Gare aux faux billets ! Un processus de fabrication des plus rigoureux, un dispositif de sĂ©curitĂ© Ă toute Ă©preuve, un comitĂ© de suivi dĂ©diĂ©... Lâarsenal de lutte contre la fausse monnaie se durcit. Faux monnayeurs et autres contrefacteurs nâont quâĂ bien se tenir.
La Banque centrale a retirĂ© 19 044 faux billets de la circulation Ă la ïŹ n 2009. Un chiffre en progression de 25% par rapport Ă 2008, annĂ©e durant laquelle 15 202 fausses coupures ont Ă©tĂ© saisies par Bank Al-Maghrib (BAM). En valeur, ces faux billets correspondent Ă un montant global de 2,44 millions de dirhams (contre 1,5 million de dirhams en 2008).
Les chiffres de lâinstitut dâĂ©mission rĂ©vĂšlent, en outre, une certaine tension sur les billets de 200 dirhams et une recrudescence des fausses coupures depuis 2007, oĂč lâon est passĂ© de 4 074 Ă 5 123 coupures en 2008, avant dâen atteindre 9 678 en 2009. Tout aussi prisĂ©es par les faux monnayeurs, les coupures de 100 dirhams Ă©pousent quasiment la mĂȘme tendance haussiĂšre depuis 2007. En revanche, les billets de 50 dirhams et ceux de 20 dirhams semblent de moins en moins touchĂ©s par la contrefaçon. Faut-il sâinquiĂ©ter de la recrudescence de cette fausse monnaie ?
Dans quelle mesure impacte-t-elle lâĂ©conomie nationale ? A Dar As-Sikkah, les responsables sont catĂ©goriques : « Au Maroc, la contrefaçon reste, somme toute, un phĂ©nomĂšne marginal et son impact sur lâĂ©conomie plutĂŽt nĂ©gligeable. » Câest en tout cas ce quâafïŹ rme Lahcen Hadouni, le responsable de la direction de Dar As-Sikkah, en prĂ©cisant au passage quâil sufïŹ t, pour en juger, de ramener le total de faux billets saisis au total de billets en circulation. Ainsi, par rapport aux 143 milliards de dirhams actuellement en circulation, le poids des fausses coupures saisies par BAM, dont la valeur nâexcĂšde pas 2,44 millions de dirhams, demeure faible. Une rĂ©alitĂ© conïŹ rmĂ©e par le benchmark dâautres pays oĂč, lĂ , le phĂ©nomĂšne du faux monnayage prend de lâampleur dâune annĂ©e sur lâautre.
Des euros plus sophistiqués
Au Maroc, seules 18 fausses coupures par million de coupures (contre 15 par million, une annĂ©e auparavant) sont dĂ©celĂ©es, prĂ©cise Mouhcine Naji, responsable du dĂ©partement de la Caisse centrale. Dans la zone euro, oĂč une nouvelle sĂ©rie de billets plus sophistiquĂ©s devrait circuler en 2012, ce sont 66 faux billets par million de coupures en circulation qui sont relevĂ©s, soit trois fois plus quâau Maroc. Dans dâautres rĂ©gions, ces scores sont encore plus inquiĂ©tants. Câest le cas, entre autres, du Mexique et du Canada oĂč lâon parle respectivement de 81 et 76 faux billets par million de coupures en 2008. Mais, attention, il ne sâagit lĂ que dâun indicateur partiel. Car la Banque centrale ne comptabilise que le nombre de coupures retirĂ©es de la circulation, ce qui exclut donc le nombre de prises opĂ©rĂ©es par les services de police ou la Gendarmerie royale.
Dispositifs « préventifs »
Toutefois, Ă en croire les responsables Ă la Banque centrale, la contrefaçon reste occasionnelle, contrairement Ă bien dâautres pays. Il sâagit notamment dâune contrefaçon domestique artisanale, rĂ©alisĂ©e Ă lâaide de photocopieurs couleur et un scannage sur ordinateur. Ce qui la distingue de la contrefaçon industrielle qui opĂšre Ă grande Ă©chelle, grĂące Ă des imprimantes plus sophistiquĂ©es. Cependant, il ne faut pas nĂ©gliger lâimpact de cette contrefaçon occasionnelle. MĂȘme si les sommes Ă©coulĂ©es ne sont pas Ă©normes, la contrefaçon occasionnelle est un dĂ©lit grave car difïŹcilement contrĂŽlable, contrairement Ă la contrefaçon industrielle qui est visĂ©e par les actions de coopĂ©ration internationale au niveau dâInterpol.
Par ailleurs, selon lâenvironnement des transactions, il est difïŹcile parfois de reconnaĂźtre un faux billet. En effet, les billets contrefaits sont souvent Ă©coulĂ©s dans des souks et autres marchĂ©s de gros oĂč les commerçants ne sâattardent pas Ă les vĂ©riïŹer. DâoĂč la mise en place dâune panoplie de dispositifs « prĂ©ventifs » tout au long du processus de fabrication visant Ă sĂ©curiser les billets de banque. « En dĂ©pit des proportions faibles dĂ©celĂ©es, lâautoritĂ© Ă©mettrice renforce sa vigilance », assure le responsable de la direction de Dar As-Sikkah.
Ainsi, le souci de la sĂ©curitĂ© et de lutte contre le faux monnayage est fortement prĂ©sent tout au long des phases de fabrication du billet de banque, de la conception Ă la derniĂšre phase de production. Le Maroc est lâun des pays oĂč le processus de fabrication est des plus rigoureux et des plus sĂ©curisĂ©s. Dans ce sens, une attention particuliĂšre est accordĂ©e aux Ă©lĂ©ments de sĂ©curitĂ© visibles. Lâobjectif est dâen faciliter la reconnaissance pour le citoyen par lâapparence et le toucher : papier en ïŹbre de coton, solution encre spĂ©ciale, ïŹligrane, ïŹl de sĂ©curitĂ©, impression en relief⊠La Banque centrale veille aussi Ă mettre en circulation des billets en bon Ă©tat.
Il sâagit lĂ Ă©galement dâune mesure de prĂ©vention, car les Ă©lĂ©ments de sĂ©curitĂ© visibles sont difïŹcilement reconnaissables sur les billets fortement dĂ©tĂ©riorĂ©s. Ainsi, sur plus dâun milliard de billets qui circulent, 700 Ă 800 millions de coupures sont reversĂ©es par les banques aux guichets de BAM. Sur le total de ces versements, 30 Ă 40% sont retirĂ©s et dĂ©truits car nâayant plus la qualitĂ© requise, et environ 60% Ă 70% sont recyclĂ©s.
ParallĂšlement, Bank Al-Maghrib mise sur dâautres mĂ©canismes comme le dĂ©veloppement de la bancarisation et des paiements scripturaux. Autre mesure : la nouvelle dĂ©cision publiĂ©e le 23 dĂ©cembre dernier par la Banque centrale, relative aux dispositions Ă observer par les banques en matiĂšre de dĂ©tection des contrefaçons, de tri qualitatif et de remise en circulation des billets de banques. DĂ©sormais, toutes les banques sont tenues de se mettre au diapason. Elles doivent contrĂŽler les billets de banque, dĂšs leur remise par le client, et conïŹsquer ceux dont lâauthenticitĂ© est douteuse pour les remettre sans dĂ©lai Ă Bank Al-Maghrib. On ne badine pas avec les questions dâargentâŠ
Khadija El Hassani |