Les éléments du puzzle commencent à se mettre en place. AprÚs la stratégie et la banque de projets, le financement. Jugé trop ambitieuse, voire irréaliste par certains opérateurs, la Vision 2020 est désormais sur les rails.
DĂ©tails du montage de Wessal Capital.
Alors que le gouvernement sortant fait ses cartons, Yassir Zenagui, ministre rniste du Tourisme et de lâArtisanat, affiche une sĂ©rĂ©nitĂ© Ă toute Ă©preuve. Surprenant au regard du camouflet que vient de subir son parti. En rĂ©alitĂ©, le projet qui lui tient Ă cĆur, et pour lequel il a Ă©tĂ© appelĂ© de Londres, est mis sur les rails «âavec le soutien de la plus haute autoritĂ© de lâEtatâ».
Pas de souci Ă se faire sur le devenir du fonds souverain Wessal Capital puisquâil sera gĂ©rĂ© de maniĂšre «âindĂ©pendanteâ»⊠malgrĂ© la prĂ©sence de deniers publics. En effet, Wessal Capital est dotĂ© dâune mise de dĂ©part de 23 milliards de dirhams dont 15 milliards Ă©manant du Fonds marocain de dĂ©veloppement touristique (FMDT).
Ce dernier Ă©tant lui-mĂȘme codĂ©tenu par lâEtat et le Fonds Hassan II pour le dĂ©veloppement Ă©conomique et social. A une tout autre Ă©chelle, le choix de crĂ©er un fonds indĂ©pendant qui logerait les recettes de privatisations, Ă lâarrivĂ©e du PJD aux affaires, rappelle Ă©trangement celui qui avait Ă©tĂ© retenu en 2000 lors de la crĂ©ation du Fonds Hassan II pour y affecter les recettes des cessions de la deuxiĂšme licence tĂ©lĂ©coms et de Maroc Telecom en vue de financer des projets dâinfrastructure⊠au nez et Ă la barbe du gouvernement El Youssoufi. Mais lĂ sâarrĂȘte la comparaison.
Le montage de Wessal Capital sâavĂšre ĂȘtre beaucoup plus sophistiquĂ©. De plus, la prĂ©sence des trois fonds arabes les plus prisĂ©s au monde, constitue un signal fort qui devrait provoquer un effet boule de neige auprĂšs dâautres institutionnels.
En tout cas, Yassir Zenagui, le ministre sortant du Tourisme et de lâArtisanat, croit dur comme fer Ă la pĂ©rennitĂ© du modĂšle de financement construit autour de Special Private Vehicules (SPV).
Au point dâimaginer la duplication du modĂšle Ă dâautres secteurs, et en cas de besoin, des levĂ©es de fonds sur le marchĂ© international, Ă des conditions optimales. Ce nâest pas le prochain gouvernement qui sâen plaindrait.
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Deux ans Ă la tĂȘte de ce ministĂšre, que lĂ©guez-vous Ă votre successeur ?
La Vision 2020 a crĂ©Ă© une nouvelle impulsion du secteur du tourisme. Câest une stratĂ©gie «âmulti-plansâ» axĂ©e, entre autres, sur le dĂ©veloppement durable, le tourisme balnĂ©aire, culturel, sportif, de santĂ©, de bien-ĂȘtre. Six programmes structurants permettront la concrĂ©tisation de cette stratĂ©gie.
Câest donc un nouveau concept de programme global, unique, qui a Ă©tĂ© mis sur pied pour chacune des 8 rĂ©gions touristiques identifiĂ©es. DĂšs la premiĂšre annĂ©e, aprĂšs lâĂ©laboration de la Vision 2020, plusieurs projets ont Ă©tĂ© lancĂ©s, comme la restructuration financiĂšre du plan Azur qui a permis de relancer les stations les plus importantes telles que Taghazout et SaĂŻdia, ou encore la crĂ©ation du fonds dâinvestissement pour la rĂ©habilitation des ksours et kasbahs.
De mĂȘme, le projet MâDinti, Ă travers des circuits dâinterprĂ©tation et des activitĂ©s culturelles et dâanimation, va permettre aux mĂ©dinas de devenir un produit touristique fort. Citons aussi le projet de restructuration des Ă©coles de formation touristique, notamment lâISITT de Tanger, le projet Club Biladi, qui va offrir aux Marocains une sĂ©rie de clubs touristiques pourvus dâanimations.
Il y a aussi des projets de petite taille mais qui ont une grande importance pour le secteur du tourisme, comme la mise en place de kiosques dâinformation touristique. Les premiers kiosques sont dĂ©jĂ installĂ©s Ă Agadir. ParallĂšlement, lâimage du Maroc a Ă©tĂ© solidement renforcĂ©e via des actions marketing menĂ©es dans plusieurs pays et par notre prĂ©sence continue dans les plus grandes manifestations internationales touristiques et dâinvestissement.
Lâobjectif ultime de la Vision 2020 est de positionner le Maroc parmi les vingt premiĂšres destinations au monde. Cette vision a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e avec beaucoup de rigueur sur le plan Ă©conomique, avec des business plan prĂ©cis, ce qui nous a permis de dĂ©finir trĂšs clairement les objectifs Ă atteindre. LâĂ©laboration de cette stratĂ©gie ambitieuse, je tiens Ă le dire, a Ă©tĂ© rendue possible grĂące aux hautes orientations et au soutien de Sa MajestĂ©.
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Lâimplication royale suppose donc une continuitĂ©, quelle que soit lâĂ©quipe gouvernementaleâŠ
Nous avons la chance dâavoir une monarchie qui garantit la pĂ©rennitĂ© et la continuitĂ© des stratĂ©gies sectorielles gouvernementales. Câest le cas de la Vision 2020, qui nâest pas la stratĂ©gie dâun ministre ou dâun gouvernement en particulier, mais celle dâun pays car elle lâengage sur le long terme.
Ce serait un gĂąchis que de ne pas la mener Ă son terme. Au Maroc, le secteur du tourisme recĂšle dâĂ©normes potentiels de crĂ©ation de richesses. Câest un des moyens les plus importants dont nous disposons pour stimuler le dĂ©veloppement socioĂ©conomique dans toutes les rĂ©gions. La place du secteur est majeure dans la stratĂ©gie de dĂ©veloppement de notre pays.
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Reste le problĂšme du financement. Comment un pays comme le Maroc peut-il lever des fonds en temps de crise ?
La Vision 2020 est certes ambitieuse, mais réaliste. Elle veille surtout à bénéficier, au maximum, aux populations locales. Dans une conjoncture mondiale difficile, les modÚles classiques de financement sont révolus.
Il fallait de nouvelles idĂ©es, de lâinnovation, pour garantir le financement de ces projets. Le grand dĂ©fi consistait Ă mettre en place une structuration qui permette de pallier les obstacles liĂ©s Ă la rĂ©alisation de produits Ă faible rentabilitĂ©, comme les parcs dâanimation ou les musĂ©esâ; Ă la gestion des partenariats avec les institutions internationales, et notamment anglo-saxonnesâ; et Ă lâaccĂšs au financement en pĂ©riode de crise⊠En intĂ©grant tous ces Ă©lĂ©ments, Wessal Capital a Ă©tĂ© conçu en constituant un portefeuille structurĂ© autour de plusieurs projets Ă rentabilitĂ© diffĂ©rente, mais complĂ©mentaires.
Cette structuration nâa pas comme unique objectif dâattirer des fonds, mais aussi de jouer le rĂŽle dâun catalyseur de lâinvestissement en ouvrant des possibilitĂ©s de partenariat avec le secteur privĂ© national et international. Cet Ă©lan a Ă©tĂ© initiĂ© et fortement soutenu par notre souverain, qui a suivi de prĂšs toutes les Ă©tapes de lâĂ©laboration du fonds Wessal Capital et les tractations qui lâont rendu possible.
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Hormis les fonds arabes, quels sont les fonds qui ont manifestĂ© leur intĂ©rĂȘt ?
A ce jour, ce montage financier a intéressé plusieurs institutions financiÚres, dont Qatar Holding LLC, Kuwait Investment Authority et Aabar Investments PJS, qui figurent parmi les fonds souverains les plus puissants du monde et les plus sollicités.
Lâengagement de ces fonds souverains, par la prĂ©sence des dirigeants qatari, Ă©mirati et koweĂŻtien lors de la signature du mĂ©morandum dâentente nâest pas seulement un engagement Ă©conomique mais aussi un acte politique qui confirme la confiance dans la stabilitĂ© de notre pays et dans la politique Ă©conomique et les rĂ©formes menĂ©es.
Câest Ă©galement un signal fort adressĂ© Ă dâautres fonds que nous avons dĂ©marchĂ©s et qui pourraient rejoindre Wessal Capital. Il sâagit notamment de fonds souverains en Chine, en Malaisie, Ă Singapour et Ă Brunei, mais aussi des fonds institutionnels et des fonds financiers de banques internationales.
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Cela suppose une nouvelle approche du rĂŽle de lâEtat. Sommes-nous prĂȘts Ă une telle mutation ?
Dans un contexte de raretĂ© des ressources, il est important que le rĂŽle de lâEtat ne se limite pas au sponsoring budgĂ©taire et quâil adopte aussi une dĂ©marche dâinvestisseur avec des exigences de rentabilitĂ©.
Dans cet esprit, le fonds souverain sera un outil pour fructifier les capitaux publics qui pourraient Ă©maner des recettes de privatisation par exemple. LâidĂ©e est de rĂ©investir ces recettes dans des fonds souverains sectoriels pour crĂ©er davantage de richesses. Ceci nous permettra aussi dâavoir une meilleure planification de notre stratĂ©gie de privatisation.
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Wessal Capital ne ringardise-t-il pas le Fonds Hassan II qui avait pour objet dâoptimiser lâutilisation des recettes de privatisation ?
Absolument pas. Preuve en est, le Fonds Hassan II a contribuĂ© Ă la crĂ©ation du FMDT. De plus, sa mission va bien au-delĂ de lâaspect financement de projets puisquâelle est aussi dâordre social.
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Que vont devenir les multiples fonds privĂ©s dĂ©diĂ©s au tourisme, crĂ©Ă©s par les banques et compagnies dâassurance ?
Il est temps de favoriser leur fusion pour crĂ©er des fonds privĂ©s dotĂ©s dâune taille critique et ayant une rĂ©elle force de frappe, ce qui leur permettra de contribuer de façon cohĂ©rente et efficace, aux cĂŽtĂ©s de Wessal Capital, au dĂ©veloppement du secteur. LâidĂ©e a Ă©tĂ© proposĂ©e aux responsables de ces diffĂ©rents fonds. Ils lâont accueillie avec beaucoup dâenthousiasme.
Propos recueillis par Mouna Kably |