Le tourisme se porte mal au Maroc. A fin fĂ©vrier, les arrivĂ©es ont baissĂ© de 7% par rapport Ă la mĂȘme pĂ©riode un an auparavant, sâĂ©tablissant Ă 1,1 million. Les nuitĂ©es, elles, ont chutĂ© de 12%. Le taux de remplissage a dĂ©gringolĂ© Ă 34% et lâannĂ©e risque dâĂȘtre difficile. Par ailleurs, les dĂ©rapages de responsables et dĂ©putĂ©s ne sont pas pour arranger les choses.
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Au Maroc, les professionnels comptaient rĂ©cupĂ©rer une partie des touristes de Tunisie et dâEgypte qui, en raison des Ă©vĂ©nements politiques rĂ©cents, allaient certainement se tourner vers dâautres cieux. Mais il nâen fut rien. Le dĂ©ficit dâimage nâa pas Ă©tĂ© rattrapĂ© et le Maroc a Ă©tĂ© impactĂ© de la mĂȘme façon que ces deux destinations. «âRien nâa Ă©tĂ© fait pour rectifier le tirâ», explique Faouzi Zemrani, prĂ©sident fondateur du Club des RĂ©ceptifs Marrakech Atlantique.
Pire, les derniĂšres dĂ©clarations, plutĂŽt maladroites, de certains responsables politiques font planer des doutes quant Ă lâissue de lâannĂ©e touristique en cours. Les propos rĂ©cents du ministre de la Justice et des LibertĂ©s, Mustafa Ramid, sur le «âtourisme sexuelâ» au Maroc ont provoquĂ© un tollĂ©. «âDes gens du monde entier viennent pour passer beaucoup de temps Ă commettre des pĂ©chĂ©s et Ă sâĂ©loigner de Dieuâ», avait-il dĂ©clarĂ© Ă Marrakech. Des propos qui ont fait rapidement le tour des agences de presse internationales. «âCe dĂ©rapage verbal serait passĂ© inaperçu sâil nâavait pas Ă©tĂ© commis Ă partir de lâĂ©cole du fameux Mohamed Maghraoui, rĂ©putĂ© pour ses fatwas insolites (mariage des filles Ă lâĂąge de 9 ans par exemple)â», rappelle un professionnel de la restauration Ă Marrakech. Une sortie qualifiĂ©e aussi dâ«âirresponsableâ», dâautant quâelle tombe Ă un moment oĂč la destination Maroc subit les effets de lâamalgame liĂ© au Printemps arabe et ses rĂ©percussions sur la Tunisie et lâEgypte. Elle risque de faire peur aux touristes qui «âosent encoreâ» sâaventurer dans cette rĂ©gion. La ferveur avec laquelle se sont dĂ©chaĂźnĂ©s certains mĂ©dias sur Ramid et ses propos fait peser un risque supplĂ©mentaire sur lâĂ©conomie touristique du pays. «âCertains mĂ©dias nâont pas hĂ©sitĂ© Ă qualifier le ministre en question dâislamiste, terme que je rĂ©fute, car il rime avec racisteâ», estime Faouzi Zemrani.
Premier employeur avec 500â000 postes, premiĂšre source de devises et deuxiĂšme contributeur au PIB, le tourisme a gĂ©nĂ©rĂ© quelque 440 milliards de dirhams de recettes pour le Maroc ces dix derniĂšres annĂ©es. Rien que pour les deux premiers mois de 2012, les recettes ont atteint les 8 milliards de dirhams. PrĂšs de 50% du chiffre dâaffaires touristique national est rĂ©alisĂ© dans la seule ville de Marrakech. Dans ces proportions, la rĂ©action des professionnels ne sâest pas fait attendre. A commencer par le ministre du Tourisme, Lahcen Haddad, qui a vite rappelĂ© dans un communiquĂ© quâil Ă©tait «âle seul habilitĂ© Ă gĂ©rerâ» et Ă parler du tourisme au Maroc. La FNT, et Ă travers elle 2â800 entreprises touristiques, a demandĂ© Ă Ramid de retirer ses propos «âqui influencent les dĂ©cisions dâinvestissements touristiques dans le paysâ». La mairesse de Marrakech a mĂȘme envoyĂ© une lettre ouverte au ministre pour lui rappeler que son discours allait «âĂ lâencontre des principes de tolĂ©ranceâ» du pays. Les habitants de la ville ocre, eux, se sentent tout simplement blessĂ©s. Ils sont Ă©galement consternĂ©s par une proposition dâamendement du projet de loi de Finances qui suggĂ©rait dâappliquer une taxe de 100 dirhams aux touristes en provenance de pays exigeant un visa dâentrĂ©e aux Marocains. Heureusement quâune telle proposition nâa pas Ă©tĂ© retenue, elle aurait davantage impactĂ© lâactivitĂ© en poussant les touristes Ă rĂ©flĂ©chir avant de franchir le pas. «âCes dĂ©putĂ©s continuent de croire que le Maroc est le plus beau pays du monde. Faire une telle proposition, câest donner lâextrĂȘme-onction au tourisme nationalâ! Je pense sincĂšrement quâil est temps de mettre de lâordre dans ce cafouillage qui ne sert ni la profession ni le paysâ», recommande Zemrani.
Pour sa part, Ali Ghannam, prĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration du tourisme, a lancĂ© un appel aux Ă©lus examinant la loi de Finances afin «âde donner davantage dâimportance Ă ce secteur pour nous aider Ă crĂ©er de la richesseâ». Une maniĂšre de leur demander de trouver la solution ailleurs. Selon Ghannam, ces solutions existent. LâaĂ©rien en est une prioritĂ©. Alors que le low-cost sâintĂ©resse aux lignes Ă©conomiquement rentables (effet de masse) et que les compagnies rĂ©guliĂšres se tournent peu Ă peu vers les clients «âaffairesâ», il convient de repositionner une offre aĂ©rienne purement touristique pour relancer ou doper les destinations phares du pays et «âretrouver un meilleur remplissage de nos capacitĂ©s hĂŽteliĂšresâ», explique-t-il.
Les destinations touristiques qui peinent Ă dĂ©coller ââĂ lâimage de SaĂŻdiaââ devront faire lâobjet dâune plus grande attention. Dâabord en incitant les hĂŽteliers Ă sây installer. Ensuite en gĂ©nĂ©rant du trafic tout au long de lâannĂ©e. Car investir pour voir son affaire tourner trois mois par an nâest pas pour encourager les professionnels.
A cela, il faudra ajouter un budget marketing plus important afin de communiquer davantage autour de lâoffre marocaine. Mais nâest-ce pas dĂ©jĂ trop tardâ? Pour lâannĂ©e en cours, probablement.
Abdelhafid Marzak
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Tourisme interne, un leurre ?
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La politique touristique du Maroc nâa plus de secret. Quand le tourisme classique va mal, on se rabat sur le tourisme national. Le programme «âBiladiâ», censĂ© encourager les familles marocaines Ă consommer un produit formel, nâa apparemment une fois de plus pas atteint ses objectifs. A commencer par les prix. Prendre, par exemple, un chalet pour six personnes dans la station Biladi dâIfrane coĂ»te 572 dirhams TTC la nuit, soit une facture totale de 2â372 dirhams si lâon compte les repas des six personnes. De plus, les enfants, quel que soit leur Ăąge, comptent pour des adultes. Ils ne bĂ©nĂ©ficient pas de gratuitĂ©s ou de rĂ©ductions comme dans les hĂŽtels. «âPour trois nuits, la facture atteint rapidement les 7â000 dirhams. A ce prix, lâhĂŽtel constitue une bonne alternativeâ», analyse un cadre commercial. Le choix des zones dâimplantation de ces stations laisse Ă©galement perplexe : Mehdia (KĂ©nitra), Oued El Maleh (Benslimane) ou encore Ras EL Ma (Nador) ont Ă©tĂ© prĂ©fĂ©rĂ©es Ă des destinations Ă plus forte affluence. MĂȘme si ces villages sont moins chers, sommes-nous en train de nous diriger vers un modĂšle touristique oĂč les plus belles villes seront rĂ©servĂ©es aux touristes les plus aisĂ©sâ? |
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