Alors que lâUnion europĂ©enne sombre dans la crise de la dette souveraine et du pouvoir dâachat, le Maroc et lâAlgĂ©rie semblent plus disposĂ©s Ă coopĂ©rer. Le Printemps arabe est Ă©galement passĂ© par lĂ .
Lâouverture des frontiĂšres entre le Maroc et lâAlgĂ©rie nâest pas encore Ă lâordre du jour. Mais une activitĂ© diplomatique intense augure dâun rĂ©chauffement des relations entre Rabat et Alger. La derniĂšre en date a trait Ă la signature, fin novembre Ă Alger, dâun accord de coopĂ©ration pour lâĂ©change de renseignements financiers en vue de lutter contre le blanchiment de lâargent sale et le financement du terrorisme.
ParallĂšlement, des samaritains inattendus tentent de jouer les bons offices entre les deux pays moteurs de la rĂ©gion. Selon certaines indiscrĂ©tions, lâĂ©mir du Qatar, cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani serait prĂȘt Ă intervenir entre Rabat et Alger. Lors de sa derniĂšre visite au Maroc, il se serait entretenu avec de hauts responsables marocains autour des relations bilatĂ©rales, et les moyens de les amĂ©liorer.
LâUMA en rĂ©animation
De leur cĂŽtĂ©, les chefs respectifs des diplomaties marocaine et algĂ©rienne ont dĂ©clarĂ©, Ă lâissue de leur rencontre au forum de coopĂ©ration arabo-turque, tenu le 16 novembre dernier, la possibilitĂ© dâamĂ©liorer les relations entre lâAlgĂ©rie et le Maroc et de rĂ©animer le processus dâUnion du Maghreb arabe (UMA).
Une telle effervescence sâexplique par «âle poids Ă©conomique et la position gĂ©ostratĂ©gique des deux pays voisins qui constituent lâossature, voire lâĂ©pine dorsale de lâUMAâ», souligne Mohamed Horani, prĂ©sident de la CGEM. En dĂ©pit de la tension autour du dossier du Sahara, le Maroc demeure le premier partenaire commercial de lâAlgĂ©rie en Afrique.
Les Ă©changes bilatĂ©raux ont ainsi doublĂ© en cinq ans, passant de 340 millions Ă 720 millions dâeuros entre 2005 et 2010. ParallĂšlement, lâAlgĂ©rie est devenue 12e au lieu de 18e fournisseur, et 28e au lieu de 33e client du Maroc. A noter, par ailleurs, que 550â000 AlgĂ©riens ont visitĂ© le Royaume en 2007 et que 45â000âMarocains travaillent en AlgĂ©rie.
Toutefois, le commerce entre lâensemble des Etats membres de lâUMA reste embryonnaire et ne dĂ©passe pas 1,5% de leurs Ă©changes extĂ©rieurs. «âIl faut dâabord rouvrir les frontiĂšres car leur fermeture fait perdre Ă lâĂ©conomie marocaine formelle plus de 7 milliards de dirhams chaque annĂ©e, au profit de lâinformel et du trafic illĂ©galâ», dĂ©nonce HammadKassal, opĂ©rateur Ă©conomique rĂ©voltĂ© par la fermeture de toutes les stations-service dans la rĂ©gion de lâOriental, sous lâeffet de la contrebande des produits pĂ©troliers.
Mais pas seulement. Selon un rapport du Petterson Institute for International Economics, lâĂ©nergie nâest pas seule Ă prĂ©senter des gisements de crĂ©ation de richesses. Les transports, lâagroalimentaire, la finance, lâĂ©ducation, la culture et le tourisme prĂ©sentent aussi un potentiel important.
En attendant de passer Ă une autre Ă©tape dans le rapprochement entre les deux pays frontaliers, la voie Ă©conomique prend les devants. Depuis quelques mois, les va-et-vient se multiplient, de visites ministĂ©rielles en dĂ©lĂ©gations dâhommes dâaffaires, en passant par la signature de nouveaux accords de coopĂ©ration.
Les Ă©changes Ă©conomiques devraient dâailleurs se renforcer, aprĂšs la signature entre les deux pays, de plusieurs accords de coopĂ©ration agricole, en marge du Salon annuel de lâagriculture organisĂ© le 23 novembre Ă Alger et dont le Maroc Ă©tait lâinvitĂ© dâhonneur. Une situation perçue, par de nombreux observateurs, comme une reprise des relations bilatĂ©rales, otages jusque-lĂ de dissensions politiques.
Un nouvel ordre maghrébin
Autre signe rĂ©vĂ©lateur dâun rapprochement stratĂ©gique entre lâAlgĂ©rie et le Maroc : les conventions signĂ©es entre les deux pays voisins, en avril dernier, en marge du SIAM Ă MeknĂšs. Auparavant, en tout dĂ©but dâannĂ©e, lâĂ©nergie Ă©tait au centre des discussions entre les ministres de tutelle des deux pays.
Ainsi, la voie des Ă©changes commerciaux et de coopĂ©ration maroco-algĂ©rienne est en train dâĂȘtre consolidĂ©e grĂące aux deux socles que sont lâĂ©nergie et lâagriculture. «âAujourdâhui, les investisseurs des deux pays veulent faire du business, convaincus que la rĂ©conciliation entre le Maroc et lâAlgĂ©rie passera inĂ©luctablement par le rapprochement Ă©conomiqueâ», avance Horani. Au point quâun calendrier de rencontres dans le cadre de salons professionnels a Ă©tĂ© Ă©tabli pour doper les Ă©changes commerciaux.
Le manque Ă gagner gĂ©nĂ©rĂ© par la fermeture des frontiĂšres terrestres entre lâAlgĂ©rie et le Maroc est estimĂ© Ă au moins 1 point de PIB, chaque annĂ©e, pour les deux Ă©conomies. Mais demain, en plus de lâouverture de la frontiĂšre, câest la coopĂ©ration entre les deux piliers du Maghreb qui pourrait propulser la rĂ©gion et rĂ©activer lâUnion du Maghreb arabe (UMA) en hibernation depuis plusieurs annĂ©es.
Les opportunitĂ©s ne manquent pas et les signes de complĂ©mentaritĂ© sont parfaitement identifiĂ©s de part et dâautre. Reste juste Ă passer Ă lâacte.
Khadija El Hassani &MounaKably
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Hammad Kassal
PDG de Rayana Saveurs
La premiĂšre des choses Ă faire est de crĂ©er une grande zone franche des deux cĂŽtĂ©s de la frontiĂšre maroco-algĂ©rienne pour encourager les hommes dâaffaires Ă crĂ©er des projets communs dans lâindustrie, lâagriculture et les services entre autres.
Plusieurs projets peuvent ĂȘtre dĂ©veloppĂ©s de façon bilatĂ©rale, notamment dans les secteurs de lâĂ©nergie, du transport, de lâeau, et mĂȘme de lâĂ©ducation.
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Abdelmalek Alaoui
Associé gérant à Global Intelligence Partners
Rien nâempĂȘche les deux pays de mettre en place une instance bilatĂ©rale «âtechniqueâ» qui examinerait les points de convergenceâââils sont nombreuxââ, et les moyens de les rendre opĂ©rationnels Ă court terme. Dâores et dĂ©jĂ , les infrastructures constituent un point de dĂ©part incontournable.
Il nâest pas anodin que lâautoroute algĂ©rienne Est-Ouest ait Ă©tĂ© terminĂ©e Ă peu prĂšs en mĂȘme temps que lâaxe FĂšs-Oujda. Les deux pays sont donc en train de rapprocher leurs rĂ©seaux autoroutiers. Le rail doit ĂȘtre la prochaine Ă©tape, ainsi que les rĂ©seaux stratĂ©giques tels que le gaz.
Enfin, lâidĂ©e dâune joint venture OCP/Sonatrach est sĂ©duisante mais nĂ©cessite que les conditions dâune coopĂ©ration Ă©conomique globale soient rĂ©unies. Mais sur le principe, quoi de plus sĂ©duisant que le gaz algĂ©rien pour produire de lâengrais marocainâ? |