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Interview d'Abdellatif Jouahri, gouverneur de Bank Al-Maghrib
Actuel n°62, samedi 25 septembre 2010
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Pour satisfaire les besoins en liquiditĂ©s des banques, Bank Al-Maghrib privilĂ©gie les avances Ă  7 jours. Mais la titrisation des crĂ©ances bancaires constitue aussi une alternative Ă  condition d’ĂȘtre vigilant dans la gestion du risque. Entretien.


***

L’assĂšchement des liquiditĂ©s bancaires n’inquiĂšte pas outre mesure le gouverneur de Bank Al-Maghrib. MĂȘme si le marchĂ© s’attendait Ă  une nouvelle baisse du taux de rĂ©serve obligatoire pour donner une bouffĂ©e d’oxygĂšne aux banques, celui-ci reste inchangĂ© Ă  3,25 %. Imperturbable, Abdellatif Jouahri rappelle qu’il dispose d’autres instruments de rĂ©gulation de la liquiditĂ© tout aussi efficaces, comme les avances hebdomadaires Ă  7 jours. Mais ce n’est pas tout. Lors de la rĂ©union du Conseil de Bank Al-Maghrib, le 21 septembre dernier, ont Ă©tĂ© explorĂ©es de nouvelles voies de mobilisation de l’épargne longue comme de la petite Ă©pargne. D’ailleurs, des mesures concrĂštes, incitations fiscales et rĂ©vision des plafonds en l’occurrence, pourraient voir le jour avant la fin de cette annĂ©e. Pour l’heure, toutes les formules sont Ă  l’étude et, si les tractations avec le grand argentier du Royaume aboutissent, la prochaine loi de Finances 2011 comportera quelques bonnes surprises. Bonne nouvelle en ces temps difficiles.

Face au manque structurel de liquidité, peut-on envisager une nouvelle réduction du taux de réserve monétaire dans les mois à venir, sachant que ce taux est à son plus bas niveau historique (6 %) ?

ABDELLATIF JOUAHRI : Le conseil de la Banque examine trimestriellement la situation Ă©conomique et financiĂšre ainsi que les derniers dĂ©veloppements du marchĂ© monĂ©taire. En fonction de son apprĂ©ciation des derniĂšres Ă©volutions, sont mis en Ɠuvre les instruments appropriĂ©s aux niveaux adĂ©quats pour rĂ©guler les liquiditĂ©s bancaires. La rĂ©serve monĂ©taire n’est qu’un des Ă©lĂ©ments du dispositif opĂ©rationnel de Bank Al-Maghrib, qui peut ĂȘtre utilisĂ© pour faire face Ă  un excĂ©dent ou dĂ©ficit structurel de liquiditĂ©. En outre, la Banque centrale est constamment prĂ©sente pour mettre Ă  la disposition des banques les liquiditĂ©s nĂ©cessaires afin de stĂ©riliser l’effet des facteurs autonomes de la liquiditĂ© bancaire, assurant ainsi l’équilibre sur le marchĂ© monĂ©taire Ă  travers les avances hebdomadaires Ă  sept jours.

 

Les avances hebdomadaires constituent le principal instrument monétaire utilisé par la Banque centrale pour satisfaire les besoins de liquidité des banques. Ne pensez-vous pas que la satisfaction par cet organisme des besoins croissants du secteur pourrait accroßtre les risques pris par les banques, au niveau de la distribution du crédit à la promotion immobiliÚre notamment ?

Les avances Ă  7 jours constituent, en effet, le principal instrument utilisĂ© par Bank Al-Maghrib pour apporter au systĂšme bancaire les ressources nĂ©cessaires afin d’assurer l’équilibre du marchĂ©. Mais il ne faut pas oublier que ces avances constituent un financement marginal pour les banques et reprĂ©sentent moins de 3,5 % des concours Ă  l’économie. Par ailleurs, les Ă©tablissements qui sollicitent la Banque centrale pour le refinancement mettent en pension des bons du TrĂ©sor. Il s’agit donc d’une transformation d’actifs en liquiditĂ©s pour faire face Ă  un besoin de trĂ©sorerie temporaire. Le recours Ă  Bank Al-Maghrib est donc limitĂ© par les avoirs Ă©ligibles au refinancement.

Les crĂ©dits rĂ©alisent une croissance Ă  deux chiffres, les dĂ©pĂŽts Ă  la clientĂšle connaissent une faible Ă©volution, ce qui porte le coefficient d’emploi Ă  des niveaux trĂšs Ă©levĂ©s. Les banques ont le choix entre limiter la distribution de crĂ©dit, voire le rationner, et collecter plus de ressources rĂ©munĂ©rĂ©es qui rĂ©duiront leur marge. Que prĂ©conisez-vous ?

AprĂšs des phases de croissance relativement Ă©levĂ©es durant les sept premiĂšres annĂ©es de la dĂ©cennie actuelle, les dĂ©pĂŽts ont connu un renversement de tendance, avec un ralentissement enclenchĂ© depuis 2008, qui s’est accentuĂ© au cours de 2010. Pour leur part, les crĂ©dits ont continuĂ©, au cours de cette pĂ©riode, Ă  croĂźtre Ă  des rythmes soutenus mais infĂ©rieurs Ă  avant 2008.

Ces Ă©volutions se sont traduites par un accroissement sensible du coefficient d’emploi, rapportant les crĂ©dits aux dĂ©pĂŽts. Bien que ce coefficient soit supĂ©rieur Ă  celui de plusieurs pays de la rĂ©gion Mena, il reste infĂ©rieur Ă  celui de nombreux pays Ă©mergents appartenant Ă  d’autres zones Ă©conomiques. Pour faire face Ă  leurs besoins, les banques diversifient leurs ressources et recourent de plus en plus au marchĂ© des capitaux. De plus, Bank Al-Maghrib veille Ă  l’équilibre du marchĂ© monĂ©taire en alimentant les banques en liquiditĂ©s suffisantes. Dans ce contexte, la marge d’intermĂ©diation bancaire reste globalement stable et les rĂ©sultats provisoires du premier semestre s’inscrivent dans la mĂȘme tendance observĂ©e en 2009.

Cela Ă©tant, plusieurs mesures sont engagĂ©es pour dĂ©velopper l’épargne bancaire. La bancarisation s’est accĂ©lĂ©rĂ©e et plusieurs directives ont Ă©tĂ© Ă©dictĂ©es par Bank Al-Maghrib pour favoriser l’accĂšs aux services bancaires et assurer un Ă©quilibre dans la relation banque-client. D’autres mesures sont Ă  l’étude pour mobiliser l’épargne financiĂšre.

La titrisation des créances peut-elle contribuer à alléger le besoin structurel de liquidités des banques ? Dans ce cas, quelle stratégie adopter pour encourager le recours à cet instrument ?

Effectivement, la titrisation permet aux banques, Ă  travers la cession d’une partie de leurs crĂ©ances, d’allĂ©ger leurs bilans et de consentir davantage de crĂ©dits, d’autant que les crĂ©ances Ă©ligibles par la loi ont Ă©tĂ© Ă©largies, en plus des crĂ©dits hypothĂ©caires, aux autres catĂ©gories de crĂ©dit.

Toutefois, l’utilisation de cette technique doit s’effectuer dans le cadre d’un dispositif de gestion du risque de crĂ©dit conforme aux exigences rĂ©glementaires et dans les conditions de transparence nĂ©cessaires pour Ă©viter les dĂ©rives rĂ©vĂ©lĂ©es par la crise financiĂšre internationale.

Le ratio de solvabilitĂ© devrait passer Ă  12 % Ă  partir de cette annĂ©e. Pensez-vous que les principales banques de la place sont prĂȘtes Ă  s’y conformer ?

La dĂ©cision d’augmenter le ratio minimum de solvabilitĂ© a Ă©tĂ© prise, fin 2007, Ă  un moment oĂč la croissance du crĂ©dit Ă©tait excessive. En parallĂšle, nous avons dit que ce ratio pourrait ĂȘtre augmentĂ© en fonction du profil de risque de chaque banque et de l’évolution de la conjoncture Ă©conomique. Il s’agit donc d’un traitement au cas par cas. Aujourd’hui, nous devons inscrire notre politique prudentielle dans le cadre de la rĂ©forme de la rĂ©gulation financiĂšre qui se dessine au niveau international, suite Ă  la crise financiĂšre.

Propos recueillis par Mouna Kably

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