Le jeune ministre du Tourisme, Yassir Zenagui, tangérois et pas encore quadra, suscite beaucoup d’interrogations. actuel esquisse le portrait du nouveau patron d’un secteur clé du pays.

Jeune, séduisant, intelligent, travailleur et compétent », il pourrait être le petit frère de Salaheddine Mezouar ! Tous les deux hommes d’affaires au départ, études supérieures en France, Mezouar à Grenoble, Yassir à Paris. Tous les deux sportifs, Salaheddine Mezouar, basketteur, Yassir Zenagui, golfeur. L’un et l’autre parachutés au RNI, puis nommés ministres : tout semble les rapprocher. La nomination de Yassir Zenagui a cependant suscité moult spéculations sur les raisons de lui confi er une responsabilité aussi lourde que celle de réorienter et de développer le secteur du tourisme national.

Et si c’était simplement ses mérites qui l’avaient propulsé à ce poste ? On a aussi glosé sur son retour au bercail. En fait, Yassir Zenagui est rentré au pays en 2007 pour des raisons strictement familiales : son père, récemment décédé, était alors souffrant. Beaucoup de choses ont été écrites sur son profil, mais le flou demeure quant aux détails de son parcours professionnel.

Travailleur acharné depuis toujours, il quitte le ministère tardivement, d’après nos sources. Et les choses sont déjà en train de changer au sein de cet organisme. Doté d’une culture d’entreprise anglo-saxonne, le nouveau ministre encourage le tutoiement, croit au travail d’équipe et n’est convaincu que par les résultats concrets. Une attitude qu’explique sans doute son background professionnel.

Traders maghrébins de la City

Après avoir obtenu en 1995 son diplôme d’ingénieur de l’École supérieure d’informatique électronique automatique de Paris, option intelligence artificielle, il participe au projet de recherche au Laforia, centre national de recherche en intelligence artificielle, à Paris VI, puis intègre en tant qu’ingénieur financier, la Société Générale à Paris, au département marchés des capitaux (modélisation et valorisation de produits dérivés de taux).

En 1996, il est promu trader produits dérivés de taux, et en 1999, vice-président et directeur en charge du trading produit dérivés de taux cross currency, à la Société Générale à Londres, marchés des capitaux. En 2004, il est directeur en charge du trading arbitrage produits dérivés, à la Deutsche Bank Global Finance, à Londres. Il n’a alors que … 34 ans ! Yassir Zenagui a par ailleurs fondé City Magnet, une association londonienne regroupant les traders maghrébins de la City. C’était en 2003. « J’ai connu Yassir à Londres, il y a plus de 10 ans », témoigne Rachid Bouzouba, directeur mondial des activités de marché des actions à Nomura International.

« À l’époque il était trader à la Société Générale. Yassir avait une excellente réputation dans le marché ainsi qu’au sein de la communauté marocaine. Il est intègre, travailleur et très sociable. Sa carrière a continué à progresser avec succès. Deutsche Bank, la banque d’affaires allemande, l’a recruté afin de développer ses activités. Son objectif a toujours été de rentrer au pays afin de contribuer à son développement malgré une carrière spectaculaire à la City. Je suis convaincu que Yassir va être un excellent ministre du Tourisme. Son professionnalisme combiné à un carnet d’adresses impressionnant dans le monde financier de Londres, ainsi que sa passion pour le Maroc en font le candidat idéal pour ce poste. »

« Chaleureux et dynamique »

Rachid Bouzouba n’est pas le seul à le couvrir d’éloges. Driss Benbrahim, qui travaille actuellement pour le plus gros hedge fund du monde dit de lui : « J’ai connu Yassir à l’occasion d’activités associatives à Londres. Il est chaleureux, dynamique et entrepreneurial avec un grand attachement au Maroc. Je pense que son expérience dans la finance internationale sera utile à l’économie nationale et au tourisme en particulier. »

Il s’est fait remarquer en attirant des investisseurs. Et, c’est en 2006 qu’il fonde Sienna Group, société d’investissement touristique, dont il est directeur général. Sienna Group a participé au positionnement de Tamuda Bay (région de M’Diq-Fnideq) dans le tourisme de luxe, et a lancé des projets hôteliers avec des opérateurs internationaux de renom tels que Banyan Tree et Ched/GHM (à Tamuda Bay, projets en partenariat avec la CDG), le Ritz Carlton (Reserve collection) à Tamuda Bay Laguna Smir. Et c’est sans doute avec cette dernière opération qu’il se fait remarquer.

L’homme a le génie de la négociation et il vend avec beaucoup de talent sa passion pour le Maroc. Christian Bittar, directeur des dérivés de taux court terme à Deutsche Bank Global Finance parle de lui avec beau coup de verve : « Il était, à l’époque, directeur monde de l’activité de GF Proprietary Trading, c’est à dire de prise de risques sur fonds propres, sur les marchés de taux et change.

Yassir a excellé dans ce métier où son esprit cartésien et rigoureux lui a beaucoup servi. Ses connaissances mathématiques et ses aptitudes à travailler sereinement sous forte pression ont été cruciales et il nous a beaucoup apporté et appris. Il a, entre autres, développé des analyses de courbe de taux et d’actualisation en “ arbitrage free ” utilisées, aujourd’hui dans toutes les banques principales. Il a été leader mondial sur les cross currency pendant trois années et il s’est montré visionnaire.

Son départ, pour raisons familiales, a été une perte pour DB. Pour l’anecdote, Yassir a toujours vanté les vertus de l’éducation scolaire marocaine et avait toujours un drapeau du Maroc sur son desk. La nomination de Yassir a fait plaisir à la City où il était très apprécié et son interview récente sur CNBC a été bien accueillie. Je n’ai aucun doute qu’il soit un atout pour son pays. » Ce à quoi renchérit Philippe Moryoussef, directeur mondial des produits dérivés de taux auprès de la prestigieuse Morgan Stanley : « J’ai connu Yassir Zenagui en 1998 à la Société Générale à Paris, où nous partagions la même rangée au sein de l’activité dérivés de taux. Mes origines marocaines ont tout de suite aidé à avoir des liens. Yassir a toujours été quelqu’un d’intègre et honnête, passionné par son travail et obsédé par la performance. Sang froid, rigueur, travail sont des vertus indispensables pour avoir sa place sur ces desks, où le stress des positions de trading n’est pas supportable pour tous. » Une bonne école pour survivre dans le Makhzen…

Défis complexes

Encore un témoignage ? David N. Nicholls, responsable monde Global Finance à Deutsche Bank, a été son supérieur hiérarchique : « J’ai trouvé qu’il relevait des défis complexes avec une approche innovatrice, tout en développant toujours un fort sens de la camaraderie avec les personnes avec lesquelles il travaillait. » Sa récente réputation au ministère corrobore déjà ce portrait flatteur.

Quant à son adhésion au RNI, il a l’air de la prendre au sérieux. On l’a vu souvent aux côtés de Salaheddine Mezouar dans différents meetings, notamment celui consacré aux femmes à Casablanca. Le nouveau ministre du Tourisme est à l’évidence doté d’atouts professionnels et personnels. Reste à savoir si son parcours, singulièrement probant dans la finance ou les affaires, se montrera à la hauteur dans une approche plus technique et politique. Et si l’étoile du jeune ministre brillera autant à Rabat demain, qu’hier à Paris ou à Londres.

Bahaâ Trabelsi