« Nous faisons jouer les meilleures synergies avec la valeur ajoutĂ©e dâOrange »
iPhone 4, roaming, politique dâachats, nouveaux produits et services : le partenariat de France TĂ©lĂ©com commence Ă porter ses fruits. Pour le directeur gĂ©nĂ©ral de MĂ©ditel, les chantiers sâannoncent exigeants dâici Ă 2015.
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Vous venez de lancer, pour la premiĂšre fois sur le marchĂ© marocain, le dernier smartphone dâApple. Comment ce lancement a-t-il Ă©tĂ© rendu possible ?
M. Elmandjraâ: Câest en effet la premiĂšre fois quâApple fait confiance Ă un opĂ©rateur marocain. Il y avait eu antĂ©rieurement des opportunitĂ©s, mais qui nâavaient jamais abouti Ă un partenariat. Nous avons engagĂ© des nĂ©gociations voici deux ans. Jâai pu Ă©tablir des discussions directes, telles que jâavais pu le faire avec Facebook pour le 0Facebook, ou avec Google pour Android. Mais bien Ă©videmment, lâentrĂ©e de France TĂ©lĂ©com dans notre capital ââalors quâOrange Ă©tait dĂ©jĂ un partenaire privilĂ©giĂ© dâAppleââ a constituĂ© un appui dĂ©terminant.
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Quelles ont été les conditions exigées par Apple pour entrer ainsi sur le marché marocain ?
Notre partenaire amĂ©ricain a multipliĂ© les audits de nos rĂ©seaux, de nos systĂšmes, pour sâassurer de la qualitĂ© de nos supports. Sur le plan du business, nous devions nous engager en termes de ventes. Le marchĂ© potentiel au Maroc pour les smartphones est estimĂ© Ă environ 20â000 unitĂ©s, or Apple ne sâengage gĂ©nĂ©ralement pas Ă moins de 120â000 unitĂ©s.
Notre partenariat avec Orange a donc Ă©tĂ© capital. Par ailleurs, les conditions qui devaient prĂ©valoir Ă lâoccasion du lancement Ă©taient trĂšs strictes ââcalendrier, dispositif de lancement, formation du personnel, campagne marketing et communicationâŠââ et nous avons, de ce point de vue, battu le record de vitesse de lancement. Nous sommes passĂ©s du «âgoâ» au «âliveâ» en quatre semaines, quand il faut en gĂ©nĂ©ral compter trois mois.
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Vous vous engagez sur un marchĂ© dĂ©jĂ occupĂ©, illĂ©galement, par les revendeurs de Derb Ghallef. Nây a-t-il pas un risque de concurrence de nature Ă fragiliser votre offre ?
Je dirais quâil y a une logique de prestation, et une logique Ă©conomique. Nous pensons que les clients qui veulent investir dans une technologie Ă©prouvĂ©e vont vouloir valoriser la qualitĂ©, la garantie et surtout lâadossement Ă une entitĂ© et Ă une marque connue. Il y a une demande et un marchĂ© pour cela. On peut certes avoir le choix avec un produit Ă 6â000 ou 7â000 dirhams, sans garantie Ă Derb Ghallef, et acheter un abonnement Ă 300 ou 500 dirhams, mais on peut aussi venir chez MĂ©ditel Ă zĂ©ro dirham pour le iPhone et prendre un abonnement que, de toutes façons, il faudra acheter. Economiquement, ça nâa donc plus de sens dâacheter sur le marchĂ© parallĂšleâŠ
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Quinze jours aprĂšs son lancement, ĂȘtes-vous en phase avec vos objectifs ?
Nous sommes Ă plus de 50% sur nos prĂ©visions. Aujourdâhui, une vingtaine de nos 250 points de vente commercialisent lâiPhoneâ4, et nous allons Ă©tendre progressivement le rĂ©seau.
Lâinformation, ou la rumeur, selon laquelle lâun de vos concurrents â Maroc Telecomâ pourrait lancer lâiPhone 5 dâici Ă quelques mois, et donc rendre bientĂŽt obsolĂšte lâacquisition dâun iPhone 4, nâest-elle pas de nature Ă perturber votre offre ?
Je ne sais pas dâoĂč vient cette rumeur. Pour ma part, je mâen tiens aux faits. Il nây a aucun exemple au monde oĂč Apple a donnĂ© une version Ă un opĂ©rateur et pas la suivante. Par ailleurs, jâobserve quâune semaine aprĂšs cette rumeur, sâest tenue la Worldwide Developers Conference (WWDC) au cours de laquelle Apple a dĂ©voilĂ© ses projets, et que le iPhone 5 nây a pas Ă©tĂ© mentionnĂ©. Je serais donc Ă©tonnĂ© dâapprendre que Maroc Telecom ait pu acquĂ©rir un iPhone 5 quâaucun autre opĂ©rateur au monde nâa pu nĂ©gocierâŠ
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France TĂ©lĂ©com est entrĂ© au capital de MĂ©ditel voilĂ six mois. Comment se traduit lâarrivĂ©e de ce nouveau partenaire ?
Il ne sâagit pas seulement dâune entrĂ©e au capital (NDLRâ: 40%), mais surtout dâun partenariat industriel. Nous avons identifiĂ© quels Ă©taient nos besoins pour faire jouer les meilleurs appuis et synergies possibles avec la valeur ajoutĂ©e dâOrange. En termes dâachats par exemple, nous profitons de coĂ»ts nĂ©gociĂ©s grĂące au volume, ce qui nous permet de dĂ©gager une meilleure efficacitĂ© opĂ©rationnelle.
Nous avons Ă©galement identifiĂ© des programmes de formation et dâĂ©change de compĂ©tences ou de retour dâexpĂ©rience sur les produits et services lancĂ©s sur le marchĂ©. Ainsi, Orange Ă©tant prĂ©sent sur une trentaine de pays, nous bĂ©nĂ©ficions de retours dâexpĂ©rience fort utiles, notamment dans le domaine de lâentreprise.
La Jordanie ou lâEgypte prĂ©sentent de ce point de vue des similitudes avec le marchĂ© marocain. Orange dispose par ailleurs dâun Technocentre, oĂč sont conçus les nouveaux produits, et il y a lĂ une bibliothĂšque de produits et services Ă implĂ©menter au Maroc.
Nous bĂ©nĂ©ficions dâune accĂ©lĂ©ration consĂ©quente sur des produits Ă sortir en quelques mois plutĂŽt quâen 18 ou 24 mois, singuliĂšrement des produits et services Ă destination de lâentreprise, ou nous allons ĂȘtre plus efficaces en matiĂšre de convergence des systĂšmes. Notre partenariat avec Orange nous permet aussi dâaccĂ©lĂ©rer nos accords internationaux avec dâautres opĂ©rateurs, notamment au niveau du roaming.
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La montĂ©e en puissance attendue de France TĂ©lĂ©com se traduit-elle dĂ©jĂ dans lâorganisation de MĂ©ditel ?
Notre partenaire pourra monter Ă 49% en janvier 2015, et aura le droit de nommer des postes de management clĂ©s au sein de lâentreprise. Pour lâheure, nous avons simplement accueilli en provenance de France TĂ©lĂ©com, un contrĂŽleur de gestion et un directeur marketing pour la business unit des particuliers, en la personne dâAntoine De Clerck, ancien responsable commercial dâOrange au Mali.
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Sur un marchĂ© aujourdâhui rĂ©putĂ© mature, les opĂ©rateurs essaient de se distinguer avec des offres segmentĂ©es et agressives. OĂč est lâoriginalitĂ© de MĂ©ditel ?
PrĂ©cisĂ©ment, nous venons de lancer, cette semaine mĂȘme, une offre prĂ©sentant une rupture avec les stratĂ©gies marketing classiques. Mix, câest son nom, est orientĂ©e jeunes mais pas exclusivement. Il sâagit dâun pack combinĂ© voix + sms + 3G, avec du contenu.
Nos clients peuvent y souscrire, y entrer ou en sortir comme ils veulent, sans abonnement. Nous essayons de casser les codes avec des lancements orientĂ©s rĂ©seaux sociaux et web. La page Facebook de MĂ©ditel est ainsi passĂ©e rapidement de 70â000 Ă plus de 120â000 âmembres en lâespace de quelques semaines.
Nous mettons aussi en place un grand dispositif Ă lâattention des MRE. Nous serons prĂ©sents avec du street marketing dans tous les ports, aĂ©roports et sur les autoroutes pour proposer une carte SIM Ă 20 dirhams, plus 20 dirhams de solde et 30 minutes de communication Ă 25 dirhams. Ainsi que des tarifs Ă lâinternational au prix du national.
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Sâagissant du marchĂ© entreprise, votre prĂ©sence est encore disons⊠timide.
Notre part de marchĂ© naturelle devrait ĂȘtre de 30% Ă 40%, or, nous rĂ©alisons aujourdâhui moins de 20%.
Il y a donc beaucoup Ă faire. Nous travaillons sur plusieurs axes, dont celui des TPE/PME. Nous dĂ©ployons Ă©galement des investissements trĂšs consĂ©quents en matiĂšre de fibre optique. Nous souhaiterions dâailleurs pouvoir partager les infrastructures comme nous le faisons dĂ©jĂ avec inwi pour les antennes, mais nous y allons aujourdâhui seuls, car les besoins sont importants pour faire face Ă la demande. Notre rĂ©seau fibre optique est constamment en expansion.
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Et la 3 G ?...
LĂ aussi, lâexpansion continue. Nous couvrirons ainsi 51 agglomĂ©rations, et tous les axes routiers, ce qui doit reprĂ©senter quelque 80% de la population. Nous avons toutefois un rĂ©el problĂšme au Maroc. Nous investissons lourdement car la demande est de plus en plus forte.
Ce faisant, nos investissements favorisent lâexplosion de la demande⊠Mais, Ă un moment, il faut quâĂ©conomiquement tout cela soit viable ! Or, au Maroc, le marchĂ© nâachĂšte pas, comme ailleurs, un volume dâaccĂšs (en Gbit), mais simplement du temps de connexion ! Ce qui fait que le Mbit est probablement ici le moins cher au mondeâŠ
Pour 100 dirhams, vous pouvez avoir un accĂšs Ă Internet durant un mois en illimitĂ©, cela fait quâĂ©conomiquement il est trĂšs difficile de suivre la demande. Dans ce cadre, nous devons faire comprendre que les limitations de volumes sont normales pour pouvoir assurer une bonne qualitĂ© Ă 95% des utilisateurs. 5% des utilisateurs utilisent 60% de la capacitĂ© du rĂ©seau, et ce pour le mĂȘme prix.
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Les utilisateurs se plaignent de la lenteur du réseau. Y a-t-il parfois encombrement, ou sous-capacité du réseau ? Et comment y remédier ?
Face à certains volumes, il nous arrive effectivement de baisser le débit pour que chacun puisse continuer à profiter du réseau. Nous travaillons activement sur une possible différenciation, tant sur le plan technique que commercial.
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Ira-t-on vers des tarifs différenciés entre gros utilisateurs et utilisateurs plus irréguliers ?
Câest une possibilitĂ©.
Propos recueillis par Henri Loizeau |