L’Europe, observait l’un des membres de la dĂ©lĂ©gation marocaine, va devoir se rĂ©inventer ! Le modĂšle europĂ©en s’épuise
 Et nous, la rive sud de la MĂ©diterranĂ©e, nous sommes LA solution ! » Sentiment partagĂ© par Moulay Hafid Elalamy, prĂ©sident directeur gĂ©nĂ©ral de Saham, pour qui « les milieux d’affaires français ont des exigences immĂ©diates. Ils ont besoin de partenaires fiables. Or, nous leur apportons la compĂ©titivité ! »

 

« Démocratie et économie de marché vont de pair »

C’est donc un Maroc sans complexe qui s’est prĂ©sentĂ© Ă  son premier partenaire europĂ©en. Laurence Parisot n’en disconvient pas. « Existe-t-il un pays qui sache aussi bien mixer, mĂȘler, tisser les apports de toutes les traditions, les civilisations, les cultures, sous tous les registres Ă©conomiques et politiques, tout en prĂ©servant son identitĂ© profonde ? » s’est interrogĂ©e la prĂ©sidente du Medef, en accueillant ses pairs et la dĂ©lĂ©gation marocaine. Saluant le discours du 9 mars et la volontĂ© du roi en faveur de la transition dĂ©mocratique, Laurence Parisot a rappelĂ© que « dĂ©mocratie et Ă©conomie de marchĂ© vont de pair. Plus nous approfondissons la dĂ©mocratie, plus nous nous donnons de chances dans le progrĂšs Ă©conomique, dans la croissance et dans la prospĂ©rité ». Pour autant, devant un parterre de ministres en charge de l’économie, de l’industrie, de l’agriculture, du tourisme, de l’énergie
 la prĂ©sidente des chefs d’entreprise français n’a pas manquĂ© de rappeler que si la France restait « confiante dans votre potentiel », pour cela « il faut nous laisser la possibilitĂ© d’aller plus loin encore ».

 

Concurrence déloyale

Plus loin ? C’est, pour nos partenaires, « éliminer la concurrence dĂ©loyale de l’informel, clarifier mieux encore les rĂšgles du jeu pour les rendre plus transparentes et plus Ă©quitables, allĂ©ger la charge bureaucratique, faciliter les conditions qui permettent Ă  une entreprise de s’installer et de grandir  » Autant de freins qui constituent autant d’obstacles pour les plus enthousiastes des investisseurs Ă©trangers, mais qui, levĂ©s, « permettraient de dĂ©multiplier les effets bĂ©nĂ©fiques de nos partenariats et de notre travail conjoint », affirme la prĂ©sidente du Medef.

Pour que ce « travail conjoint » puisse vivre et se dĂ©velopper, les ministres Amina Benkhadra, Salaheddine Mezouar, Aziz Akhannouch, Ahmed RĂ©da Chami, Yassir Zenagui et Nizar Baraka se sont faits – le temps d’une matinĂ©e – les avocats d’un Maroc entreprenant, porteur d’une vision et d’une stratĂ©gie Ă  l’horizon 2020, bon Ă©lĂšve de l’économie internationale (et reconnu comme tel par les deux grandes agences de notation Standard & Poor’s et Fitch Ratings, comme par le Fonds monĂ©taire international). Rappelant « la rĂ©silience de l’économie marocaine », le ministre de l’Economie et des Finances comme ses collĂšgues de l’Industrie ou de l’Agriculture ont Ă©voquĂ© la « libĂ©ralisation du champ Ă©conomique », la « rĂ©habilitation de l’entreprise », le « renforcement de l’intĂ©gration du Maroc au sein de l’Union europĂ©enne », le « positionnement du Maroc comme plate-forme de conquĂȘte sur le continent africain », la « profonde mutation de l’agriculture avec le Plan Maroc Vert », la « politique de soutien aux PME », celle de « colocalisation industrielle » chĂšre Ă  Ahmed RĂ©da Chami qui voit ainsi se placer au Maroc « une partie de la chaĂźne de valeur » 

La liste est longue des atouts du Royaume pour favoriser les investissements Ă©trangers. Mais, vu d’Europe, et plus prĂ©cisĂ©ment de France, les Ă©vĂ©nements que connaissent les pays de la grande rĂ©gion du Maghreb, et au-delĂ , ont marquĂ© les esprits. « Il y a eu un Ă©lectrochoc dans l’imaginaire de nos amis français », reconnaĂźt l’un des ministres prĂ©sents Ă  Paris. « Nous avons eu nous aussi nos manifestations, dont certaines se sont terminĂ©es en actes de vandalisme. Et certains de nos partenaires ont pu se dire : le Maroc est donc comme les autres ? ». Et les slogans qui ont accompagnĂ© les manifestations ne sont pas passĂ©s inaperçus de l’autre cĂŽtĂ© de la MĂ©diterranĂ©e.

 

Le poids de la corruption

InterrogĂ© sur le rejet de la corruption par les manifestants, Salaheddine Mezouar a reconnu devant les milieux d’affaires que celle-ci constituait « l’un des Ă©lĂ©ments d’insuffisance du management local, qui a poussĂ© le citoyen Ă  s’éloigner de la politique ». Il y a, a poursuivi le ministre de l’Economie et des Finances, « une nĂ©cessitĂ© de rupture forte, pour avancer dans les ambitions qui sont les nĂŽtres. Mais c’est une rĂ©alitĂ© qui ne change pas seulement avec les textes – lĂ©gislation ou rĂšglements – il faut aller plus loin et plus vite dans l’organisation de la lutte contre la corruption. Il faut que le citoyen s’implique, Ă  travers des associations. Il faut lutter contre l’impunitĂ©, et que le citoyen soit tĂ©moin de cette lutte ». Une position partagĂ©e par le ministre de l’Industrie qui s’est fĂ©licitĂ© publiquement de voir emprisonnĂ©s plusieurs Ă©lus locaux d’El Jadida, inculpĂ©s pour corruption. Et d’évoquer les premiers rĂ©sultats du site Web « stop corruption ! » qui a recueilli plus de 500 plaintes dont plus d’une centaine ont Ă©tĂ© instruites.

Au-delĂ  des relations bilatĂ©rales France-Maroc, qui ont pu ĂȘtre troublĂ©es en ce dĂ©but d’annĂ©e par les mouvements en cours dans les pays arabes, les deux partenaires se sont accordĂ©s sur la nĂ©cessaire relance de l’Union pour la MĂ©diterranĂ©e (UPM). « Les difficultĂ©s, les dĂ©fis sont multiples, a rappelĂ© Laurence Parisot. Et un tel projet ne peut mettre que beaucoup de temps Ă  se rĂ©aliser. C’est pour cette raison qu’il ne faut pas lĂącher. Il faut profiter de l’élan nouveau engagĂ© depuis quelques mois pour faire renaĂźtre cette ambition. » « Le Maroc a toujours Ă©tĂ© un militant de l’UPM, a rĂ©pondu en Ă©cho Nizar Baraka. De mĂȘme, nous militons activement pour l’intĂ©gration du Grand Maghreb. Le mouvement en cours doit faire sauter les derniers verrous et permettre Ă  la jeunesse de prendre toute sa place dans cette dynamique. » Une dĂ©marche partagĂ©e par Salaheddine Mezouar pour qui « les conditions sont aujourd’hui propices pour accĂ©lĂ©rer le cours de l’Histoire. Les rĂ©alitĂ©s politiques et sociales vont imposer le Maghreb que nous appelons de nos vƓux ».

Henri Loizeau, Ă  Paris

La BERD, banque euroméditerranéenne ?

InterrogĂ© sur les instruments financiers susceptibles d’accompagner le dĂ©veloppement de l’Union pour  la MĂ©diterranĂ©e, Salaheddine Mezouar a tĂ©moignĂ© sa prĂ©fĂ©rence Ă  une Ă©volution, voire une reconversion de la BERD. «PlutĂŽt que de crĂ©er une nouvelle institution, lourde et coĂ»teuse, il faut ĂȘtre pragmatique. Le Maroc et l’Egypte sont favorables Ă  une Ă©volution de la BERD pour utiliser son expĂ©rience et son expertise au niveau de la MĂ©diterranĂ©e.»

H.L.

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