Morocco Mall fait-il dĂ©jĂ des victimes dans les commerces casablancaisâ? Certains se disent nĂ©gativement impactĂ©s. Dâautres affirment que leur activitĂ© est beaucoup trop solide pour ĂȘtre pĂ©nalisĂ©e. Mais tous espĂšrent que la fiĂšvre finira par tomber.
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Les commerces proches du nouveau Mall casablancais ne semblent pas souffrir de sa présence. Un petit tour sur la corniche suffit pour faire ce constat. Les cafés et restaurants sont bondés de clients en tout genre.
«âChaque Ă©tablissement a son type de clientĂšle. Mais ce sont les commerces du quartier MaĂąrif qui souffrent le plusâ», explique le serveur dâun cafĂ© situĂ© sur le boulevard longeant la route cĂŽtiĂšre. BouchaĂŻb, gĂ©rant du magasin Rip Curl, voit les choses autrement.
«âNotre volume dâactivitĂ© est restĂ© intact. Nos clients sont restĂ©s fidĂšles Ă la marque et nous viennent de Rabat, Marrakech ou encore dâEl Jadidaâ», ajoute-t-il. BouchaĂŻb remercie la fidĂ©litĂ© de ses clients Ă sa maniĂšre. «âNous avons dĂ©cidĂ© de ne pas ouvrir un magasin au Morocco Mall car nous aurions Ă©tĂ© obligĂ©s de revoir Ă la hausse les prix de nos articlesâ», affirme-t-il.
Pour la propriĂ©taire dâun magasin de prĂȘt-Ă -porter fĂ©minin du boulevard Al Massira, si le nombre de visiteurs a diminuĂ© les derniĂšres semaines prĂ©cĂ©dant lâouverture du Mall, les affaires ont trĂšs vite repris au lendemain de son lancement.
Lâon serait tentĂ© dâexpliquer cette baisse par un effet dâattentisme et de curiositĂ© liĂ© Ă lâouverture dâun nouveau pĂŽle dâattraction, explique une cliente de ce magasin. Cependant, dans les galeries du Twin Center, on ne se voile pas la faceâ: lâactivitĂ© tourne au ralenti ces derniĂšres semaines. Cependant, le Morocco Mall nây est pour rien. «âCâest comme ça depuis fin 2010 du fait de la crise Ă©conomiqueâ», analyse le gĂ©rant dâun magasin de vĂȘtements de sport.
Kidâs Village, un magasin dĂ©diĂ© aux enfants, situĂ© sur la rue Kadi Lyass au MaĂąrif, sâen sort trĂšs bien. MĂȘme mieux que le nouveau point de vente du Morocco Mall. SanaĂą, la gĂ©rante, affirme rĂ©aliser un chiffre dâaffaires pouvant atteindre 7â000 dirhams durant les week-ends. «âPour avoir travaillĂ© dans notre boutique du Morocco Mall, je peux vous affirmer que le chiffre dâaffaires du week-end ne dĂ©passe pas les 5â000 dirhams.
Pendant la semaine, il arrive rarement que lâon fasse 500 dirhamsâ», confie-t-elle. Car les Marocains vont au Mall en famille, non pas pour faire du shopping, mais pour «âvoir lâaquarium et la fontaineâ».
Tout en payant ses achats, une cliente de SanaĂą confirmeâ: «âJây Ă©tais le week-end dernier. Pourtant, je nâai rien achetĂ©. Je voulais prendre un manteau pour ma fille. Mais Ă 2â160 dirhams, je prĂ©fĂšre acheter dans le MaĂąrifâ!â» Si elle, qui rĂ©side au MaĂąrif, nâa pas les moyens de consommer au Morocco Mall, «âqui donc fait ses courses lĂ -basâ?â», se demande SanaĂą.
Dans la catĂ©gorie habillement, H&M serait la seule franchise Ă cartonner, ce que confirme un spĂ©cialiste de la franchise au Maroc, sous couvert dâanonymatâ: «âH&M marche trĂšs bien. DâaprĂšs mes sources, les Galeries Lafayette sont, en revanche, trĂšs en dessous de leurs prĂ©visions de vente.â» La restauration tire Ă©galement son Ă©pingle du jeu.
On le savait depuis longtemps, les Marocains sont des gourmands. Les projets de restauration sontâtoujours trĂšs convoitĂ©s. Le Morocco Mall ne fait pas exception Ă la rĂšgle. «âLes enseignes de restauration rapide du MaĂąrif souffrent Ă©galement, mĂȘme si elles refusent de lâavouer.
Alors quâil Ă©tait difficile de trouver une place pour se garer auparavant, les parkings sont aujourdâhui quasi dĂ©sertsâ», affirme Youssef Drifi, gĂ©rant du magasin de prĂȘt-Ă -porter pour hommes Relook, au Twin Center.
«âLe Morocco Mall, câest surtout pour rencontrer les gens et sortir en famille. Pour se restaurer, les enseignes dont les prix restent abordables sont trĂšs sollicitĂ©esâ», confie un client. Autrement dit, burgers et pizzas sont les mets les plus consommĂ©s au sein du Mall. «âMĂȘme les cafĂ©s sont trop chers lĂ -basâ», affirme un serveur.
En lâespace dâun mois, quelques commerces ont donc rĂ©sistĂ© Ă la fiĂšvre du Morocco Mall, mais pas tous. Pour Kaoutar, responsable du magasin Caroll, «âle changement se fait sentir surtout durant les week-ends. Cependant, le chiffre dâaffaires nâen a que trĂšs peu souffertâ».
Au lieu de mettre sur pied une stratĂ©gie de riposte, Kaoutar prĂ©fĂšre se rassurer en Ă©voquant le caractĂšre Ă©phĂ©mĂšre de lâengouement pour Morocco Mall. Le constat est plus dramatique pour Astoria Sport, franchise dâarticles de sport et de textiles.
Le chiffre dâaffaires a baissĂ© de 50%. «âJusquâau 5 dĂ©cembre, nos recettes Ă©taient encore consistantesâ», affirme Jamal Rakbi, directeur marketing et communication de la franchise. Aujourdâhui, la tension est Ă son maximum dans cette enseigne.
Les vendeurs, eux, commencent Ă sâinquiĂ©ter. MĂȘme si ce constat est alarmant, Jamal Rakbi reconnaĂźt lui aussi quâaucune stratĂ©gie nâa Ă©tĂ© mise en place pour contrer cette tendance. «âLa fiĂšvre Morocco Mall va finir par tomberâ», prĂ©dit-il.
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Fnac vs Derb Ghallef et Korea
Si les spĂ©cialistes des articles de sport souffrent, dâautres catĂ©gories de commerces nâont pas lâair dâĂȘtre inquiĂ©tĂ©es. En particulier celles de Derb Ghallef qui avancent dĂ©sormais un argument de taille pour conserver leur clientĂšle.
«âNos prix sont largement infĂ©rieurs Ă ceux du Morocco Mall. De plus, nous assurons un service aprĂšs-vente sur place. Pas besoin dâenvoyer ses appareils Ă une quelconque adresse et dâattendreâ», fait remarquer un revendeur de matĂ©riel Ă©lectronique.
Pour sa part, le marchĂ© de Korea est aujourdâhui une rĂ©fĂ©rence nationale. Beaucoup de commerçants se sont transformĂ©s en grossistes au fil des jours. Pour eux, le Morocco Mall ne constitue pas une menace. Ceux qui vendent leurs articles au dĂ©tail le font pour se garantir du cash. «âNotre clientĂšle est habituĂ©e au marchandage.
Au Morocco Mall, cela nâexiste pasâ», rappelle un commerçant de chaussures de sport. Si les enseignes du Morocco Mall proposent des cartes de fidĂ©litĂ© assorties dâun paiement en plusieurs tranches, les commerçants de Korea offrent des facilitĂ©s de paiement aux clients rĂ©guliers. «âLe seul avantage que peuvent procurer les enseignes du nouveau Mall, câest de proposer les derniers modĂšles de leurs produits quelques semaines avant nousâ», souligne un commerçant.
Les points nĂ©vralgiques du commerce sont donc bien partis pour rĂ©sister Ă la vague «âMorocco Mallâ». Ce dernier reste, durant ce premier mois, un lieu dâattraction pour des sorties en famille... et un objet de curiositĂ©. Pour les achats, il faudra encore patienter.
Abdelhafid Marzak |