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Coordinations Les nouveaux syndicats  
actuel n°99, vendredi 17 juin 2011
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Associations, rĂ©seaux spontanĂ©s
 De nouvelles formes d’organisations revendicatives investissent le terrain. Elles semblent mĂȘme mobiliser plus d’adhĂ©rents que les syndicats traditionnels. Une nouvelle Ăšre de combat social collectif s’annonce.


***

Les sit-in et marches de protestation se succĂšdent mais ne se ressemblent plus. Que ce soit devant le Parlement Ă  Rabat ou devant le siĂšge d’une grande entreprise, les grĂ©vistes brandissent toujours des banderoles.

Mais elles sont de moins en moins estampillĂ©es des « logos » et slogans classiques des centrales syndicales traditionnelles. Il faut dire que ces derniers temps, plusieurs mouvements de contestation, que ce soit dans le privĂ© ou le public, sont dĂ©crĂ©tĂ©s et encadrĂ©s par des collectifs, des coordinations ou des associations.

Ces nouveaux relais reprennent et adoptent les causes défendues jusque-là par les syndicats, et en font désormais leur cheval de bataille. Ainsi, aprÚs les premiÚres actions contre la cherté de la vie et la dilapidation des deniers publics, menées tambour battant par différentes coordinations à travers le Royaume, des thÚmes propres aux milieux ouvriers et professionnels commencent à mobiliser davantage les masses.

LancĂ© timidement ici et lĂ  au cours des cinq derniĂšres annĂ©es, ce mouvement a pris de l’ampleur dans le sillage du « printemps arabe », avec la montĂ©e des tensions sociales au Maroc.

De nouvelles formes plus structurées et plus étoffées voient le jour et, les réseaux de communication sociale (facebook, twitter et autres) aidant, elles investissent le terrain, épousant les causes des différents secteurs.

« DĂ©sabusĂ©s et lassĂ©s des promesses rarement tenues des syndicats, les ouvriers et employĂ©s tentent de nouveaux canaux de pression, Ă  la recherche de plus d’efficacité », explique Me Abdelmounim RifaĂŻ. D’autant que le syndicalisme au Maroc, qui a connu son apogĂ©e dans les annĂ©es 80 et 90, traverse aujourd’hui une crise sans prĂ©cĂ©dent, comme en tĂ©moigne la chute constante du taux de syndicalisation qui ne dĂ©passe pas les 10%, Ă  en croire Ali Lotfi, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’ODT.

ParallĂšlement, le chĂŽmage ne cesse de s’aggraver tout comme la prĂ©caritĂ© de l’emploi. « En proie Ă  des luttes intestines, les syndicats ne sont plus Ă  la hauteur des enjeux actuels », dĂ©plore un ancien membre d’un syndicat traditionnel, en rĂ©fĂ©rence aux derniĂšres scissions et dĂ©missions en sĂ©rie qui ont fragilisĂ© certains syndicats.

De l’avis gĂ©nĂ©ral, les centrales syndicales renvoient aujourd’hui une image brouillĂ©e, gangrĂ©nĂ©e par des clans, le clientĂ©lisme et l’abus de biens et de pouvoir. A cela s’ajoutent les divergences de points de vue, la centralisation des dĂ©cisions, la crise de leadership et l’opacitĂ© de la gestion financiĂšre. RĂ©sultat : le pouvoir comme la crĂ©dibilitĂ© des syndicats ne cesse de s’éroder.

Des syndicats à la déroute

« Forts de leur capacitĂ© de mobilisation, les syndicats pesaient de tout leur poids dans la prise de dĂ©cision des pouvoirs publics. Aujourd’hui, la question de leur efficacitĂ© et de leur utilitĂ© au terme de chaque dialogue social est sĂ©rieusement posĂ©e », fait remarquer le politologue Mohamed Darif.

Dans le mĂȘme sillage, Ali Lotfi renvoie au bilan syndical mĂ©diocre de ces cinq derniĂšres annĂ©es, comme le prouve la faible Ă©volution des taux des affiliĂ©s Ă  la CNSS ou celui des bĂ©nĂ©ficiaires de l’assurance sociale et du systĂšme de retraite.

MĂȘme son de cloche du cĂŽtĂ© de salariĂ©s syndiquĂ©s qui fustigent les maigres rĂ©sultats du dernier dialogue social, une autre occasion ratĂ©e puisque le contexte Ă©tait plutĂŽt favorable. Il aurait permis Ă  des syndicats forts de dĂ©fendre au mieux tous les cahiers revendicatifs ainsi que les intĂ©rĂȘts des classes les plus lĂ©sĂ©es.

« Que signifie une augmentation de 600 dirhams pour quelqu’un dont le salaire n’a pas bougĂ© depuis prĂšs de vingt ans ? » tonne Abdellatif Batha, enseignant et membre de la coordination nationale des enseignants (Ă©chelle 9), active depuis quelques mois et qui regroupe en son sein plus de 20 000 membres.

« Depuis 18 ans, j’exerce en tant qu’enseignant, Ă  l’échelle 9, en attente d’une promotion qui tarde Ă  venir », renchĂ©rit Yassir Touach, membre de la mĂȘme coordination. Aujourd’hui, ce dernier et des milliers d’autres enseignants dans la mĂȘme situation ont prĂ©fĂ©rĂ© prendre leur destin en main, et se regrouper au sein de cette coordination pour mieux dĂ©fendre leur cause.

« Depuis des annĂ©es, les syndicats n’ont pas revu leurs mĂ©thodes. Au lieu de focaliser sur les plus dĂ©favorisĂ©s, ils prĂ©fĂšrent s’en tenir aux gĂ©nĂ©ralitĂ©s en nĂ©gociant des packages et se fĂ©licitent dĂšs que le gouvernement leur concĂšde des miettes », dĂ©plore Touach.

Abondant dans le mĂȘme sens, Mustapha JĂąa, infirmier et membre de la coordination nationale de ce corps de mĂ©tier, estime que les syndicats auraient dĂ» remettre en question leurs mĂ©thodes en s’adaptant aux mutations de la sociĂ©tĂ© et au nouveau contexte dans lequel Ă©voluent les salariĂ©s des secteurs public et privĂ©.

« Leur nĂ©gociations doivent intĂ©grer les revendications diffĂ©renciĂ©es des secteurs d’activitĂ© et catĂ©gories professionnelles », prĂ©conise-t-il. Actifs depuis janvier dernier au sein d’une coordination nationale, les infirmiers, qui estiment ĂȘtre au premier rang du personnel exposĂ© aux risques hospitaliers, revendiquent une prime de risque alignĂ©e – au moins – sur celle des mĂ©decins (entre 2 800 et 5 000 DH, selon le grade), contre 1 000 DH qui leur sont allouĂ©s actuellement.

Ces professionnels de la santĂ© rĂ©clament aussi une loi d’exercice et une commission nationale des infirmiers, deux revendications prioritaires pour mieux organiser leur mĂ©tier. Rappelons que le mĂ©tier d’infirmier est toujours rĂ©gi par un Dahir de 1960.

Il faut résister à la pression

« L’infirmier se retrouve souvent Ă  exercer sans couverture juridique. Ainsi, par exemple, les points de suture, qui sont normalement du ressort du mĂ©decin chirurgien, dans les faits, sont pratiquĂ©s par les infirmiers.

Mais, en cas de problĂšme, ce dernier n’est pas couvert », martĂšle Mustapha JaĂą. Face Ă  de telles incohĂ©rences, ces salariĂ©s, « oubliĂ©s des packages syndicaux », se sont rĂ©signĂ©s Ă  investir le terrain pour « ĂȘtre plus visibles » et se faire entendre par les autoritĂ©s publiques.

Comble de l’ironie, certains syndicats n’ont pas hĂ©sitĂ© Ă  rejoindre les rangs de ces mouvements collectifs. Reste Ă  savoir quelles sont les perspectives d’avenir pour ces nouveaux mouvements contestataires marocains. Sauront-ils constituer une alternative face Ă  l’érosion du pouvoir des centrales syndicales ? Pour l’heure, leur dĂ©fi consiste Ă  ne pas succomber Ă  la pression des autoritĂ©s.

Khadija El Hassani

Fini le leadership !

Fini le dirigeant unique et Ă©ternel. Le nouveau projet de contestation sociale, tel que prĂ©sentĂ© par ses porteurs, veut s’affranchir de toutes les entraves qui limitaient son action. Il s’agit ainsi de sortir du carcan stĂ©rĂ©otypĂ© et bureaucratisĂ© qui bride tout mouvement revendicatif, pour aller vers des structures plus souples et plus flexibles.

Pour plus de dĂ©mocratie, ces nouveaux relais prĂŽnent l’absence mĂȘme de leadership. A cheval entre les modĂšles associatif et syndicaliste, ils prĂ©fĂšrent opĂ©rer en l’absence d’un statut juridique prĂ©cis.

Et pour toute demande d’autorisation Ă  manifester, ces structures passent par leurs membres, qu’ils soient des associations ou des syndicats. En outre, ces nouveaux relais de la revendication sociale moderne sont plus ancrĂ©s dans les rĂ©seaux internationaux que leurs aĂźnĂ©s. DĂ©cidĂ©ment, le pragmatisme est de mise.

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